Chapitre 5

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« Le passé est un enfer dont les morts ne peuvent plus sortir »

Armand Salacrou



– Si on m'avait dit que vous reviendriez, je ne l'aurais pas cru.

Déclara Alice alors qu'Aaron Avery prenait place sur le tabouret voisin. Deux semaines s'étaient écoulées depuis leur première rencontre. Il avait longuement hésité à revenir. Que cherchait-il ? Souhaitait-il prouver quelque chose ? Désirait-il montrer que Nathan et les autres avaient tord ? Il était passé à autre chose. Évidemment...

Non. La réalité était qu'il voulait plus penser. Oublier un instant que sa vie n'avait plus de goût sans Clémence. Oublier que leur enquête n'avançait pas, que peut être encore demain, ils retrouveraient le corps d'une nouvelle femme. Il avait envie d'oublier. Ce soir, il voulait juste revoir cette femme. Il voulait qu'elle le face rire comme elle l'avait si bien fait à leur première rencontre. Parce qu'elle en avait été la seule capable depuis 2ans.

– Alors, cette semaine ?

– Je suis venu pour pouvoir me changer les idées. Si on parle travail, je rentre. 

– C'est pas l'amabilité qui vous tuera.

Il haussa les épaules.

– Vous êtes marié ? 

– Quoi? 

– Vous portez une alliance..donc..

Son visage s'était fermé de manière si flagrante, qu'Alice s'en était mordu la langue de remord. Peut-être se mêlait-elle de choses qui ne la regardaient pas ? Elle le regarda tourner son verre, silencieux, consciente qu'elle venait peut-être de tout foirer. Alors, elle déposa avec hésitation sa main sur son avant bras, cherchant à capter son attention.

– Je suis désolée. Ça ne me regarde pas.

Il ne lui répondit pas. Son alliance brillait sous les lumières du comptoir. Il ne s'était jamais résolu à la retirer. C'était comme admettre sa disparition, comme lui dire adieu. Il n'était pas prêt. Il avait encore besoin d'elle. Elle était ce qui le maintenait encore debout, ce qui lui donnait la rage suffisante dans son enquête. 

– Ça n'fait rien.

Elle acquiesça timidement tout en se maudissant d'avoir détruit ainsi l'ambiance. Elle était si nulle.

– Et toi ? 

– Moi? 

– Quelqu'un dans ta vie ?

Il y a de cela peu de temps, elle aurait sûrement répondu que non, et qu'elle se plaisait ainsi. Mais elle devait avouer que le remue-ménage de ses dernières semaines rendait pesante sa solitude qu'elle avait pourtant tant cherché. Elle aurait aimé pouvoir en parler, retrouver quelqu'un le soir en rentrant, oublier le reste pour pouvoir profiter d'instants légers. Son travail demandait beaucoup d'elle. Elle avait parfois l'impression de...s'oublier ? Peut être qu'elle aussi avait besoin d'une épaule sur laquelle se reposer ?

– Non. Il n'y a que moi. Je ne cherchais pas réellement à avoir quelqu'un dans ma vie.

– Pourtant, la solitude ne va à personne.

Lui répondit Aaron en appuyant particulièrement sur ses mots. La solitude, il la connaissait. Il ne l'avait pas choisi.

– Peut être. Mais je m'y retrouvais. 

– C'est stupide. 

– Sûrement.

Aaron à son tour, se sentit idiot. Lui qui était venu chercher un quelconque réconfort auprès d'elle, était à présent entrain de sous entendre qu'il la trouvait stupide. Merde. Il ravala sa fierté, et alors qu'il s'apprêtait à s'excuser, la sonnerie d'un téléphone l'interrompit. Alice s'excusa, son attention à présent portée sur son téléphone, et décrocha. Quel ne fut pas son étonnement en entendant une voix qu'elle ne pensait plus entendre. Sa voix était faible, si basse qu'elle n'entendit que vaguement ses paroles. Quelque chose n'allait pas. Précipitamment, et ce sous les yeux ébahis d'Aaron, elle enfila sa veste.

CorvusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant