...si vous avez le courage d'aller les voir.

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Folia revint sur Innocence. C'est là qu'elle la vit. Bien qu'elle n'ait jamais eu que des souvenirs flous de la dragonne qui lui rendait visite en rêve, Folia sut immédiatement que c'était elle, posée sur Innocence, au soleil. Folia la rejoignit.

- Connais-tu l'origine du Masque ? J'ai appris, en faisant des recherches dans les grandes bibliothèques, qu'il s'agissait d'un artefact sans âge. La relique sacrée du coeur de la forêt. Personne ne sait comment il a été crée, ni pourquoi, mais il procurait la capacité de changer en dragon; un dragon qui ne ressemblait à aucun autre, un dragon-dieu. Cependant, par quelques péripéties oubliées, il arriva sur un autre continent. Je le nommerai Pantala. Il s'échoua sur la plage et aussitôt les plantes de la forêt le désirèrent. Elles l'entraînèrent en son coeur et il devint un mythe, puis on l'oublia. Un jour, des centaines d'années après, un conteur retrouva cette légende perdue. Il fabriqua un faux Masque, déclama au monde qu'il l'avait retrouvé. Mais cette babiole n'avait aucun pouvoir. Sur Pantala, loin d'ici, les plantes et les animaux gardaient férocement leur trésor. Cependant, quelque oiseau qui s'était perdu rapporta la rumeur de cet imposteur, portée par le vent. La forêt se gonfla de colère. Il n'y avait qu'un seul Masque, le seul et l'unique Masque. Quelques jours après à peine, on retrouva les membres de l'usurpateur sur la grève. Du faux Masque, il n'y avait plus rien. Ainsi dont la légende maudite de l'artefact remonta dans les mémoires, et de gueules et oreilles, se modifia. On parla alors d'esprit de démon prit au piège dans un masque de verre maudit; et de bien d'autres choses aussi absurdes. La forêt s'en désintéressa. Cependant, nous sommes arrivés. Sais-tu comment je m'appelle ?

- Non.

- Exactement.

- Pardon ?

- Je m'appelle Non. Parce qu'on a voulu m'imposer des choses et je les ais refusées. Je me suis battue. On m'a appelée Non.

Cette dragon avait l'allure étrange, il fallait le reconnaître. Elle portait de grandes toiles finement tressées et d'apparence très résistantes, attachées à ses ailes cachées. Elle était orange pâle, d'une couleur un peu plus proche de celle des Ailes de Sable que de celle des Ailes de Ciel. Elle avait des yeux sombres et souvent portés vers l'horizon. Elle semblait parfois regretter. Cependant, lire sur son museau était presque impossible. Elle ne laissait rien filtrer, semblait avoir encore une sorte de force et de vigueur tout en ayant un grand savoir vivre, long, et une certaine forme de sagesse, alors même qu'elle semblait ne jamais l'avoir atteinte. Elle était très contradictoire, respirait l'assurance tout en laissant apercevoir entre ses écailles quelques fissures, quelques regrets et remords. Folia songea qu'elle avait sans doute connu quelqu'un autrefois et qu'elle l'avait perdu. Qui ?

- J'étais avec un charognard. Il s'appelait Oui.

- Oui ? Pourquoi ?

- Parce que je lui ai demandé s'il voulait voir l'horizon. Il m'a dite oui. Je lui ai demandé s'il avait peur. Il m'a dit oui. Je lui ai demandé s'il pensait qu'il y avait une terre, au loin, et il m'a répondu oui. Je lui ai demandé s'il avait un nom, il a dit non. Je crois que c'est la seule chose pour laquelle il a répondu négativement. Alors, on l'a appelé Oui.

- Oui et Non.

- Exact ! Etrange non ? Bref, nous sommes partis, et nous sommes allés jusqu'à l'horizon.

- Qu'est ce qu'il y avait ?

- La mer.

- Et après ?

- La terre.

- Pantala ?

- Oui.

- C'est là bas que vous avez trouvé le Masque.

- Oui. La forêt nous a poursuivis, nous sommes partis au plus vite. Mais en arrivant sur Pyrrhia, nous avons tous les deux voulu partir avec le Masque. Nous nous sommes disputés, avons tous les deux voulu s'enfuir avec l'artefact. Nous ne connaissions pas ses pouvoirs. Nous avons arraché chacun une moitié. Nous savions que nous avions commis une terrible erreur. Mais nous sommes chacun partis de notre côté. Je ne sais pas où il est à cet heure.

- Il est mort.

Folia et Non se retournèrent. Eirin étaient derrière elles. Il était pâle, ne semblait pas bien du tout. Il s'approcha, les yeux fiévreux.

- J'ai parlé avec lui, tout à l'heure. Il venait souvent me rendre visite en rêve, mais je n'avais que des souvenirs flous de lui. J'avais le Masque.

- Comment ? s'écria Folia en serrant sa moitié contre elle. C'est impossible, je...

- Je possède l'autre moitié, expliqua-t-il en repliant son aile pour le dévoiler.

La convoitise s'était allumée sur leurs deux museaux.

- Qu'est-il devenu ? questionna vivement Non.

- Il voulait reprendre le Masque. Je l'ai précipité du haut de la falaise et j'ai versé sur lui l'huile de Caracas. Celle qui devient de l'acide au contact de l'eau.

- Ah, traîtresse ! rugit-elle en se ruant sur lui.

Folia réagit aussitôt, lui fit un croche patte et bondit sur son dos tendit qu'elle s'affalait à terre. Eirin plaqua aussitôt ses pattes sur son museau pour l'empêcher de cracher son feu ardent. Cependant Non était plus expérimentée et plus grande. Elle les repoussa, ouvrit grand la gueule.

- Le Masque m'appartient ! Je suis la forêt !

Eirin et Folia se lancèrent un regard de peur. Les deux moitiés de l'artefact se trouvaient à une demi-dizaine de mètres d'eux, à deux extrémités. D'un même élan, iels s'élancèrent vers "leur partie" tendis que les braises de Non jaillissaient sur iels. Mais voilà, iels se retrouvèrent séparés, impuissants avec leur morceau sacré. Iels avaient devant eulle le véritable maître de la relique.

Il fut dit, au début de cette histoire, qu'Eirin, Aile de Nuit, avait du poison dans la queue et que Folia, Aile de Sable, voyait le futur d'un dragon de Nuit, Spectral. Il fut expliqué qu'elle ne savait pas pourquoi ce personnage là et pas un autre. Il fut également décrit que les écailles d'Eirin et de Folia semblaient être une véritable tempête, avec des volutes de toutes les couleurs. Cela n'était pas anodin. Rien de tout cela ne l'était.

Non rugit, bondit sur Folia. Celle-ci fixait Eirin dans les yeux. Il n'y avait plus de convoitise, plus de jalousie, de rivalité. Plus que de la peur et le besoin impérieux de sauver ses écailles. Elle lança un dernier regard au Masque qu'elle tenait et l'envoya de toutes ses forces vers Eirin. Il l'attrapa au vol. Non voulut se précipiter sur lui mais Folia la retint, s'agrippa. Hélas, elle n'avait pas de dard venimeux. Pourquoi le destin avait-il voulu que les capacités d'Eirin et de Folia soit inversées, c'était peut être uniquement pour cela, pour cette fin. Je ne le sais pas et iels ne le savaient pas non plus et je crois que personne ne le saura jamais. Mais quoi qu'il en soit, Folia ne put poignarder Non, mais elle la retarda de toute l'ardeur dont elle était capable.

Eirin la remercia d'un regard désespéré et coupable. Il réunit enfin les deux moitié d'artefact, passa sa tête à l'intérieur. Il y eut un grondement sourd. Non eut plus de rage encore. Elle transperça Folia de ses griffes, la brûla de son feu, la déchiqueta de ses crocs.

- Pardonnez-moi pour les cadavres... murmura-t-elle juste avant qu'un nouvel assaut ne lui fasse rendre l'âme.

Il était trop tard. Ce n'était plus Eirin qu'il y avait de l'autre côté. Ce n'était aucun dragon de Pyrrhia, de Pantala ou d'une quelconque race qui pourra exister dans le futur. C'était à peine un dragon.

Le masque (LRDF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant