Chapitre 2 : Les Ombres du Passé

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Plonger dans mes pensées est comme conduire sur une autoroute vers le passé. Nous sommes en 2004, l'année où la tragédie a frappé notre famille de plein fouet. C'est le jour où notre père a été assassiné par les rebelles lors d'un soulèvement. Son ami Saka est venu nous annoncer la nouvelle avec une voix tremblante, mais des mots bien pesés.

"Votre père a donné sa vie au service de la cause commune. Nous vous présentons toutes nos condoléances, à vous et à toute la nation."

L'État a organisé des funérailles nationales pour honorer sa mémoire, promettant de subvenir à nos besoins, de nous inscrire dans les meilleures écoles, mais ces promesses n'ont jamais réussi à combler le vide laissé par son départ. La douleur de notre mère ne pouvait être effacée par de simples mots ou des cérémonies.

Elle a été engloutie par une obscurité profonde, une ombre qui a obscurci la lueur dans ses yeux. Elle ne souriait plus, même quand j'essayais de la faire rire avec mes blagues enfantines. Chaque jour, elle allait prier sur la tombe de papa. Elle espérait, contre toute logique, qu'il reviendrait. Ce que tu ne sais peut-être pas, Raki, c'est qu'on n'a jamais retrouvé le corps de notre père. Ce mystère rongeait notre mère de l'intérieur. Elle voulait simplement le revoir, danser une dernière fois avec lui, l'embrasser pour lui dire adieu.

Grand-mère disait qu'elle avait juste besoin de temps pour faire son deuil. Mais le temps passait et maman devenait de plus en plus malade. On a découvert une tumeur cérébrale, et les médecins nous ont dit que ses jours étaient comptés. Les médicaments étaient chers, trop chers pour nous. On a vendu la maison pour payer les soins, et grand-père a même hypothéqué sa voiture. Grand-mère, quant à elle, a vendu tous ses bijoux, tout son or, pour tenter de la sauver.

Moi aussi, j'ai voulu contribuer. Alors, je me suis mis à mendier dans les rues. Mes camarades du quartier m'avaient surnommé le "mendiant orphelin". Chaque jour, je déposais mes maigres gains dans la poche de grand-mère, espérant qu'ils ne découvrent jamais la vérité. La honte me dévorait, mais je ne voyais pas d'autre moyen. J'aurais fait n'importe quoi pour maman, pour toi.

Puis, un jour, un homme est venu frapper à notre porte. Il portait un costume rayé et une chemise blanche, une mallette à la main. Il était l'agent immobilier envoyé par la banque pour saisir notre maison.

"Je représente la banque, je viens saisir la maison."

Des hommes sont entrés et ont jeté toutes nos affaires dehors. Maman était à l'hôpital à ce moment-là, et grand-père avait décidé de ne pas lui dire, de ne pas aggraver son état. Nous avons déménagé dans la vieille baraque où grand-père et grand-mère avaient passé leur jeunesse.

Le lendemain matin, à 6h35, le téléphone a sonné. C'était le docteur. Grand-père a décroché, et j'ai vu ses yeux se remplir de larmes. Il a pris grand-mère dans ses bras, et soudain, des cris ont résonné dans la maison. C'était les cris de grand-mère, des cris de douleur que je n'oublierai jamais.

Toi, Raki, tu étais encore trop jeune pour comprendre. Tu m'as regardé avec tes grands yeux innocents et tu m'as demandé : "Où est maman ? Pourquoi papa ne revient-il pas ?" J'ai essayé de te prendre dans mes bras, de te rassurer, mais que pouvais-je dire ? Nous étions maintenant les derniers vestiges de nos parents.

Ce fut le début d'une longue descente dans l'obscurité, une période où chaque jour était une lutte pour la survie. C'est à ce moment-là que j'ai fait la promesse de te protéger, de veiller sur toi coûte que coûte. Mais, même avec toute la volonté du monde, le destin nous a séparés.

Une lettre pour Ma SOEUROù les histoires vivent. Découvrez maintenant