III.5- Regret et souffrance

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(Quelque temps avant)

Après avoir libéré la jeune femme, Lucca s'était enfermé dans son bureau, ruminant sa conduite déplorable. Jusqu'en ce qu'un bip le secoua.

— Leone Russo, 20 h 40 : "Une fête sans son hôte, du jamais-vu ! Grouille-toi, je suis là !"

À la vue de ce message, les traits de Lucca se déridèrent. L'idée de revoir son ami d'enfance égaya son cœur et il répondit à ce dernier.

— Lucca, 20 h 40 : "Je ne m'attendais pas à te voir ce soir ! J'arrive, fais comme chez toi !"

Leone état son cadet de quatre ans, pourtant leur relation remontant à l'enfance était des plus fortes. Plus jeune, Lucca le traitait comme un petit frère, mais à l'âge adule leur lien s'était renfoncé et leur amitié s'était solidifiée. Connaissant son cadet, Lucca s'attendait avec amusement à une réplique piquante de ce dernier et il ne fut pas déçu quand un nouveau message lui parvint.

— Leone Russo, 20 h 41 : "T'es con ou quoi ? Je suis chez moi ! "

Avec un sourire égayé, le bel homme se décida à regagner la soirée. La joie de retrouver son ami l'aida à se distraire de ses tourments. Ensuite, Lucca se noya dans la joie de la fête. Il riait, dansait et interprétait son rôle à la perfection. Par ailleurs, il ne put se départir de ce lourd ressentit de culpabilité. Sa conscience persistait à lui rappeler son tort et à le tourmenter tandis que son âme alourdie par ses repentirs tantôt sombrait dans l'amertume, tantôt se ressaisissait pour s'imprégner de l'atmosphère joyeuse.

Au milieu d'une discussion avec un groupe, Leone l'interrompit en lui faisant une tape sur l'épaule :

— je peux te parler ?

Sans tarder, Lucca prit congé de ses collègues et accompagna son ami, certain que ce dernier cherchait seulement à s'enquérir de son état, en toute discrétion.

— où est ta petite amie ? Lui demanda Leone sans préambule.

— je n'en ai plus ! Répondit Lucca en arborant un sourire décontracté.

— tu veux dire, c'est fini avec Rafaëla ? Mais quand ? Il y a une semaine, vous étiez...

— c'est arrivé il y a deux jours, quant au détail, c'est long à raconter et ce n'est pas le moment ! Grincha Lucca.

— c'est pour ça que tu es étrange ce soir, elle te manque ?

— qui ? Rafaëlla ? Non !

— alors une autre ? Insista Leonel puis sans le moindre scrupule le renifla, et combien tu as bu ?

— Oh ! Pesta Lucca, je ne suis pas un ivrogne !

— ce n'est pas ce que j'ai dit, mais n'oublie pas que la soirée est encore longue et que tu as un mot à dire !

À ce rythme-là, Leone allait lui soustraire tous les détails honteux de cette soirée, Lucca détourna alors la conversation :

— tes amis s'amusent ?

— ouée, dit Leone en le fixant conscient de sa manœuvre, mais c'est toi qui m'inquiètes, ajouta Leonel en revenant à la charge.

Depuis le temps, Leone avait appris à décrypter la gestuelle de son ami et à reconnaître ses tics. Quand il vit Lucca reprendre cet air hautain avant d'afficher son beau sourire plaisantin, il comprit que quelque chose le tourmentait. Mais il était certain que ce dernier ne comptait pas le lui confesser en tout cas pas dans l'immédiat, ce qui se confirma quand Lucca le rassura :

— tu n'as pas à l'être ! Alors laquelle des deux ? S'enquit le bel Italien en ciblant le groupe qui avait accompagné Leonie, composé de trois hommes et de deux femmes.

— aucune ! Et garde les en dehors de ton terrain de chasse, se sont de bonnes amies, le Nargua Leonel.

— mais non, mon ami. Je n'ai pas besoin de mener la chasse ! Frima Lucca en lui destinant un clin d'œil rempli de sens. Moi, je n'ai qu'à choisir et mon gibier me vient tout docile !

— il suffit que je m'absente quelque temps, pour que ton état empire mon vieux !

— tu n'as qu'à rester, si mon état te préoccupe, répliqua Lucca en lui souriant sincèrement.

— j'y pense sérieusement, lui répondit Leone en faisant allusion à ses vas-et-viens intercontinentaux.

Ayant localisé Nadia, le regard de Lucca s'y suspendit, au point de perdre le fil de sa discussion avec son ami. Il se ressaisit, toutefois, rapidement, car si son Leone remarquait sa focalisation et surtout la femme qu'il fixait, il ne le lâcherait pas. Il considéra alors ce dernier en lui demandant :

— tu dors ici, ce soir !

— non, répondit Leone, je rentre avec les autres. Je n'ai pas ramené ma voiture et demain, je dois être à Rome très tôt.

— dors ici et dégage le matin, Martha t'a déjà préparé ta chambre et Bruno te déposera où tu veux demain.

Avec l'esprit préoccupé par la jeune femme, Lucca parla de manière ferme. En revisionnant le visage de Nadia et qui n'avait pas évacué ses pensées. Le bel Italien était convaincu que tant qu'il n'avait pas présenté des excuses en bonne et due forme à cette jeune femme, il ne pourrait surmonter cette culpabilité qui rongeait sa conscience.

— je te laisse maintenant, on se retrouve après, lança-t-il à son ami sans le regarder puis partit vers Nadia.

Au moment, où il s'approcha de la table de la belle brune, Lucca se fit devancer par cet autre homme qui s'était installé auprès d'elle en lui présentant une boisson. Voyant son plan d'excuse tomber à l'eau, Lucca resta cependant figé à sa place à observer le couple qui riait de bon cœur et c'était le moment de battre en retraite.

Le Dimópoulos avait le cœur lourd et ce n'était pas uniquement dû à sa conscience coupable. C'était plutôt un mélange douloureux de déception, frustration et jalousie. Et c'était ce dernier ressentit qui le désorientait.

Maintenant, qu'il avait fait son apparition, que le premier discours avait été fait, il déserta la salle, désireux de rejoindre son antre pour s'y isoler jusqu'à nouvel ordre. Il retourna alors dans son bureau, cette belle et vaste pièce, qui durant le jour, se noyait dans la lumière jaillissante des baies vitrés qui longeait toute une façade et donnait sur le beau jardin. Lucca éteignit les lumières centrales et s'affala sur son fauteuil confortable, en le faisant pivoter vers la baie ouverte. Il y adossa la tête et se laissa choyé par la fraîcheur nocturne et les senteurs berceuses des narines qui émanaient de son jardin.

Il avait fermé les yeux en ressassant sa vie. Son cœur était vide, et ce rythme de vie accéléré entre les affaires et les aventures sans lendemain, accentuait son amertume au point de se transformer en l'homme qu'il était devenu aujourd'hui. Dans cet état de transe et entre regret et souffrance, et avec le visage de Nadia qui se rappelait constamment à lui ; Lucca ne perçut pas la porte s'ouvrir et n'entendit pas les pas des envahisseurs. Ce n'était qu'en percevant cette voix de femme qui avait dit "Nous ne devrons pas être ici, François !", que son esprit se remit en marche. Il avait nettement distingué cette voix qu'il aurait reconnue parmi des milliers. Il put aussi constater son affaiblissement et sa contrariété. Lucca s'immobilisa dans sa chaise, à l'affut et en se demandant ce que Nadia faisait dans cette pièce ? Et qui était ce François ?

Évidemment, il ne tarda pas à savoir le plan machiavélique de cet autre homme. À ce moment-là, une furie totale se déchaîna en lui contre ce François et contre lui-même. Car bien que les méthodes différassent, tous deux partageaient cette désobligeance impardonnable envers cette femme. C'était à ce moment-là, qu'il s'annonça en grognant :

— vous avez bien entendu la Signorina ! Lâchez là !

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⏰ Dernière mise à jour : May 28, 2022 ⏰

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Une oasis à Rome (Réécrite)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant