Chapitre 3

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Je regarde Caroline, ébahie par sa révélation. Elle continue à pianoter frénétiquement sur son clavier et ne me prête presque plus attention. Je me sens soulagée de partir de loin de ma famille, loin de la France mais j'attends des réponses de sa part. Est ce qu'elle m'a payé un simple billet aller pour New York, après quoi, j'allais devoir me débrouiller seule ? A-t-elle a un plan pour moi ?
Tout tourne en boucle dans ma tête comme dans un tourbillon pourtant je n'ose pas lui poser de questions, peur de sa réponse. Je ne sais pas comment je vais  pouvoir me débrouiller, seule, sans un sou. Toute ma vie, j'ai vécu aux crochets de mes parents et de cette famille.
Je suis sortie de ma rêverie en entendant la porte d'entrée s'ouvrir.

- Chérie ! C'est moi !

Un homme d'une quarantaine d'années, les cheveux grisonnant entre dans le séjour. Il se fige en me voyant et m'observe avec attention. Il se racle la gorge car Caroline ne prends même pas la peine de lui répondre. Il est grand et sportif. Il dégage un charme fou dans son simple t-shirt, jeans, baskets. Son regard bleu passe de moi à Caroline. Cette dernière ferme son ordinateur portable et se retourne pour lui faire face.

- Bonjour, mon amour !

Elle se lève et va déposer un baiser sur ses lèvres. Je baisse immédiatement le regard, gênée par cette scène d'intimité.  Elle coupe ce silence en me désignant du doigt.

- Fred, je te présente Louise!

Fred. C'est donc son prénom. Il la regarde avec passion. On voit cet amour inconditionnel entre eux. Je peux, à ce moment précis, me dire qu'elle a l'air heureuse, détendue et épanouie. Jamais, elle n'aurait pu être tout cela au sein de notre famille. Chez nous, il n'y avait pas de place pour les sentiments, tout était froid, sans une once de sentiments. Ma mère me disait souvent que montrer ses sentiments était équivalent à se mettre à nu et que cela ne faisait que renforcer la faiblesse que nous avons en chacun de nous. Elle n'a jamais été maternelle avec moi et n'a jamais eu ce genre d'attention pour mon père. Je suis éblouie par ce geste anodin.

- Enchanté ! Tu dois être une de ses élèves ?

Fred a posé cette question avec bienveillance. Il a l'air d'une gentillesse infinie. Il tient Caroline par la taille et on voit à travers ce geste, tout l'amour qui lui porte. Caroline me toise et je vois à son visage qu'elle semble gênée.

- Louise n'est pas mon élève, Fred. Il s'agit de ma nièce.

Son dernier mot a un effet néfaste dans leur bulle d'amour. Il se détache soudainement d'elle et son visage se ferme. Il me regarde, à présent plus durement, comme si je suis la peste en personne. Ses iris d'un bleu parfait se ferment . Il a un mouvement de recul qui me blesse en plein cœur et se pince le nez.

- Qu'est-ce qu'elle fait là ?

Ses paroles sont comme un coup de massue pour moi. Je ne suis pas la bienvenue et ce sentiment ne fait que renforcer la honte et le dégoût que je ressens à mon égard. Mon regard se pose immédiatement sur mes pieds. Jamais, je ne me suis sentie aussi faible et vulnérable, qu'aujourd'hui. Si j'avais la force nécessaire, je pense que je sauterai par la fenêtre pour cesser ce cauchemar. 

- Fred, ce n'est pas ce que tu crois !

- Je croyais que tu avais tiré un trait sur ta putain de famille! Il me semble qu'on était d'accord. C'est toi qui m'a dit ne plus jamais vouloir à faire à eux. Non ? 

- Ce n'est pas du tout ce que tu crois. Louise ... cherche tout comme moi, à les fuir. Et je vais l'y aider.

- Mais bien sûr ! Tu n'as eu aucune nouvelle de personne en cinq ans, ils t'ont laissé pour morte, sans jamais te contacter et la voilà plantée au milieu de notre salon ! Tu es bien trop gentille crois moi. On ne demande pas de l'aide à quelqu'un qui ne nous en a jamais donné. 

Tant que l'océan nous sépareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant