Fuyards de misère

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C'est un matin de février

Le froid est plus mordant que jamais

Je me promène, respirant l'air frais

Foulant des pieds les rues pavées.


La ville est un lieu foisonnant

Où mille odeurs, mille couleurs

Se distinguent dans l'air ambiant.

Ville de lumière, ville de douleur,

On y trouve de tout : des noirs, des blancs,

Des chinois, des travestis, des beurs,

Des costards cravates et des mendiants,

Des gens qui rient, des gens qui pleurent,

Des vieillards séniles et des enfants.


Je m'assieds sur une terrasse

Buvant un café, je rêvasse.

Observatrice discrète des gens,

Spectatrice distraite, observant,

Les gens défilent devant moi

Ils marchent droit devant

Ils ne me voient même pas.


Soudain, j'aperçois au coin d'une rue,

Un vieillard usé, recroquevillé,

Portant un vieux gilet de laine troué.

Il a l'air aussi seul qu'exclu.

Les gens ont des œillères

Ils marchent sans se regarder

Ils pensent à demain ou hier

En ignorant ce vieil homme esseulé.


Ils regardent ailleurs

En espérant éviter son regard

Yeux tristes décolorés par la douleur

Nous ne sommes que des fuyards.

Fuyards de la douleur humaine

Par peur d'être contaminés

Par la souffrance réelle mais vaine

D'un homme à part, oublié.


Les rides creusent son visage

Ses mains sont sales et calleuses.

Les hommes passent, l'évitant sur leur passage

Ressassant les tracas de leur vie ennuyeuse.

Un homme rit en frôlant au passage

Le vieil homme endormi par le froid

Il s'éveille un instant, levant son regard

Abandonné de tous, il n'a plus guère d'espoir.


Où est sa famille ? A-t-il des enfants ?

Quelles erreurs a-t-il commises ?

Qu'était-il avant ?

Comment en est-il arrivé là ?

Est-ce la vie ? Est-ce par choix ?


Nous ne sommes que des fuyards

Nous ne voulons pas savoir

L'égoïsme, valeur première,

L'individualisme, mère de nos vies

Calfeutrés dans nos chaumières

Les autres, on les oublie.

On les écrase, on les enterre.

Nous ne sommes que des fuyards,

Pauvres fuyards de misère.


Chaque matin, je suis là.

Le vieil homme est toujours las.

Son chien est blotti contre lui.

Il a les yeux aussi tristes que son maître.

Il me regarde, de ses yeux me supplie.

Je m'approche doucement de lui.

Le vieil homme est mort, inerte. C'est fini.


C'est trop tard. Trop tard.

Nous ne sommes que des fuyards

Chacun passe son chemin

Pensant à ses problèmes quotidiens.

Au placard, les injustices

Réveillez-vous, ouvrez les yeux !

Regardez-le !

Mais que fait la justice

Face à tous ces malheureux ?

Un de plus, un de trop,

Combien en faudra-t-il ?

Trop de misère, beaucoup trop.

Quand réagiront-ils ? 


On est comme tout un chacun

On oublie souvent de tendre la main

Mais si l'on était à la place

D'un vieillard pauvre et plein de crasse

N'aurions-nous pas l'espoir

Qu'un jour quelqu'un passe

Qu'il nous parle, histoire de voir,

Ce qu'il en est, ce qu'il se passe ?


Nous ne sommes que des fuyards

A chacun ses épreuves, ses désespoirs,

On est souvent seul, face à nos déboires

Comment faire pour qu'une fin heureuse

Soit la conclusion de mon histoire ?

Les poèmes du GrenierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant