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12 Novembre 2020.

Londres, Angleterre.



21h00



J'arpente à nouveau les marches pour reprendre ma place quand l'arbitre siffle le début du match. Lucie semble perdue par mon comportement, mais elle ne dit rien de plus en voyant le bout de papier que je presse contre ma blessure. Son copain me lance un regard noir lorsque je m'enfonce dans mon siège. Je contemple sans grande envie les joueurs qui courent derrière ce ballon. Mon axe de vision se pose sur la cage présente devant nous et ce coéquipier avec son ensemble vert. Je pouffe légèrement de rire au moment où la foule est en furie, le premier but du groupe bleu vient d'être marqué par un certain Mount. Je reporte mon attention sur ce joueur alors qu'il se prépare à protéger son filet. Il sautille de gauche à droite puis se jette vers le ciel et retombe lourdement sur le sol, le ballon en main. Ce bruit sourd me fait bondir de mon siège tandis que tout le monde me regarde plein d'incompréhension. Quand le garçon se relève en parfaite santé, je me rassois.


— Elle est choquée du rôle que doit avoir un gardien ou quoi, se fiche Mike vers sa copine en pouffant.


Je ne fais guère attention à ses moqueries alors que mon amie a l'air de le gronder.


— Il va falloir que tu te renseignes plus sur le foot toi, me dit Lucie en souriant.


Je hoche la tête sans conviction, je tire les manches de la veste de Lucie recouvrant ma main blessée. Cela risque d'être long.







23 h 10


Le match vient de se terminer, du peu que j'ai compris que les bleus sont qualifiés pour la demi-finale du super CUP d'où la foule en folie. Si ça continue ainsi, je vais à nouveau imploser. Les joueurs courent dans toute l'enceinte, se prennent en photo, acclamant les fans et se câlinant de félicitation. En toute bonne foi, visualiser autant de joie m'emplit d'une sensation de bien-être. Lucie ramasse ses affaires rapidement suivies par son copain tandis qu'elle m'attrape par la manche dans un geste vif. Je comprends bien vite qu'elle nous emmène au plus près du stade alors que cela m'angoisse davantage lorsque je vois la cohue dans laquelle on se faufile. Arrivés près de la rambarde, nous sommes seulement à quelques mètres des joueurs et surtout du gardien qui jusqu'à présent prenait ses coéquipiers dans ses bras. Mon regard ne s'attarde que très peu sur cette scène cherchant un point d'air loin d'ici. Mais la foule s'accentue au moment où le garçon s'approche de nous. La plupart crient son prénom et lui tendent des goodies(1) à signer. Une de ces filles m'écrase presque quand le meneur du club quitte son maillot, prêt pour l'offrir à quelqu'un. J'ai encore un minimum d'idées claires pour me dire que cela est écœurant de donner un chandail plein de sueur. La mine offusquée, je cherche à nouveau un léger trou dans cette foule pour m'échapper de cet enfer.


Mon intention, de me dérober de cet endroit, tombe bien vite à l'eau quand ma vue est brouillée par le noir et une odeur répugnante. Pendant une seconde, j'ai l'impression que je viens de mourir puis un hurlement strident puis d'autres me réveillent de cette idée. J'attrape le bout de tissu alors que la plupart des personnes présentes me sautent au-dessus pour me prendre le maillot. Mon amie à mes côtés me crie elle aussi dessus et essaye tant bien que mal de garder ce trésor dans mes mains poussant les gens vers le sens opposé à moi. Je croise le regard de celui qui m'a lancé cette serpillière dans la tête, son sourire niais et enfantin a l'air de le combler de bonheur face à ce geste qu'il vient de faire. J'étire ma main au-dessus de la barrière alors qu'il s'avance de nouveau. Il n'est maintenant plus qu'à quelques centimètres de moi, ses yeux noisette remplis d'ignorance me contemplent. Je remarque quelques joueurs s'approcher de cette partie du stade.


— Tu peux garder ton torchon, je dis sûre de moi alors qu'il rigole pour foutant de moi.


Je tends à nouveau le tissu vers lui, il ne semble pas prendre au sérieux mes paroles. Alors je me retourne mon dos vers lui pour lui montrer le maillot à son effigie que je porte contre mon grès.


— J'en ai déjà un.


Soudain, son rire s'arrête, fixant ma main. Je regarde vers cette direction, ce n'est pas joli à voir. Un reste de sang séché par-dessus l'entaille de tout à l'heure. Puis ses yeux se tournent encore une fois vers moi, il semble réfléchir me détaillant puis une lueur de certitude passe dans ceux-ci. Et là, à mon tour, je fais le rapprochement. Je lâche le maillot qui s'écrase dans l'herbe sous les mécontentements des supporteurs. Le bouclé me feuillette, le regard rempli d'inquiétude. Je le parcours à nouveau, courageusement, pendant quelques instants avant de baisser la tête, de me retourner ; et de me faufiler dans la foule.



J'accélère le pas dans ce long couloir sombre, cherchant la sortie. J'aurais peut-être dû attendre Lucie et Mike après tout. Je presse l'allure tandis que j'aperçois une porte au fond du corridor, je ne suis peut-être pas si nulle en orientation finalement. J'ouvre celle-ci à la volée quand je repère une grande pièce remplie de nourriture, de vêtements et des noms inscrits sur des plaques en haut des fauteuils en cuir. Je tourne en rond au milieu, tâchant de remettre en place mes idées à l'instant où des pas et des voix se rapprochent. Je cours à grands pas vers une portion de la salle dissimulée, une odeur de javel se fait vite sentir. Je remarque immédiatement que je me trouve cachée dans les douches. La porte grince d'un coup sec alors que les cris et les rires emplissent la pièce. Je m'avance vers le fond de la partie commune, essayant de me camoufler au mieux. Je recule, ma respiration qui jusqu'à présent est devenue rapide. Avec un peu de chance, j'attends incognito ici et d'ici quelques minutes tout le monde sera à nouveau parti. J'entends des foulées, prête à bondir vers l'ouverture si l'un d'entre eux se pointe. Quand que je pense pouvoir m'échapper sans encombre de cette situation, mon téléphone se met à vibrer. Je m'empresse de le sortir de mon cabas pour l'étouffer le plus vite possible. Malheureusement, il n'y a plus aucun bruit dans la salle : je suis foutue. J'éteins la sonnerie lorsque des pas se rapprochent d'où je me trouve. J'attrape la bombe au poivre se dénichant dans mon sac, tendant celle-ci vers la sortie de la pièce. Je ferme une seconde les yeux puis j'appuie fortement sur la pression quand l'homme entre. Des cris de douleur résonnent, alors que je remarque que d'autres personnes rentrent à leurs tours. Je fais quelques pas en arrière, mon dos touchant le carrelage blanc.


— Layton, l'appelle un d'entre eux, tu vas bien ?


(1) Petits objets 



BEGGIN YOU - ÉDITÉ CHEZ AMAZONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant