Le soleil venait de se coucher sur la plaine, emportant avec lui les dernières couleurs du jour. Le visage appuyé sur sa main, une jeune femme regardait le ciel s'assombrir. Assise dans la poussière depuis déjà deux heures, elle semblait rêvasser, faisant peu attention aux regards qui se posaient sur elle. Plus tôt dans l'après-midi, elle avait allumé un feu, tentant de se réchauffer contre les flammes rougeoyantes.
Sa famille n'était plus là, ils étaient partis il y a quelques jours, elle ne savait pas où, mais elle était seule. Cela ne lui posait pas vraiment problème, puisqu'ils n'avaient jamais réellement pris soin d'elle. Année après année, elle voyait son père de moins en moins et grandissait sans sa mère. Sa notion de famille n'avait jamais été bien complète, comme si elle savait ce qu'était censé être une famille, mais qu'elle n'en avait pas encore fait l'expérience. Pas encore, se disait-elle pour s'encourager à se lever le matin.
Elle travaillait à la laverie de son village, triait le linge et l'étendait pour la vielle femme en charge, qui elle, lavait les linges selon son propre rituel. Tout était monotone, monochrome. Sa famille était mauvaise, noir, le linge était propre, blanc. Pourtant, lorsqu'elle avait trouvé les paillasses de son père et de son frère vide il y a trois jours, elle avait senti que quelque chose allait changer. Un petit rire lui échappa lorsqu'elle réalisa qu'elle était en train de passer sa troisième soirée assise dans la cendre d'un feu de camp. Secouant la tête, elle chassa les petites larmes qui tentaient de s'échapper de ses yeux. Elle n'avait jamais aimé son frère, ils n'avaient pas la même mère et leur caractères étaient bien trop différents. Tynan aimait les flatteries, les richesses, les dorures, elle détestait se faire remarquer. Tynan était un garçon que son père adulait, elle était une fille que son père évitait.
À présent, ils avaient fui, l'abandonnant seule dans le froid de l'hiver qui s'installait, sûrement s'en allant vers le sud, peut être l'ouest là où il faisait moins humide. Ils ne lui avaient laissé aucune lettre d'adieu, surement trop pressés de se débarrasser d'elle.
La jeune fille se mit à frissonner et elle entoura ses bras autour de se ses jambes, tentant de se réchauffer, alors que son feu s'éteignait lentement. Elle n'avait pas la force de bouger. Peut-être qu'elle pouvait laisser la flamme s'éteindre ?
Un léger sanglot lui échappa et elle secoua la tête pour s'empêcher de s'abandonner elle-même. Ses courtes mèches brunes remuèrent légèrement, s'éparpillant sur son visage rosi par le froid. Elle avait vendu ses cheveux le matin même pour payer le loyer que son père avait oublié, puis elle avait quitté leur petite maison avec seulement une couverture et une casserole.
Les flammes fondaient lentement sur le bois qui s'effritait peu à peu, ne laissant que des braises au milieu d'un tas de cendres. Elle les regarda d'un œil vide, pas très sûre de ce qui allait suivre. L'eau qui bouillonnait plus tôt dans sa casserole était pleine de poussière. Un long soupir de lassitude lui échappa et la jeune femme tendit la main vers un tas de brindilles qui se trouvait près d'elle, comme si elles allaient s'envoler pour se poser dans sa main.
« Besoin d'aide ? » Lui parvint-une voix sur sa gauche, la faisant sursauter.
Méfiante, elle se tourna et fit face au nouvel arrivant en agrippant le manche de sa casserole, prête à lui jeter son eau bouillante à la figure.
« Avec le feu. » Précisa la voix, souriante.
La brune leva un sourcil et serra encore plus fort sa main sur le manche en retenant son souffle. Ses yeux scrutaient la pénombre, à l'affut du moindre mouvement esquissé par la silhouette en face d'elle. Elle distingua un homme. Il s'avança lentement, sûrement pour ne pas l'effrayer, mais elle ne se détendit pas. Sans un mot, il s'accroupit près du feu et se mit à souffler dessus, arrachant un énième froncement de sourcils à la jeune fille qui se mit à genoux en tenant toujours sa casserole d'eau bouillante dans la main. Peu à peu, le feu se ralluma et les flammes vinrent dévorer les deux nouvelles bûches qu'il déposa dans leur cœur.
Elle put enfin voir son visage et retint une exclamation de surprise. Il avait l'air jeune, peut-être proche de son âge, mais sa peau était barrée de nombreuses cicatrices. Blanches sur son visage déjà pâle, elles paraissaient presque phosphorescentes à la lueur des flammes, lui donnant un air de guerrier. Pourtant, lorsqu'elle rencontra son regard, elle se rendit compte qu'il n'avait rien d'un guerrier. Un sourire s'étendait sur son visage, donnant un air doux aux coupures de sa peau et détendant ses traits. Il avait de longs cheveux blonds attachés en chignon à l'arrière de sa tête, une coiffure qu'elle put se faire si elle n'avait pas coupé ses cheveux.
« Bonsoir. » Dit-il seulement, toujours accroupie près des flammes.
Elle ne lui répondit pas et se contenta de le fixer, pas très sûre de ce qu'il faisait là. Du coin de l'œil, elle détailla ses vêtements et remarqua les couleurs voyantes de son manteau, un signe qu'il n'était pas pauvre comme elle. Un autre indice était la bague en or qu'il portait à sa main gauche. Elle scintillait à la lueur des flammes, attirant encore et encore l'attention de la jeune femme. Dans un petit rire, il secoua sa main dans sa direction, faisant réaliser à la brune qu'elle la fixait, puis il la montra du doigt :
« Toi aussi tu as quelque chose d'intéressant dans la main. ». Plaisanta-t-il en regardant de nouveau vers les flammes.
La jeune fille baissa les yeux vers la casserole qu'elle serrait encore de toutes ses forces, si bien que les jointures de ses doigts étaient devenues blanches. Dans une grimace, elle lâcha l'ustensile et ramena sa main sur sa couverture.
« Pardon. ». Dit-elle en regardant les flammes à son tour. « Je ne suis pas habituée à être dérangée. ».
« Je suis désolé de te déranger. ». Sourit-il en tournant ses yeux vers elle. « J'ai aperçu ton campement et comme je n'ai nulle part où aller, j'ai décidé d'approcher. ».
Elle haussa les épaules, peu intéressée par ses raisons. Person ne possédait une bague en or et n'avait pas d'endroit où passer la nuit, ça n'était pas très logique.
« Je m'appelle Alcide. ». Dit-il en tendant les mains vers les flammes pour se réchauffer.
La brune se tourna vers lui, surprise qu'il partage cette information avec elle. Sa gorge se noua légèrement lorsqu'elle croisa son regard et elle grogna presque de réagir ainsi. Elle n'avait pas l'habitude des hommes. Elle n'aimait pas vraiment les hommes. Peut-être que son père et Tynan n'étaient pas de bons exemples, mais elle ne comptait pas faire plus de recherches pour émettre un jugement plus informé. Pourtant, alors que le feu devenait plus chaud et plus lumineux, et que les bruits du village s'étouffaient, elle eut envie de sourire elle aussi.
« Je suis Mara. ».
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Les Royaumes d'Avaria
FantasyDepuis deux cents ans, le royaume d'Avaria est divisé en deux Tribus rivales. La Première, plus riche, plus puissante, joui d'un grand essor, alors que la Deuxième peine à subvenir à ses besoins. Pourtant, alors que tout les opposent, la rencontre...