Chapitre 1

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- Allez, debout mademoiselle ! fait Zéya, ma femme de chambre.

J'ouvre les yeux, un léger mal de tête sûrement dû au champagne de la veille.

- Quelle heure est-il ?

- Dix heures exactement, me répond la jeune femme, vous m'aviez demandé hier de ne vous réveiller ni trop tôt ni trop tard.

Soudain, des images me reviennent en tête : celles de la veille. Je bondis hors de mon lit, puis demande à Zéya, brusquement :

- Où est la veste d'hier ?

- La veste, mademoiselle ? répond t-elle. Je l'ai mise dans votre armoire en pensant qu'il s'agissait de la veste d'un homme duquel vous êtes proche.

Je soupire de soulagement.

- Tu as bien fait, dis-je.

- Est-ce vraiment un homme dont vous êtes proche ? questionne Zéya avec curiosité.

Je rougis. Depuis que Zéya est ma femme de chambre, j'ai pris l'habitude de me confier à elle. Là, je ne sais pas si je peux...

- Ce n'est pas grave, vous savez, dit la jeune femme, si vous ne m'avez pas dit que vous avez trouvé quelqu'un. Il est comment ?

- Comment est-il ? je réponds. A vrai dire, ma pauvre Zéya, je n'en ai aucune idée...

Elle met une main devant sa bouche, horrifiée :

- Oh, mademoiselle ! Ne me dites pas qu'hier, vous avez trop bu, et que vous avez fait... Quelque chose d'inconsidéré !

- Non, Zéya, détends-toi ! je m'exclame en riant. J'ai rencontré un homme, mais voilà, faute à la noirceur de la nuit, je n'ai pas vu à quoi il ressemblait.

Je décide de nuancer la réalité, pour ne pas qu'elle s'inquiète.

- Il pouvait être très moche, alors ! fait la jeune femme de chambre en riant.

- Oh oui, il le pouvait, je confirme en riant à mon tour.

- Alors, de quoi vous souvenez-vous de lui ? demande Zéya, curieuse, attendant avec admiration ma réponse.

- Il sentait bon, je commence, une odeur de menthe très puissante. C'est d'ailleurs comme ça que je le repérais.

- Avec son odeur ? Il faut dire que c'est original, dit-elle en se moquant gentiment.

- C'est vrai, j'admets, mais il n'empêche que j'ai la certitude de ne jamais le revoir, ce qui est dommage. J'aurais aimé avoir au moins l'occasion de parler avec lui.

- C'est fort dommage, en effet, fait Zéya, pensive. Voulez-vous que j'aille placarder dans tout le royaume des affiches disant à tous les hommes sentant la menthe de se rendre ici ?

Elle se met à rire, et je ris à mon tour.

- Il n'empêche qu'il doit être riche, sûrement le fils d'un marquis ou d'un duc, fait-elle remarquer. Son vêtement en velours rouge me semble bien cher !

- Vous pensez ? je demande, pensive. Je n'ai aucune chance de le revoir, alors.

- Qui sait, peut-être le destin le mettra t-il sur votre chemin ? Mademoiselle, quoi qu'il arrive, ne renoncez jamais à votre amour ! s'exclame t-elle avec un clin d'œil et un regard décidé.

Je ris, elle insiste :

- Promettez-le moi !

- Je te le promets.

Elle m'offre un sourire satisfait, avant de se tourner vers l'armoire.

- Que souhaitez-vous porter aujourd'hui, mademoiselle ? interroge t-elle. Voulez-vous mettre la veste de cet homme que vous appréciez sans même le connaître ?

- Non, je réponds, ce serait fort prétentieux de ma part de porter une veste si chère, et qui, de surplus ne m'appartient pas.

- Bien ! Que pensez-vous de la robe verte, alors ?

- Pourquoi pas ? Il fait soleil dehors, cette robe est parfaitement adaptée à une promenade.

- Fort bien ! s'exclame Zéya en tapant dans ses mains, ravie.

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Dix minutes plus tard, me voilà prête. Je descends les escaliers menant à la salle à manger, dans laquelle mes parents sont déjà attablés.

Je suis vêtue d'un longue robe verte et mes cheveux sont attachés en un chignon dont s'échappent quelques mèches rebelles.

Lorsque j'arrive, mon père tourne la tête vers moi, levant les yeux de son manuscrit.

Ai-je oublié de mentionner que mon père est écrivain ? Peut-être.

- Bien dormi Thalys ? me demande t-il.

- Bien père, merci, fais-je.

- Je vois que tu as mis ta belle robe, commente ma mère.

J'esquisse un sourire : elle dit cela uniquement parce que c'est la robe qu'elle m'a offerte. Il n'empêche qu'elle est en effet très belle.

- As-tu prévu quelque chose aujourd'hui ? interroge t-elle.

- J'avais pensé aller promener, je réponds.

- Tys va nous rendre visite, m'annonce ma mère. Il vient de nous écrire une lettre dans laquelle il annonce sa venue ainsi que celle de ses parents.

- Oh, dis-je, cela fait longtemps que je ne l'ai pas vu !

Je tape dans mes mains, ravie : Tys est un ami d'enfance que je n'ai pas vu pendant longtemps car il était allé s'installer dans le royaume d'Angleterre, voisin au nôtre.

Il est revenu aménager en France il y a peu, et je vais donc le voir plus souvent désormais, enfin je l'espère !

- Quand vient-il ? je demande.

- Il devrait arriver pour le dîner, répond mon père avec un sourire. Il a l'air très heureux de te revoir !

- Ce plaisir est partagé !

- Tu as tout de même le temps de faire une promenade si tu le veux, fait remarquer mon père en jetant un coup d'œil à sa montre à gousset.

- Je pense que je vais plutôt préparer son arrivée ! fais-je.

Mes parents se regardent et esquissent un sourire doux, tandis que je remonte les escaliers rapidement pour retourner dans ma chambre.

- Thalys ! appelle ma mère. Tu ne manges pas ?

- Non, mère ! je réponds. Je n'ai pas le temps !

Je pousse donc la lourde porte de ma chambre, où Zéya est en train de faire mon lit, la fenêtre ouverte.

- Mademoiselle ! s'exclame t-elle. Que se passe t-il ?

- Tys nous rend visite ! Fais-toi belle, Zéya !

Elle lève les yeux au ciel, les joues légèrement plus roses qu'avant :

- J'ai dit que je le trouvais bien pour vous et que vous iriez bien ensemble, mais c'est tout ! Et puis c'était il y a longtemps !

Je lui fais un clin d'œil :

- Et bien moi je trouve que vous formeriez un magnifique couple !

- Mademoiselle ! s'exclame t-elle, toujours plus rouge. Je...

Je m'approche d'elle et mets mon doigt devant sa bouche pour lui faire signe de se taire. Je lui dis :

- Remettons cette discussion à plus tard, Zéya ! Nous avons des achats à faire !

- Oh, non, mademoiselle, fait ma femme de chambre, exaspérée. Nous allons encore y passer une journée entière !

- Impossible, ma chère ! Tys vient pour midi !

- Oh, vous m'en voyez rassurée, dit-elle avec un sourire moqueur.

Thé à la mentheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant