I.3- Le voyage, un souvenir amer

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Airport Med V Casablanca – Maroc

Salon convives de marque

Mardi, le 28 Août – 9 H 30

"Les passagers du vol Royal air Maroc à destination de Rome, embarquement immédiat. Vous êtes priés de vous diriger à la porte numéro 1 ! Merci."

Cette voix féminine et désincarnée, qui retentit à travers les hauts parleurs pour répéter l'annonce, fit la joie de Nadia.

Celle-ci, s'ennuyant déjà depuis quelques minutes, et avait hâte de déserter la salle d'attente pour rejoindre son vol. Elle sauta sur ses pieds en verrouillant son ordinateur, qui malheureusement, ne lui était d'aucune utilité et faillit à son devoir pour la divertir, le rangea dans son sac cabas, couleur caramel et après une petite œillade inspectrice à son fauteuil, elle regagna la sortie.

Son empressement, d'être à Rome, accaparait tellement ses pensées qu'elle ne remarqua pas le regard désappointé d'un occupant du salon. L'homme, qui n'avait cessé de la lorgner depuis qu'elle avait fait son entrée dans l'espace d'attente dédié aux clients de la classe d'affaire, était actuellement déçu de la voir partir, perdant ainsi toute chance de l'aborder.

Les voyageurs du vol Casablanca-Rome, empruntèrent la passerelle télescopique pour arriver à bord de l'avion, en appréciant les lueurs de bon augure qui s'infiltraient à travers les parois vitrées, annonçant ainsi une matinée estivale et éclatante.

Depuis qu'elle avait démissionné, Nadia avait renoncé aux cheveux lissés et aux chignons stricts contre des coiffures plus décontractées. Ce matin, elle avait coiffé sa chevelure longue et brune, en une jolie et large tresse africaine. Elle s'était vêtue d'une chemise en soie, d'un blanc-ivoire, à manche courte et ornée de volants au niveau du cou, des manches et de la patte de boutonnage ; et dont les pans étaient soigneusement enfoncés dans un pantalon marron en lin. Ses pieds étaient chaussés d'espadrilles à lacet légers et confortable et de la même couleur que son sac. Nadia était tout simplement resplendissante dans cette tenue à la fois élégante et décontractée.

Arrivée dans la carlingue, un steward la guida vers la cabine réservée aux passagers de la classe d'affaires. Il lui désigna son siège à côté de la fenêtre en lui souhaitant un bon voyage. Nadia le remercia, puis s'installa dans son fauteuil. Durant ses années de travail, elle avait eu à voyager, fréquemment, avec plusieurs compagnies aériennes. Mais aujourd'hui, fut la première fois qu'elle montait à bord d'un aéronef de la RAM. Elle ne put s'empêcher de balader un œil critique et comparateur autour d'elle. L'aménagement était aéré et chaque place était dotée d'équipements pratiques et nécessaires pour le confort des clients. Il y avait des efforts à faire pour pouvoir concurrencer avec les leaders du domaine, mais la jeune femme n'avait pas à se plaindre. Elle se cala dans son fauteuil-lit en se félicitant d'être dans la classe des privilégiés ; quoi qu'il en soit, c'était indéniablement, mieux que sa voisine économique.

À travers sa fenêtre, son regard se perdit dehors, sur le tarmac. Une journée typiquement estivale du mois d'août avec son ciel bleu et dégagé et son soleil brulant. Cependant, ce n'était pas la météorologie du jour qui préoccupait l'esprit de la jeune femme, dont les yeux étaient accrochés aux hommes en uniformes de techniciens ; leur présence lui rappela sa phobie. Néanmoins, elle refusait de céder à la panique, et sans détourner le regard, elle permit à ses pensées d'errer, loin de l'avion, de la piste et de l'aéroport. Elle revisionnait la dernière scène avec sa famille. Des adieux noyés dans les larmes et le chagrin de sa mère. À dire, qu'elle partait sans retour, alors qu'elle n'allait s'absenter que pour un mois.

Ses voyages précédents n'ont jamais duré plus de deux semaines. Nadia comprenait entièrement que sa maman se trouvait confrontée à une situation inhabituelle qui la frustrait et avait beau essayé de la raisonner et la rassurer, mais sans y parvenir. Toutefois, elle comptait bien sur ses deux sœurs pour le faire. Elle avait tant rêvé de visiter l'Italie, en prenant son temps et elle était indisposée à y renoncer. Elle ferma les yeux toujours en pensant aux siens, la désapprobation féroce vis-à-vis de sa démission qui s'était suivie d'accalmie devant le fait accompli. Au demeurant, sa maman était celle qui s'opposait le plus aux changements qu'elle avait décidés, celle-ci n'arrivait pas à concevoir le besoin de sa fille pour changer son métier, et mener la vie qu'elle désirait.

Égarée dans ses réflexions, la jeune femme ne sentit pas le passager qui s'était installé à sa droite. Son esprit se focalisa par contre sur le programme minutieux qu'elle s'était fait et qu'elle comptait respecter scrupuleusement, Rome, puis Milan, Florence et Venise. C'étaient les quatre destinations qu'elle comptait visiter durant son séjour en Italie. Elle fut extirpée à ses pensées quand le vibreur de son smartphone s'enclencha et avant que la sonnerie ne retentît et elle se hâta de le sortir de son sac et décrocha en croyant que l'appel émanait de son amie.

— bonjour Nadia !

Dès qu'elle entendit la voix timbrée de son interlocuteur, la jeune femme se médusa, son sourire se fana et perdit subitement son énergie.

— allô ! S'enquit l'autre.

L'idée de lui raccrocher au nez lui passa par la tête, toutefois, elle la balaya. Malgré la surprise, désagréable admit elle, et surtout improbable après des mois de silence, mais la jeune femme se décida à répondre.

— Adam !

— c'est bien moi. Comment vas-tu ?

— bien.

— content d'entendre ta voix.

Que dire à cet homme ? Le dernier sur terre, auquel la jeune femme voudrait parler. Et pendant qu'elle cherchait une politesse qui se refusait à elle, ce dernier s'enquit :

— je te dérange ?

— tu connais ma réponse, répondit-elle en toute franchise.

— Oh ! tu es trop directe.

— tu t'attendais à ce que je fasse l'hypocrite ?

— franchement, non ! Et j'imagine que tu refuses toujours de me voir !

— rien n'a changé Adam !

— si ! J'ai changé !

"Je m'en fous" avait-elle envie de lui crier.

— écoute Adam, je ne peux prétendre que toute séquelle a disparu. Mais je tourne la page et malgré tout, je te souhaite du bonheur. Bon, mon avion décolle dans peu...

— quel avion ?

— au revoir Adam.

Elle lui raccrocha au nez en espérant se débarrasser du gout âpre que cet échange avait déclenché, ravivant en elle les souvenirs amers de leur séparation. Ses yeux se posèrent sur son téléphone toujours dans la main, en se demandant comment son ex-fiancé avait pu se procurer son nouveau numéro.

***

Une oasis à Rome (Réécrite)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant