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Haimon
-An 789-

Perdu dans l'épaisse forêt qui borde le palais, je lâche enfin les rennes de ma monture pour qu'elle puisse brouter les hautes herbes qui me chatouille les mollets. Omaya doit être fatiguée de galoper depuis ce long moment. Je n'ai attrapé aucun cerf pourtant, je me suis contenté de parcourir les chemins boueux et étroits des jardins de la reine pour me permettre de fuir. Je ne cherche pas à quitter ma demeure pour toujours mais seulement avoir un petit instant de répit.

Après avoir traversé quelques clairières où ma mère m'a souvent emmené déjeuner, j'ai contourné les gardes et les chiens de chasse pour passer le pont levis et partir le plus vite et le plus loin possible. Il ne voulait pas me lâcher depuis mon réveil. Je les comprends, c'est un jour important dans ma vie mais j'ai besoin de liberté, besoin d'être seul et de contempler la beauté de mon royaume.

Nous sommes au mois d'avril, le printemps pointe le bout de son nez. Les fleurs des champs s'ouvrent une à une et laisse entrevoir ce défilé de couleur vives et joyeuses. En me penchant en avant, j'en attrape une et la porte près de mon visage. Son odeur m'ensorcelle, me rend heureux. Je la coince derrière mon oreille et pense de suite à la donner à ma mère. De si beaux pétales jaunes rendraient si bien dans sa longue cheveulure brune.

Un bruit me surprend dans mon repos. Une branche qui craque sous le poids d'un homme. Mon cheval se redresse soudainement et fait un écart sur la gauche. Obligé de reprendre le contrôle dans l'urgence pour la rassurer. Je cherche du regard ce qui trouble la sérénité de ces lieux. Personne ne vient ici. L'entrée de cet espace est cachée dans une recoin du parc de la souveraine de Teivel. Ce ne peut être qu'un soldat.

Aulaz apparaît finalement sur son destrier blanc. Son armure reflète le soleil ce qui me brûle la rétine. Quelque peu déçu de voir que l'on me traque de la sorte, je soupire et avec une petite impulsion du bassin, j'indique à Omaya qu'elle doit avancer vers lui. Une fois à sa gauche, j'attends sa petite leçon.

— Prince Haimon, débute-il. Vous devriez être auprès de votre père pour préparer la passation du pouvoir.

Je sais bien, je le sais mais je n'en peux plus. Fatigué de toutes ces choses à faire je ne veux qu'une chose, me promener avec ma jument et cueillir des fleurs pour faire de beaux bouquets. Je n'ai plus le temps de lire à la bibliothèque royale ce qui me brise le cœur. Je ne suis probablement pas fait pour être roi.

— Ai-je le droit à dix petites minutes Sir Aulaz ? Je souhaiterais me rendre au marché pour flâner entre les étales ?

Il fait balancer sa tête de gauche à droite, signe que je ne peux que me soumettre à l'option suivante, le suivre jusqu'au château. J'expire une nouvelle fois. Puis nous faisons demi-tour pour prendre le petit chemin en pavé qui nous mène droit vers l'entrée du jardin. Mon fidèle soldat n'est pas très bavard. Il est sympathique, toujours présent pour moi et un solide appuie pour mon père. Cependant j'aurais aimé avoir une autre compagnie. N'importe laquelle en fait, j'ai envie de parler, de m'échapper et de profiter de cet instant de liberté.

— Dites moi Aulaz, savez vous ce que mon père a prévu aujourd'hui ? Je vois beaucoup d'agitation depuis que le soleil s'est levé.

En temps normal, les paysans et sujets passent leur matinée sur les allées du marché puis mangent avant de s'occuper comme ils le veulent. Mais là c'est différent, je les vois courir, se précipiter vers la cour intérieure du palais. Ce n'est pas pour moi, pas pour ma cérémonie du couronnement. Elle a lieu ce soir, nous sommes à midi.

— Votre père Monseigneur a ordonné une exécution. Il a besoin de vous à ses côtés pour vous introduire à la vie royale. Ensuite vous pourrez rejoindre votre mère pour les préparatifs.

Amarante Où les histoires vivent. Découvrez maintenant