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Kasdeya

La douleur se propage, m'étreint de toutes ses forces et appuie sur chacun de mes organes. Il n'y a plus de place pour autre chose. Cette souffrance qui vient comme par surprise et qui me déconcentre. Je fuis ses pupilles qui elles ne me quittent guère et regarde ma main. C'est d'elle que tout part. Pourquoi diable est-ce que je ressens ceci ? Je ne suis pas blessée, ce ne peut être de la magie, pas dans l'enceinte du palais.

Ne comprenant rien à ce qu'il m'arrive, je me retourne discrètement pour regarder ma mère mais elle est trop concentrée sur la reine qui avance. Je la vois parler, murmurer avec un homme que j'identifie rapidement. C'est notre voisin, un riche marchand de tissus et de robes qui règne sur le marché du royaume. Il est comme nous, un sorcier assez puissant que mon père appelle souvent son bras droit. Comprendre notre organisation est assez complexe. La seule chose que je sais, c'est que nous sommes au plus proche des souverains pour attendre le moment. Le point de non retour de la destinée qui va nous permettre de venger nos anciens.

Je commence à perdre mon souffle, n'arrivant presque plus à aspirer d'oxygène. Je ne peux pas laisser les gens le remarquer, je dois être en prise à une sorte de maléfice, c'est la seule solution. Je ne pourrais pas partir maintenant, je dois attendre l'introduction du roi. Pitié, que le sang et les cendres de mes ancêtres puissent me venir en aide.

— Mes chers sujets, hurle Kevel. Je suis plus que ravie de vous compter parmi nous ce soir pour célébrer la fin d'un règne, et le début d'un nouveau.

Après la brûlure d'un feu ardent, mon bras me gratte. Si je m'écoutais je me planterais les ongles dans la peau jusqu'au sang pour apaiser mon âme.

— Je vous porte dans mon cœur et, heureux de vous voir soutenir mon fils, j'espère le voir prendre le même chemin que moi.

Seigneur, je suis proche de l'agonie et je dois me coltiner son discours sur la guerre et l'abolition de la magie. Que quelqu'un ouvre les portes de l'enfer, je vous en prie, cela me serait d'une grande aide.

— Pas plus tard que ce matin, Prince Haimon mit un terme à la piètre existence d'un vulgaire sorcier. Je ne puis être plus fier de lui. N'oubliez jamais, au grand jamais, le mal qu'ils représentent tous. Cette race est la pire, ils cherchent à nous nuire...

Impossible de tenir plus, je suis contrainte de fermer les yeux pour oublier la douleur et l'angoisse. En plus de mon bras, dans ma tête nait un petit point noir. C'est devenu d'une importance capitale je dois fuir. Pire que mon corps, mon cerveau me hurle qu'un danger est en approche. C'est une intuition qui me détruit de l'intérieur. Cet homme qui prétend diriger Teivel termine de présenter son fils. C'est à ce moment que tout le monde se met à applaudir et que j'en profite pour me faufiler derrière la foule. Ils sont tous concentrés sur cette famille ce qui me permet de passer la porte incognito sans que l'on remarque ma présence.

Ma mère saura me trouver une excuse, je pourrais lui dire que je suis tombée malade mais là, je sens que c'est bien pire. Les gardes eux-mêmes ne surveillent pas la porte. J'en profite pour prendre la sortie la plus proche. Tout en descendant les marches du château, je repense à Haimon et à son regard qui me dégoûte. Il ne manquait plus que ça, une envie certaine de vomir rien qu'à penser qu'un héritier du trône puisse me désirer. Je le revois condamner à mort ceux que je considère comme mes frères et sœurs.

Un pas de plus dans le gravier qui recouvre le sol de la cour et la sensation se fait de plus en plus violente et virulente. Manquant de trébucher sur des petits cailloux, je soulève d'une main mon épais jupon et me met à courir pour sortir de cette zone. En temps normal, la rune qui restreint l'utilisation de la magie n'est pas censée nous faire de mal. Nous sommes simplement démunis en cas d'attaque et incapable de tracer des runes avec notre sang. De mémoire, c'est la première fois que quelqu'un comme moi se sent si mal après avoir mis les pieds dans cette sombre demeure. C'est donc forcément autre chose.

Amarante Où les histoires vivent. Découvrez maintenant