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Il y a des jours comme ça. Il y a des jours comme ça où rien ne semble aller fonctionner, où rien ne va comme il le faudrait, où rien n'accepte de, juste, se dérouler normalement. Ces jours s'étaient multipliés avec les années – au départ, ça avait été un poignet vaguement douloureux une fois de temps en temps. Ensuite, ça avait été son dos et ses genoux. Maintenant, c'était l'intégralité de son corps qui lui éclatait à la gueule dès qu'il décidait de se relâcher un peu. hope se réveille avec des clous dans les articulations et la tête ailleurs, la tête dans des nuages au-delà de lui, très loin, qui flottent et qui l'enveloppent, qui flottent et qui l'englobent. Il ravale un râle de douleur à l'instant où sa nuque se rappelle à lui et il hésite, une longue seconde, à se lever. Ça fait quatre jours maintenant qu'il n'a quasi pas bougé de son lit, en partie parce que son squelette lui donne l'impression de n'être qu'un immense puzzle qui n'en finit pas de s'assembler, et en partie parce que son cerveau avait décidé que la vie était nulle et qu'il valait mieux pour lui qu'il reste allongé là jusqu'à ce que mort s'en suive. Evidemment, mort ne s'en suivait plus, depuis le temps – il était suffisamment vieux maintenant et, surtout, il vivait avec ses troubles mentaux depuis suffisamment longtemps pour savoir que tout ce qu'ils pouvaient lui dire n'était pas vrai.

La vibration de son portable lui arrache un gémissement de souffrance – elle se répand dans son matelas et elle fait bouger sa peau, ses os, ses muscles et le peu de gras qui lui reste après quatre jours sans réellement s'alimenter, elle vient secouer la moindre de ses fibres jusqu'à s'insinuer dans sa moelle, elle vient lui vriller l'intérieur des articulations avec la violence d'un marteau piqueur et il songe qu'il faut vraiment qu'il prenne ses antidouleurs. Il tend le bras vers sa boîte de médocs, là, sur sa gauche, toujours à portée de main, et vers sa gourde à paille qu'il laisse toujours au pied de son lit. Depuis le temps, il avait appris à pallier à toute éventualité – pas le choix s'il voulait ne pas mourir de douleur. Il avait failli, une fois, d'après les médecins en tous cas puisque lui ne s'en souvenait pas. Il se souvenait juste s'être réveillé dans un lit d'hôpital avec bien plus de tubes dans le corps que d'habitude. Il se souvenait juste s'être réveillé dans un lit d'hôpital avec bien plus de tubes dans le corps que d'habitude, avec des bandages sur chaque membre, des atèles de partout, des plannings de médicaments trop longs et trop compliqués. Il y avait Dust, aussi – il y avait toujours Dust, pour son plus grand soulagement. Elle était apparue un jour et n'était jamais repartie, alors même qu'elle aurait pu, qu'elle aurait du. Dust avait surtout fait sa place dans sa vie parce qu'elle l'avait voulu, il fallait l'admettre ; et aujourd'hui encore, hope ne sait pas ce qu'elle lui a trouvé. Peut-être qu'elle avait apprécié ses réponses trop courtes et son air faussement blasé. Peut-être qu'elle s'était dit qu'il était mystérieux et que ça l'avait intriguée. Pour leur défense, ils étaient presque des adolescents à l'époque. Enfin, des grands adolescents, presque des jeunes adultes, mais des grands adolescents qui étaient encore pétris de leurs clichés. De grands adolescents perdus dans leur monde imaginaire. Il ne fallait pas croire, il n'était pas le seul avec ce qu'ils appelaient pudiquement des « problèmes », à l'époque, évidemment. Dust avait son lot de merdes, elle aussi, son lot de merdes au sommet duquel on pouvait trouver l'assassinat de Liam.

Ils s'étaient connus par internet, ils étaient sur le même serveur qui parlait d'autre chose que de... eh bien, de tout ça. Ils discutaient une fois de temps en temps, ils discutaient avec d'autres personnes. hope était surtout là parce que c'était Moro, un de ses meilleurs amis, qui avait lancé ce serveur, et qu'il voulait l'aider. Et puis, aussi, un peu, parce que ça discutait à propos de jeux vidéos et de progression, et que c'était quelque chose qui lui parlait. Dust avait débarqué un beau jour avec ses messages rieurs remplis de majuscules en annonçant qu'elle commençait les FPS, ce qui avait amusé tout le monde. Elle était rapidement devenue la coqueluche du serveur, et ils étaient beaucoup à lui avoir donné des conseils, impressionnés par sa détermination. Ils avaient passé peut-être un ou deux ans comme ça, à discuter de temps à autres ; pendant ce temps, dans la réalité, la vie de hope partait en lambeaux un peu plus chaque jour. Le serveur le distrayait, ça lui changeait les idées. Et puis, il avait suffisamment fréquenté le monde du jeu vidéo depuis qu'il était tout petit pour avoir des idées relativement décidées à son propos, et Dust était toujours curieuse de l'entendre s'énerver sur une notion ou une autre. Elle l'écoutait jusque tard dans la nuit, apparemment sincèrement intéressée, et il se souvenait qu'il avait trouvé ça mignon. C'était la première impression qu'il avait réellement eue de Dust, maintenant qu'il y réfléchit. Il l'avait trouvé mignonne, toujours de bonne humeur, toujours avenante, toujours prête à écouter la moindre de ses opinions. Elle était ouverte, prête à apprendre, avide d'apprendre, même. Et c'était ça qui lui avait plu plus que tout le reste.

_-L;O\GOù les histoires vivent. Découvrez maintenant