Chapitre 3

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«La nature fait les hommes semblables, la vie les rend différents. »
Confucius





La chaleur du whisky enflammait sa gorge alors que la fumée de sa cigarette gonflait ses poumons. Aujourd'hui encore, un corps avait été retrouvé, et aujourd'hui encore, le meurtrier s'était foutu de leur gueule. Il prit entre ses mains la bête empaillée laissée près du corps de la victime. Il paraissait presque vivant, aussi vivant que l'expression de terreur sur le visage de la femme retrouvée. Depuis combien de temps était-il sur cette affaire ? 2ans ? Peut-être un peu plus. Il ne savait plus, les jours de toute façon s'étaient arrêtés de défiler depuis que sa femme lui avait été arrachée. Ses mains se resserrèrent sur les plumes de l'animal, et dans un mouvement de pure fureur, il l'envoya valser à travers la pièce. La bête tomba lourdement au sol après avoir rencontré la porte de son bureau. Alerté par le bruit, son collègue qui devait discuter avec la secrétaire, ouvrit la porte. Il souffla, ramassant le corbeau qui s'était quelque peu déplumé.

– Aaron, sors un peu de ton trou. Je vais voir Carl pour savoir où en est l'autopsie. Et arrête de picoler.

Le dit Aaron écrasa sa cigarette, puis sortit de son bureau, non sans avoir jeté un regard noir à son coéquipier pour sa dernière remarque. Il picolait, mais qui pouvait lui en tenir compte? Il ne vivait plus que pour son travail et cette affaire. En dehors, sa vie ressemblait à long couloir sans fond dans lequel il n'arrivait pas à voir la sortie. Il voulait oublier tout en souhaitant vengeance. L'alcool était sa béquille.
Il ignora les saluts des nombreux policiers, observant uniquement le dos de son coéquipier devant lui. Le commissariat n'avait rien d'extraordinaire, un amas de couloirs et de bureaux. Des cellules dans un coin, dans l'autre les salles de réunions. Une odeur de café berçait les lieux, à laquelle se mêlait parfois l'odeur de poudre à canon lorsque les novices sortaient de leur entraînement de tire. Rien de bien spéciale.

Il monta dans la voiture alors que Nathan prenait le volant. Aaron tourna son regard fatigué vers son ami et partenaire.

Comment en était-il arrivé là ?

Encore novices, ils partageaient ensemble les nombreux exercices et entraînements de l'école de police. A l'époque, il était encore cet homme bienheureux, sensible aux choses simples et convaincu que la vie ne pouvait être plus belle. Il avait trouvé en Nathan un homme semblable à lui même, et très vite, tout deux étaient devenus très proches. Ils trouvaient une certaine motivation dans leur amitié, se soutenant l'un l'autre. Nathan venait souvent dîner chez lui et sa femme qui était encore de leur monde. Elle l'appréciait grandement, le trouvant particulièrement jovial.

Après de nombreux entretiens et testes, ils furent acceptés dans un commissariat pour devenir coéquipiers. Leurs affaires étaient au début quelconques, intervenant dans des disputes volcaniques en sortie de boite, dans des voles de petits magasins. Rien de bien passionnant selon Aaron.

Jusqu'au 18 février 2014.

Il était tard, le temps était déplorable. La journée avait été tranquille et c'était avec une amoureuse envie qu'il regagna son appartement. Il monta deux par deux les marches de l'immeuble, fouillant dans sa poche pour trouver les clés de sa porte d'entrée. Il n'en n'eut pas besoin. Le cœur bourdonnant d'inquiétude, il trouva sa porte entrouverte. Les lumières étaient allumées, signe que quelqu'un était bien chez lui. Il poussa doucement la porte, son arme enserrée dans sa main devenue moite. Il se rappela avoir appelé sa femme tout en entrant dans le salon vide de toute existence. L'odeur de brûlé agressa ses narines, la cuisine plongée dans un brouillard de fumée acre, la nourriture abandonnée dans le four. Et si la panique le gagnait petit à petit, elle explosa en cet instant. Il appela le prénom de sa bien-aimée en courant cette fois vers la salle de bain, les toilettes, la chambre d'ami.

CorvusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant