Chapitre 14

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Tressie se trouvait de nouveau dans son bureau. Assise sur sa chaise, elle fixait le vide en se mordillant la lèvre inférieure. Les discussions alentour parvenaient à peine à se frayer un chemin dans son esprit embrumé. Au-dehors, le soleil avait franchi la ligne d'horizon. Vendredi 15 décembre, 9h30 du matin.

Autour de la meneuse se tenaient toutes les personnes qu'elle avait jugé utiles pour ce genre de réunion de crise. Oui. Réunion de crise. C'était le terme qui lui avait semblé le plus approprié pour l'occasion. Enfin... si seulement ce n'était qu'une « crise ». Aucun d'eux n'avait encore pris la peine de se laver, si bien qu'ils donnaient tous l'impression de sortir d'une bataille sanglante. Et pour certains, c'était le cas...

En tout étaient présentes huit personnes : Dekka, en partie seulement remise de ses émotions ; Triss, secouée mais prête à se battre ; Caine, qui ne savait toujours pas quoi faire de lui-même ; Josh, la mine très abattue, fidèlement debout à la droite de la dirigeante avec un calepin noir de notes ; Maillet, les yeux encore plus cernés qu'à l'accoutumée ; Astrid, qui avait laissé Toto dans le corridor pour éviter qu'il n'interfère et crée encore plus de conflits ; Tressie ; Diana.

Cette dernière était l'élément surprise du groupe. La reine avait tenu à ce qu'elle soit là. Après tout, elle avait permis d'épargner pas mal de vie, en plus d'avoir fréquenté Gaïa durant plusieurs jours. Elle aurait peut-être des choses à leur apprendre sur le monstre. En attendant, elle était assise sur le canapé et fixait le sol, visiblement traumatisée. Qui ne le serait pas après tout ce qu'elle venait de traverser...

Malgré ça, Tressie ne réussissait pas à la plaindre. Elle était soulagée de la savoir en vie, oui, mais une espèce de rancune tenace l'habitait. Elle l'accusait de choses dont elle ne pouvait strictement rien, comme, entre autres, d'avoir posé son nouveau-né sur le Gaïaphage, ou d'avoir empêché Caine d'exploser la tête du bébé sur l'autoroute.

Seulement, Diana était contrôlée. Ses gestes lui avaient été dictés par l'entité ayant volé le corps de sa fille. C'était donc dur de lui en vouloir. C'est pourquoi son amie gardait ses sombres réflexions pour elle-même. Elle était juste... furieuse et désemparée. Faute de pouvoir fracasser les genoux (et le crâne) de la véritable responsable de leurs malheurs, ses nerfs avaient besoin de se décharger sur quelqu'un. La toute jeune mère était la cible idéale. Ainsi que Sam. Mais lui, il n'était même pas là.

– Combien d'enfants sont portés disparus ? finit-elle par demander, la voix éteinte alors qu'elle continuait de fixer son bureau avec impassibilité.

« Portés disparus ». Voilà une façon détournée qu'elle avait trouvée pour ne pas dire « morts ». Ils voulaient tous croire au fait que l'ensemble des gamins dont le cadavre n'avait pas été aperçu étaient juste... cachés quelque part en attendant les secours. Comme Roger, Justin et Rose, par exemple. C'était utopiste. Un espoir dérisoire. Mais c'était également tout ce qu'il leur restait. Tout ce qui les empêchait de devenir complètement fous de chagrin...

– Il y avait quatre-vingt-deux enfants au lac au moment de l'attaque, annonça Josh en tournant les pages de son petit calepin. Trente-quatre sont revenus. Donc, ça nous fait un total de... quarante-huit personnes manquant à l'appel.

Ce nombre fit un écho douloureux dans le crâne de Tressie, ainsi que dans celui de ses comparses.

– Quarante-huit... répéta-t-elle dans un souffle. Quarante-huit enfants qui n'ont pas réussi à atteindre les cars à temps. Nom de Dieu, c'est un massacre...

– Certains sont sans doute encore en vie, précisa Dekka qui, en dépit de la fatigue tirant encore ses traits, avait retrouvé son ton ferme. Avec Gaïa à nos trousses, on a dû partir aussi vite qu'on le pouvait. Heureusement, Brise et Mike ont...

Light [Gone T.6]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant