Merci mille fois pour vos nombreux retours ! En espérant que la suite vous plaira ( 2 chapitres par semaine)« Il y a souvent plus de choses naufragées au fond d'une âme qu'au fond de la mer. »
Victor Hugo– Maman, arrête de pleurer...
À l'entrée d'une petite maison de campagne, Alice embrassa une énième fois le visage humide de sa mère qui renifla bruyamment. Elle détestait les séparations.
Comme chaque été, la semaine passée auprès de sa soeur et de sa mère dans la maison de son enfance, s'achevait par les pleurs de l'une, et l'absence de l'autre. Un séjour de courte durée, mais qui au fond, lui suffisait amplement.
La campagne, la nostalgie, les retrouvailles entachées de silences trop lourds...Ça n'avait jamais été son truc. Ainsi, comme cela se répétait depuis 5ans, elle ravigotât sa mère de longs gestes d'adieu, et referma avec excitation la portière de sa voiture.
Être partie de cette maison était certainement le meilleur choix qu'elle avait pu faire, à contrario de ce que pouvaient penser ses proches.
La route était longue, et le soleil dorait la peau de son bras posé sur le rebord de sa fenêtre ouverte. Trop souvent hyperactive, Alice ne pouvait qu'apprécier la tranquillité du trajet. Une tranquillité qui lui avait permis, plus jeune, de se retrouver lorsqu'elle s'oubliait. Et qui en grandissant, était devenue trop lourde. Elle avait quitté son petit village reculé du monde pour l'agitation de la ville, pour tenter de défaire les liens du passé. C'était ainsi qu'elle avait voulu les choses, détourner le regard de ce qu'elle connaissait que trop bien. Elle aimait observer les gens, le monde qui l'entour. S'observer différemment.
Âgée de 27ans, Alice était devenue une femme qui se décrivait comme « épanouie ». « Mon travail, c'est ce qui me rend heureuse. » répondait-elle souvent à sa soeur qui comprenait difficilement les choix qu'elle pouvait faire.
- Allo ?
Répondit Alice, manquant de faire chuter son téléphone en se garant.
- C'est Agathe. T'es bien rentrée ?
- Ouais, à l'instant !
- Pas trop long le trajet ?
Il y eut un moment de silence durant lequel Alice sortit sa valise du coffre de sa voiture. La nuit était maintenant tombée sur la capitale française.
– Non, pas plus que la semaine.
– Mouais. Bon, j'suis rassurée. On se voit demain à 9h.
- Ok, à demain.
En se couchant ce soir là, elle se sentie respirer de nouveau.
***
Agathe Duchon avait toujours été pleine de rêves et d'ambition. Du moins, c'est ce que sa mère répétait à tue-tête aux voisins. Elle, elle avait surtout la certitude d'être pleine de gras. Agathe grimaça en ouvrant la fenêtre de son ordinateur, rabaissant d'une main rageuse son pull sur son ventre qu'elle haïssait tant. Si sa mère avait eu tord sur quelque chose, c'était bien sur cela.
Bien sur, elle aussi, enfant, elle disait : « Moi, plus tard, je serai...! ». Des ambitions qui s'étaient révélées...compliquées. « Sois réaliste, Agathe. Dirige-toi vers quelque chose qui est dans tes aptitudes. ». Lui avait-on dit au collège. Bien sur, elle avait écouté. Déception de sa mère, de son père, et encore bien d'autres personnes qui lui firent savoir contre son gré. Le parcours scolaire était pour elle un chemin cruel, qui lui avait valu bien plus de larmes que de rire, trop souvent acculée par les préjugés des uns, et la contrariété des autres.
– Agathe, t'es dans la lune.
Elle sursauta, tournant son regard vers celui de son employeur. Elle sourit, navrée de ne pas avoir suivi la discussion. Elle n'avait pas eu de chance dans sa scolarité, certes, mais elle en avait eu en tombant sur Alice Rivière. Les bureaux administratifs, les entreprises...oh oui ! Elle en avait vu ! Mais pas un seul n'avait pris le temps de lui faire un retour. Et alors qu'elle s'apprêtait à se soûler jusqu'à en oublier sa piteuse vie, elle était tombée sur cette jeune femme dont l'assurance lui avait donné envie de grimacer. Elle était là, un verre entre les mains, à raconter son projet fou d'ouvrir son propre cabinet au barman, qui semblait bien plus intéressé par les taches salissant son comptoir bar. Pourtant, elle, elle l'avait écouté avec toute l'attention qu'elle méritait. L'idée spontanée de la suivre dans ce projet l'effleura alors qu'elle précisait ne pas encore avoir trouvé d'aide pour l'administratif. Prenant son courage à deux mains, elle s'était alors assise à ses cotés, s'attirant un regard surpris, puis lui avait proposé son aide. Elle lui avait étalé ses difficultés à trouver un travail, parlé de ses études qui lui garantissaient un travail efficace... Elle vit passer dans ses prunelles un million de choses qu'elle n'aurait pu nommer...et puis, elle lui avait finalement tendu la main.
Alice et Agathe avaient beaucoup parlé ce soir là, de projets, de vie, du futur qu'elles souhaiteraient avoir. Étonnamment, elles s'étaient immédiatement entendues, se séparant qu'au bout d'une dizaine de verres, un peu moins certaines sur leurs pieds, mais sures du chemin qu'elles empruntaient.
– Je retourne au bureau, Mme x ne devrait pas tarder.
Déclara Alice en lui rendant le briquet qu'elle lui avait piqué. Seule, la rouquine écrasa sa cigarette contre le rebord du bâtiment haussmanien, juste en dessous de la plaque où le nom d'Alice figurait avec la mention "psychologue". Vingt minutes plus tard, Agathe accueillait le premier rendez-vous.
***
Lorsque Mme X, son avant dernier rendez-vous, quitta son cabinet, Alice était irritée. La nuit avait été courte, et son téléphone bien qu'en silencieux, n'avait pas cessé de vibrer. Elle se fustigea pour son manque de professionnalisme, trop consciente du dérangement occasionné, et éteignit son téléphone sans un regard pour les nombreux messages de sa mère. Ah. surement devait-elle s'inquiéter, ne l'ayant pas prévenu de son arrivée. Elle chassa sa culpabilité naissante, ce n'était pas le moment.
De sa poche, elle tira son paquet de cigarette qu'elle ouvrit du bout du doigt. Encore un rendez-vous, et elle pourrait aller s'engouffrer dans ses couvertures. Elle calât entre ses lèvres une clope, l'allumât, et tira une bouffée qui détendit ses muscles. Elle aimait l'odeur persistante qui accrochait ses cheveux après avoir fumé. Une odeur chaude et rassurante portant le visage de son père. Elle ne se souvenait pas l'avoir déjà vu sans une cigarette entre ses doigts abîmés. Il fumait, puis fumait encore, ponctuant ses cigarettes d'une tasse de café, d'une bière, d'un sandwich. Enfant de parents divorcés, elle passait régulièrement ses vacances scolaires chez lui, dans son petit studio parisien. Elle s'asseyait parfois sur le tapis, l'observant lire dans son fauteuil, sa cigarette au bout des lèvres. Il ressemblait à un dragon, là, expirant cette fumé dans ce studio trop sombre.
Elle sourit, en imaginant sa soeur grimacer à ce souvenir. Son père aurait-il été fier d'elle ?
Décédé à ses 15ans d'un cancer, elle l'avait vu s'éteindre avant même qu'elle ne puisse lui montrer la personne qu'elle était devenue. Les quelques souvenirs qui lui restaient de lui ne se résumaient qu'aux cigarettes, son appartement, et son visage trop pâle au fond de son lit d'hôpital.
– Ça sent la cigarette.
Agathe, une tasse fumante entre ses longs doigts vernis, referma correctement la porte du bâtiment sous peine de devoir, encore, écouter le voisinage se plaindre. La blonde haussa les épaules, peu intéressée, avant de ne retourner à son bureau. Ses vacances lui avaient définitivement empli la tête de souvenirs. Elle en avait horreur.
Elle sortit de son sac un nouveau dossier, encore vierge, sur lequel elle marqua date, heure et le nom de sa nouvelle patiente. Sa curiosité s'éveilla. Égoïstement, elle espéra que cette Vanessa Rousseau qu'elle ne connaissait encore soit en capacité de lui faire oublier. Silencieuse, elle s'approcha de la porte encore close de son cabinet lorsqu'elle entendit la sonnerie. Elle ouvrit.
Assise sur les sièges de la salle d'attente, une jeune femme à peine âgée de 20ans remonta son visage creusé, le vide au fond des yeux.
Suite ce dimanche ! Chapitre assez court (pour préserver vos yeux des écrans haha)
ps - sorry pour les coquilles !
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Corvus
Mystery / ThrillerIls ne s'étaient jamais croisés, jamais aperçus. Pourtant, alors que la ville lumière bascule dans des événements macabres, les corbeaux alignent leurs destinées. À travers le plumage ébène de la mort, ils découvriront qui ils sont, qui sont les aut...