II. 4 - Sa voix II

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Villa Appoline

Le hall principal de la demeure.

19 h 25

Marcello, le directeur des ressources humaines à C.L.P., et son épouse en étant les premiers arrivés se joignirent à Lucca pour réceptionner les invités. Ce dernier fut heureux de la compagnie de ces deux personnes qu'il connaissait depuis belle lurette et à qui il vouait une sympathie exceptionnelle.

Présentement, les trois étaient rassemblés dans le Hall, non loin de l'entrée de la salle de réception, et discutaient gaiement. Ils étaient particulièrement ravis de l'afflux des convives et de constater que l'élégance et le raffinement étaient à nouveau au rendez-vous.

Contrairement à son collègue, Lucca ne connaissait pas tous les employés. À part les directeurs de pôles, les responsables de certains départements, et ses assistants personnels ; les autres lui étaient étrangers. Par contre, tout le monde le connaissait, lui. Enfin, c'était ce qu'il pensait, au vu de sa situation, son statut et sa réputation, sans négliger son beau visage qui faisait fréquemment la une les magazines à sensation.

À l'heure qu'elle était, il accordait une attention particulière à Hélène, l'épouse de Marcello. Cette dernière au ventre gonflée, étant enceinte au septième mois, et n'arrêtait de partager avec Lucca les détails de sa grossesse ni son impatience d'embrasser la petite fille qu'ils attendaient, elle et son mari.

Bien que le Dimopoulus partageait le ravissement de ses amis. Cependant, il ne pouvait ignorer son dépit, ni cette sensation jalousant le bonheur du couple, ou plus précisément le convoitant secrètement. Car d'antan, lui aussi rêvait de fonder une famille, lui aussi rêvait de jouir des cris et rires d'un enfant... En pensant, mélancoliquement, à ce désir éteint, d'autres rires d'une tout autre nature, attirèrent son attention. Il en distingua et apprécia un en particulier ; et la voix mielleuse à l'origine du joyeux éclat et aux intonations si féminines l'empêcha de sombrer dans les souvenirs malheureux.

Curieux, Lucca promena son regard dans les alentours et vers le centre du vestibule à la recherche de cette personne. Parmi les têtes des nouveaux venus, il discerna celles de deux femmes entrelacées, aux visages rieurs, et qui avançaient vers lui. Une rousse gracile qui entourait, affectueusement, la taille d'une brune, qui débordait de charme dans sa longue robe rouge.

Son intuition lui souffla de guetter les deux femmes. En d'autres circonstances, la rousse l'aurait intéressée, mais ce soir, c'était la détentrice de cette délicieuse voix qu'il voulait découvrir. Son beau regard, vert velouté, se posa alors sur la rousse en murmure, puis glissa vers sa compagne brune, dont un sourire doux vint extirper les lèvres et qui répondit d'un ton plus solennel :

— là, ça se confirme ! Tu es perverse, ma Sarah ! Mais je t'aime.

À partir de cet instant, où il l'entendit parler, tout en lui se suspendit à elle. Elle-même qui avait émis ce rire ensorceleur. Lucca se délecta de la résonnance douce de sa voix, mélodieuse, sans dévier son regard des deux femmes qui passaient devant lui. D'ailleurs, et pendant sa fixation, il croisa le beau bleu des iris de la rousse "Sarah", dont il avait capté le nom. Celle-ci lui adressa un sourire courtois auquel il répondit poliment. Cependant, ce n'était pas elle qu'il voulait. Il aurait aimé se noyer dans les yeux de l'autre qui le surpassa sans lui prêter la moindre œillade, comme s'il n'était qu'une vulgaire pièce décoratrice.

Pour un homme de son calibre, c'était du jamais expérimenté, dans tous les sens. À partir de cet émerveillement que lui procura une simple voix, jusqu'à ce ressentiment causé par l'ignorance dont le gratifia la brune. Lui qui partout, où il passait, ne pouvait qu'attiser la convoitise ! Son égo venait d'endurer un joli coup.

La situation ne fit qu'augmenter sa curiosité vis-à-vis de cette femme en rouge, dont il ne put détacher le regard en sondant ses yeux à son corps gracieux, en caressant la nudité extravagante de son décolleté et qu'il glissa ensuite, voluptueusement, sur la courbure de son échine dénudée. Il s'était figé dans sa contemplation jusqu'à ce que les deux corps entrelacés se soient éclipsés, engloutit dans la grande salle et dissimulés à son regard par la masse des corps des autres invités.

Comment s'appelait-elle ? Était-elle française ? Les deux femmes étaient de simples amies ou étaient-elles amantes ? L'avait-elle ignoré sciemment ? Était-ce sa tactique féminine pour éveiller son intéressement ? Ces questions et pleines d'autres ne cessaient de tarauder son esprit vagabondant, quand un coup de coude le secoua.

Lucca se raidit en ramenant un regard inquisiteur sur son ami Marcello. Ce dernier, ayant suivi l'escapade visuelle de son ami, décela une lueur étrange dans les pupilles de celui-ci et lui demanda :

— de peu et tu allais baver d'envie pour cette rousse ?

— envie ? Rousse ? Répéta Lucca, en tout hébétude.

Sa confusion confirma les soupçons de Marcello qui lui adressa une œillade avertie.

Mais au lieu de corriger l'erreur de son ami et empêtré d'être découvert dans cet état, Lucca se reprit en se défendant :

— moi baver ? Tu rêves. Puis sans réfléchir, il demanda, tu les connais ?

Son ami remua la tête :

— je ne peux pas te répondre, car je ne les ai vues que de dos,

Mais la RH ne s'arrêta pas là et voulant taquiner son ami, il ajouta :

— en tout cas, je suis content de voir une femme faire tourner la tête au grand Dimopoulus. Une rousse de surcroit.

Refusant d'admettre le faible passager qui s'était emparé de lui, Lucca arbora un air léger en répondant :

— j'adore les jolies femmes, mais pas au point de les laisser me tourner la tête, cher Ami !

— c'est ça ! Répliqua Marcello, en tout cas pour ce soir, concentre-toi sur tes invités !

Lucca était conscient que sa réponse n'avait pas convaincu son ami. Comme cette distraction n'avait pas atténué son besoin de revoir cette brune. Car son esprit soudainement excité ne désirait qu'une chose : localiser la femme en rouge, apprendre plus sur elle et principalement entendre sa voix rieuse et l'écouter redire ces mots "Je t'aime" !

Ces mots qui faisaient écho dans sa tête comme une belle déclaration d'amour, qu'il aurait aimé écouter en boucle et à l'infini.

***

Une oasis à Rome (Réécrite)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant