Chapitre 2

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Je me relève à toute vitesse, mais mon banc en décide autrement. Je me cogne l'arrière de la tête contre le dessous de la table. J'ai eu la chance d'éviter le cimetière de chewing-gums séchés accumulés au fil du temps.

— Ça va ? Tu t'es fait mal ?

Derek est penché vers moi, la tête posée dans sa main. J'attends que Madame Pond détourne le regard pour répondre.

— Oui, tout va bien...

C'est faux, je crève de mal. J'ai les yeux larmoyants de douleur. Ce qu'il ne manque pas de remarquer mais ne semble pas relever, à mon grand bonheur. Je sens mes joues s'enflammer à cause de la honte, si bien que je ne relance pas la discussion. Le reste du cours se déroule en silence.

La semaine qui suivit avait été étonnement... calme. On est le vendredi 24 septembre et je n'attends qu'une seule chose : la fin des cours. Avant de pouvoir aller au centre commercial, il fallait que je survive au cours de sports et c'est clairement les deux heures les plus épuisantes de la semaine. L'été se terminait tout doucement, les jours sont encore chaud mais on sentait l'humidité et la fraîcheur de l'automne pointer leurs nez la nuit. Tout le monde semble détester l'automne. En tout cas, c'est ce qu'il me semble en marchant jusqu'à la salle de sport avec Liam. Bien que nous ne soyons pas dans la même classe, nous étions dans le même cour de sport. Ce qui n'était pas si mal que ça parce qu'au moins je ne devais pas surmonter cette épreuve tout seul. Il me raconte ce qu'il a fait pendant les vacances – sa nouvelle copine l'a invité en France. Ensuite, la conversation dérive vers les potins de la semaine, mais je n'écoute pas. Mes yeux sont rivés sur les arbres qui perdent petit-à-petit leurs feuilles. Tout comme mon espoir de trouver un petit-ami dans cette ville avant de quitter pour l'université. En passant la porte, je remarque que nous ne sommes pas encore beaucoup dans le vestiaire. On est une dizaine éparpillés à chaque coin de la pièce. Je me trouve un bout de banc et me change en vitesse.

Je me sens toujours étrangement mal à l'aise dans les vestiaires. C'est généralement le lieu où les gens comme moi doivent trouver un petit coin pour se faire tout petits pour se changer à l'abri. La plupart des garçons ont des préjugés sur moi. Tout d'abord parce que je ne reste qu'avec des filles – visiblement, Liam ne compte pas parce qu'il est « assez masculin » - et parce que je ne parle jamais de mes conquêtes amoureuses ni de mes exploits sexuels. Enfin je ne dis pas que tous les garçons en parle ni même qu'ils en parlent à chaque fois mais ça arrive que les vestiaires soient le lieux des certaines discussions assez salaces.

J'enfile mon t-shirt de sport et mon short puis je rentre mes pieds dans mes chaussures sans même les délasser et sors du vestiaire. J'attends dans la cour le temps que les autres finissent. Une petit brise se lève quand le prof nous rejoint. Il réunit tous les élèves avant de prendre un air supérieur (comme presque tous les prof de sport sur cette planète).

— Aujourd'hui, nous allons courir. Enfin, vous allez courir, dit-il avant d'éclater de rire.

Il doit avoir environ 35 ans et fait des blagues comme s'il en avait 65. Cependant, il aime la course, ce qui me rassure. Je déteste le sport. Clarification, je déteste les sports d'équipe et tous ceux qui requièrent une balle. Peu importe sa taille. Mon problème avec ces sports est que je n'arrive pas à rattraper la balle. Jamais. J'en viens parfois à me demander si je n'ai pas un problème de synchronisation car je ne sais pas faire fonctionner et mes jambes et mes bras quand une balle est en jeu. Cela m'a valu des heures de ridiculisation. On doit faire des tours de terrain « jusqu'à ce que nos jambes se transforment en nouilles, ce qui est déjà le cas pour certain. »

Super.

En plus de faire des blagues pourries, il nous bodyshame. Que demander de plus ?

On s'aligne tous sur la ligne de départ et lorsque le prof siffle, tout le monde se lance à toute vitesse. La classe se divise rapidement en deux groupes distincts. Les premiers - dont Liam et moi faisons partie – étaient quasiment à la fin du premier tour dès les deux premières minutes et le second, un peu plus lent, qui malgré tout suivait le premier d'une vingtaine de mètres. On approchait de la fin du premier tour. Puis on finit le deuxième et enfin cinq minutes plus tard on finit le troisième tour quoiqu'avec beaucoup de difficultés. Le temps ralenti. Encore combien de tours avant la fin des cours ? Je ne pense qu'à une seule chose : notre sortie au centre commercial après les cours avec Amethyst et Liam. Tous ces tours de cours à courir en boucle me font me sentir comme un poisson rouge dans un bocal. Je me perds dans mes pensées et ne remarque pas que mes lacets se sont défaits. Au lieu d'avoir la grâce d'Antoine qui, personne ne sait comment a toujours ses lacets défaits et ne semble pas le remarquer. La seule différence entre lui et moi est que je marche sur les miens et tombe par terre la tête la première. Mes mains rappent contre le sol et de minuscules gravillons s'enfoncent douloureusement dans mes paumes. Ma peau rougit instantanément sous la douleur physique. — Tout va bien ? Derek me tend la main pour m'aider à me relever. Il est le seul à s'être arrêté, en plus de Liam. Ce qui me réchauffe un peu le cœur. Je prends sa main et me relève. Mes genoux ensanglantés me brûlent et je frotte mes mains contre mon short pour enlever les gravillons de ma peau.

Tell Me You Are Mine (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant