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Edrea
-An 207-

Le son des hauts clochers du royaume résonne dans le palais. Cela fait bien trente minutes que c'est le cas. Elles ne s'arrêteront que lorsque le mariage sera célébré dans la chapelle, que lorsque Kyurn sera proclamé roi de Teivel avec sa femme. C'est à ce moment précis que la face du pays changera totalement. C'est une première pour nous tous, un jour à marquer d'une pierre blanche. L'union entre la magie et la monarchie, les mortels et les mages. La fin de la guerre et des combats est proche. Nous allons entrer dans une période de paix et de sérénité. Je suis lassée et fatiguée de voir nos deux peuples se battre pour le pouvoir, de les voir se déchirer de la sorte. Ils ne veulent qu'une chose, le pouvoir.

Je suis sur le point d'enterrer les conflits. Par ce simple geste, par cette bague à mon annulaire, je serais la première magicienne à monter sur le trône. Aux côtés de celui que j'aime, je rendrais cette nation plus forte, plus puissante que toutes les autres aux alentours. Je sais que les mortels s'amassent et se pressent devant les portes de la salle du couronnement. Ils viennent admirer ce spectacle unique. Celui que l'on ne voit qu'une fois dans sa vie. Ma gorge se noue et mes doigts trouvent la bague que l'on m'a confiée. Elle appartient à la famille royale depuis des centaines d'années. C'est grâce à Kyurn que je la porte aujourd'hui. C'est la promesse de son amour et de sa fidélité.

Les servantes s'affairent autour de moi, prenant soin de ne pas abîmer ma sublime coiffure ainsi que ma couronne faite d'or et de pierres précieuses. De longues et grosses boucles brunes tombent dans mon dos et le caresse. Les domestiques ne font que tourner autour de moi tandis que je suis assise sur ce tabouret en velours. Nous sommes dans l'une des nombreuses suites princières du château. Tout ici est somptueux, luxueux et fait de diamant. Cela tranche drastiquement avec les maisons qui se trouvent plus bas dans les terres de Teivel. La mienne était si petite qu'avec mes sœurs nous devions partager une chambre à quatre. Du moins lorsqu'elles étaient encore en vie.

Aujourd'hui il ne reste plus que moi. Je suis la seule à pouvoir perpétuer notre nom et nos dons ancestraux. C'est sur mes épaules que reposent l'avenir de notre clan si ancien et si puissant de sorciers. L'une de ces femmes, portant une robe rapiécée et trouée par endroit, se penche vers moi et me murmure quelques mots à l'oreille. Elle doit partir avec ses semblables, me laisser aux mains de la reine comme le veut la tradition. Les bonnes prennent la direction de la sortie et me laissent seule face à mon reflet. Du bout du pouce, je touche les décorations de cette coiffeuse taillée sur mesure et me perds dans mes pensées.

C'est le visage du prince qui me revient, mon futur époux. Je le connais depuis toujours, nous avons presque grandi ensemble. La seule chose qui nous sépare c'est son rang. Je ne venais au palais que pour les grandes cérémonies, lui y a toujours vécu. J'ai cru vivre un rêve quand, pendant un bal organisé pour son anniversaire, c'est à moi qu'il a accordé une danse. Il s'est approché, a pris mon visage entre ses mains et m'a autorisé à me relever de ma révérence pour me guider vers le centre de la pièce. C'était inattendu, imprévu et étrange. Pourtant je garderai en mémoire ce moment toute ma vie. La délicatesse de son corps qui se rapproche dangereusement du mien et les regards de tous sur nous pendant la valse d'ouverture.

Qui aurait pu le deviner ? Un prince qui prend comme cavalière une magicienne. Les accords entre les siens et les miens ne tiennent qu'à un fil. Les rixes, anciens et très brutaux ne se sont arrêtés que parce que les monarques ont accepté de leurs laisser des terres. Le sanctuaire qui borde la forêt magique et les terres glaciales. Le compromis fonctionne, nous avons le droit de pratiquer la magie dans les limites fixées et eux ne nous massacre pas comme dans l'ancien temps.

Et c'est l'amour qui va détruire la rancœur. Une fois sur le trône, ma main dans celle de Kyurn, je mettrais un terme à notre séparation, rassemblant les enfants dans les mêmes écoles et ne délimitant pas les lieux de vie de chacun. Tel est mon but, graver l'histoire avec mon sang et faire en sorte de connaître la paix pour de bon. Je sais que mon fiancé partage cet objectif. C'est pour cela qu'il m'a choisi, il veut lui aussi sauver les Hommes. Nous sommes faits l'un pour l'autre, c'est le destin qui l'a mis sur ma route.

Amarante Où les histoires vivent. Découvrez maintenant