Aux alentours de 10h30, j'entrouvris enfin les yeux. Je me lovais dans la couverture encore chaude de la nuit, les yeux encore fermés face à la lumière blanche du soleil d'hiver, celle-ci essayant de me réveiller toujours plus en traversant les volets mal fermés.
Je soupirais avant de m'adonner à une monstrueuse torture ; procéder à la sortie de mon lit pourtant si douillet, m'arrachant aux édredons tièdes. Moi, Jisung, vivais une vie bien dangereuse.
Les yeux bien embués de la nuit et les cheveux en bataille, je posais mes pieds nus sur le parquet glacé. Je fus traversé d'un gros frisson qui me sortit tout à fait de mon état de mort vivant arraché à la tombe. Traînant des pieds jusqu'au salon où tous les objets semblaient figés dans le temps, je regardais la poussière dans les filets de lumières qui éclairaient la pièce.
Je saisis délicatement mon vinyle préféré, le sortis de sa jaquette et le glissais avec précautions sur le tourne-disque. La douce mélodie du clair de lune de Debussy s'éleva dans mon appartement, remplissant la pièce à vivre, tandis que je me rendais à la cuisine pour petit-déjeuner.
J'enfilais au passage mes chaussons et un sweat-shirt. Ma kitchenette était pourvue d'une grande fenêtre qui donnait sur tout le bâtiment d'en face. Tiens, madame Moustache a oublié son linge.
Elle le sortait habituellement en début d'après-midi et le suspendait à son balcon, puis le soir elle le rapatriait méticuleusement chez elle. J'imaginais l'odeur de sa lessive pour passer le temps.
D'ailleurs elle ne s'appelait pas vraiment madame Moustache, c'était un surnom parmi d'autres, car elle avait un chat dont les poils sous le museau formaient une moustache. Il y avait pile en face de chez moi monsieur Contrebasse -je vous épargne le pourquoi du comment, je pense que vous avez saisi-, madame Moineau et enfin madame Bleuet ; une fleuriste un peu excentrique.
Essentiellement des femmes au final. L'eau chauffait dans la bouilloire, laissant un filet de vapeur venir déposer un filme de buée sur les vitres de la cuisine.
J'aimais particulièrement madame Bleuet, elle avait de bons goûts musicaux, surtout quand elle était dans son salon, on faisait des petits concours de playlists, laissant l'autre jouer sa musique après la notre.
Elle m'offrait du muguet ou du mimosa les rares fois qu'on se croisait et ça embaumait tout mon appart pendant un moment. Mes voisins de pallier étaient plutôt neutres, ne faisaient pas de bruit et -pour mon plus grand plaisir- ne disaient pas bonjour. C'était surtout des personnes âgées à ce que j'avais pus voir, parfait pour moi.
Sortir ; dictionnaire Han Jisung : verbe terrifiant qui signifie une épreuve de mise en danger à surmonter au quotidien.
J'aimais et détestais sortir. Non, je détestais mon anxiété, ma basse estime de moi, pas le fait de sortir en lui-même. Je détestais penser que les gens rient de moi en entendant des éclats de rire, je détestais être le centre de l'attention quand je tombais.
En réalité je pense que je me détestais toujours autant qu'avant, malgré les psy, les remises en question et mon travail sur moi. J'étais rien qu'un faible. J'étais méchant avec moi-même. Et puis je ne m'étais pas fait d'amis depuis un moment, j'avais perdu de vue les quelques uns qui me restaient de la petite enfance.
J'aimais bien sortir parfois, tout seul. Aller à la bibliothèque. Même si ce n'était pas vraiment considéré comme une sortie parce que à mon sens c'était un peu comme ma deuxième maison, je ne comprenais pas pourquoi on ne me faisait pas déjà payer le loyer.
Cette pensée me fit sourire et je croquais dans la tartine beurre-miel que je m'étais confectionnée. La vapeur sortant de la bouilloire était toujours plus importante, tandis que l'eau montait à ébullition. Je mis mon thé préféré à infuser, y ajoutai trois carreaux de sucre, laissant la boisson refroidir un peu.
Une fois dans ma gorge, le liquide acheva de me réveiller tout à fait. Pour ne rien vous cacher, la routine commençait à me fatiguer mentalement. J'étais toujours seul, je n'étais pas heureux.
Quelques larmes roulèrent sur mes joues puis jusque dans ma tasse et je reposais la tartine sur le plan de travail, incapable d'en avaler une seule bouchée de plus. Les sanglots montaient dans ma gorge. « Jisung la pleurnicharde », j'allais encore une fois, et superbement, représenter ce surnom qui me poursuivrait probablement toute ma vie.
Surnom que je m'étais moi-même donné, inspiré par ceux dont on me traitait plus jeune.
Je fondais en larmes, mon menton tremblant tentant vainement de contenir les sanglots qui me secouaient déjà de parts et d'autres.
J'avais besoin de nouveauté mais je fuyais tout changement d'habitude. Ça faisait trop mal d'être déçu, d'avoir à bousculer un cocon de connaissances et de marques que je m'étais fait tout seul. C'était confortable la routine, mais pas ce qu'il me fallait pour aller bien.
J'étais juste un oiseau avec une patte cassée et qui s'était fait rapatrier au nid, alors que tous les autres autour de moi savaient voler.
Un putain de piaf qui faisait semblant d'aimer sa misérable situation. Je me noyais dans mes dominos, mes envies coupables et mes incapacités à socialiser.
Je ne savais pas ce que j'allais bien pouvoir changer sans risquer de souffrir de mes décisions. Changer de thé ? De goûts musicaux ? Non, il me fallait quelque chose qui m'aiderait à aller de l'avant, pas un truc qui me rendrait moins... moi.
Tout en me rassemblant et débarrassant mon petit-déjeuner à peine entamé, je réfléchissais à une activité pour me changer les idées. J'ouvris les volets du salon et sortis mon nécessaire de peinture, un chevalet et mon inspiration.
En fermant les yeux j'imaginais un chaton courant autour de moi, jouant dans mon canapé. Un chaton, présent comme un nouvel ami. Un nouvel ami. Je l'avais mon idée, j'allais me faire des amis. Ou un seul, pour le moment.
Une fois cette bonne résolution prise, je me mis à peindre le bâtiment d'en face, que je percevais juste ce qu'il fallait par la fenêtre. Sur ma peinture, de chaque appartement sortait une version un peu caricaturée de chaque habitant.
Le tourne-disque s'était tut avec mes pleurs, et ça m'allait. Mon cœur était un peu plus léger, j'avais hâte. J'avais hâte même si j'étais terrifié. Stop, ne plus y penser.
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Cosmos [MINSUNG]
Fanfiction[EN COURS] ❝ Cosmos ❞ [SKZ] [fic. Minho × Jisung] love story |happy end| | Presque tous les jours il était là, bien vivant et bien chez lui. Moi je ne faisais que le mater de temps en temps depuis la fenêtre de la bibliothèque, depuis laquelle j'ava...