Part 4

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- Tu m'écoutes ? 

Je me retournais vers Cha, les yeux écarquillés. J'avais oublié qu'elle me parlait, de Julien, of course. Elle fronça les sourcils :

- T'es sure que ça va ? T'as pas l'air dans ton assiette. 

J'étais fatiguée, mes cauchemars étaient revenus, rendant mes nuits interminables et les journées dures à supporter. Je lui faisais un petit sourire, qui visait à me convaincre autant qu'elle, en me détournant vers le tableau noir où la prof de français effectuait le corrigé du BAC blanc. Je me sentais bien en cours, mieux que dans mon appartement. J'étais assise à l'avant dernier rang, à côté de la fenêtre. Tous les jours j'appréciais les rayons timides du soleil printanier, qui faisaient scintiller poussières et résidus de craies à travers la classe et venaient caresser mon visage. J'étais en avance sur les cours, ce qui me permettait de faire attention à d'autre détails, et à interpréter à ma façon les cours auxquels j'assistai. Mon lycée est assez vieux, et réputé. Je me sens inspirée d'être ici. Je fais des cours une affaire de coeur, je veux rendre des copies dont je suis fière, aller au-delà de ce que le prof explique, en reliant les idées entre elles d'une manière nouvelle et créative. J'observe aussi mes camarades, souvent. Je suis très bien intégrée. Mais au milieu des élèves, ça ne m'empêche pas de me sentir seule et isolée. Ils n'ont pas idée de ce que je traverse tous les jours, de tous ces cauchemars, idées noires et souvenirs qui s'effacent. De la solitude, que je ressens au fond de mon lit. Du poids, au fond de mon coeur mort, que je traine avec moi à chaque instant de chaque journée. Le soir, ils rentrent chez eux, racontent leurs journées, et montent dans leur chambre regarder une série alors que leurs parents préparent le repas. Ils se font engueuler ou complimenter pour leurs notes. La sonnerie retentit, je sursautai et secouai légèrement la tête, pour arrêter de m'apitoyer sur mon sort. 

- Cléopâtre, j'aimerais vous parler, vous pouvez patienter deux minutes ? Me lança la prof alors que je me dirigeais vers la sortie. Je me décalais pour laisser les derniers élèves sortir et me retournais vers elle. 

- Ta copie est incroyable, honnêtement, je n'ai jamais était si touchée par les écrits d'une élève. Je sais que tu aimes beaucoup les matières scientifiques dans lesquelles tu excelles tout autant, mais je pense vraiment que tu devrais considérer une carrière littéraire. 

Je la regardais, méfiante, mon avenir et mes études formaient un sujet sensible que j'évitais soigneusement d'aborder avec mes profs. Elle se retourna et me tendit une feuille. 

- La région Occitanie organise un concours de poésie. Je pense que ce serait pour toi l'opportunité d'explorer ton côté littéraire. Bien sur, je suis à ta disposition si tu as des questions. 

Je n'avais aucun doute sur la bienveillance de Mme Benoit, chez qui tout inspirait l'amabilité. Je la remerçia gentiment, et quittait la salle, le prospectus en main. 

Je jetai un coup d'oeil à ma montre et décidai de rejoindre Cha et mes amis au Jardin des Plantes. Le temps était particulièrement clément. J'aimais Toulouse, son air clair, et ses vents de libertés. J'avais fait du Jardin des Plantes mon éden. La verdure m'apaisait d'une manière indescriptible. Tout me semblait plus vivant, y compris moi, parce que je m'inscrivais dans une symphonie complexe parfaitement dépeinte par la synergie de mes sens. Tout se mélangait ; le clapotis de l'eau venant de la fontaine, le murmure du vent dans les nombreuses feuilles au dessus de nous, la chaleur de l'herbe, son odeur fraiche, neuve, le piaillement des oiseaux qui jouaient, heureux, partout et plus loin les gasouillis des enfants qui découvraient, beaucoup plus émerveillés que moi les plaisirs simples de la vie. Mon groupe ne fut pas dur à trouver. Toujours au même endroit, j'entendais les rire à 20 mètres. J'adorais cette tradition meridienne Je me dirigeais vers eux, un sourire au lèvres. Mon état d'âme changea subitement, quand je sentis avant de l'apercevoir dans ma vision périphérique la présence Ken, l'homme avec qui j'avais pris un café il y a précisément 7 jours. Pire, je sentais son regard perçant qui m'épiait, et suivait chacun de mes pas. Je décidai de faire comme si de rien n'était et m'assis parmi mon groupe d'amis. Cha me tendis un sandwich, elle était calée entre les jambes de Julien. Paul m'interpela : 

- Putain Cleo t'as raté la meilleure partie de la journée ! 

- Ah ouais ? T'as marché dans une merde ?

Les autres rigolèrent, et il secoua la tête, un sourire jusqu'aux oreilles plaqué au visage. Il dégaina une feuille, où une toute petite signature figurait. Je plissais les yeux sans vraiment comprendre. En baissant la voie et se rapprochant de moi, il me fit l'ultime confidence, parvenant difficilement à contenir son excitation. 

- Nekfeu ! Il roulait à présent les yeux devant mon air perdu, Nekfeu, le rappeur, il est là dans le parc. Il me fit un signe de tête en direction de l'homme en noir, qui justement nous regardait. 

Mon coeur fit un bond, Ken, et Nekfeu étaient donc la même personne ? Je me suis sentie ridicule de ne pas m'en être rendue compte, quand de loin, il aperçut mon air déconfit, je le vis sourire. J'étais abasourdie. Hors de question de le dire à mes amis, déjà ils auraient du mal à me croire, et surtout ils ne me lâcheraient plus. Je décidais de ne plus y penser et de profiter comme je pouvais de ma pause déjeuner. Alors que nous nous apprêtions à partir je me levai et déclarai-je d'un ton résolu:

- Vous savez quoi, moi aussi je vais chercher un autographe. Sans attendre de réponse, ils étaient tous surpris, je ne suis pas la plus grande fan de rap, je me dirigeais vers lui. 

Il était assis à une vingtaine de mètre, son carnet posé à côte de lui, sa casquette sur la tête, les jambes allongées et croisées. 

- Salut, 

- Salut Cleo, 

Je n'avais pas vraiment réfléchis à ce que j'allais faire. Alors je sortis la feuille descriptive que ma prof m'avait donné, en déchira un bout, et gribouillai rapidement mon numéro au verso, puis lui tendit. 

- Je ne sais pas dans quel mood tu es, et si t'as envie d'être seul ou pas, mais je peux te montrer mes endroits préférés de Toulouse. 

Il attrapa le papiers et nos mains se frôlèrent, provoquant un choc d'électricité statique nous faisant tous deux sursauter. Il laissa échapper un petit rire et moi aussi. 

- Cleo, on y va, me lança la voie impressionnée de Paul qui s'était approché.

Je fis un signe de tête à Ken et me retournai pour repartir au lycée.

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Je laissais tomber mon sac au sol et me m'écrasais mollement sur mon lit, dans un soupir. Le cours de boxe de ce soir m'avait complétement vidée. Max l'entraineur, qui est aussi le fils des amis des mes parents, avec qui je m'entends très bien, m'a dit que je m'étais beaucoup améliorée. Je rassemblais mes forces pour me diriger vers la douche. En me déshabillant devant le miroir, je remarquais en effet que mon corps paraissait plus ferme. Mes cheveux chatain foncé étaient plaqués contre mes tempes. Je n'aimais pas me regardait dans le miroir, je me rappelais trop ma mère, et quand instinctivement je portais la main à la cicatrice en étoile en dessous de clavicule gauche, je détournais les yeux et m'enfonçais sous l'eau chaude. 

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⏰ Last updated: Mar 11, 2022 ⏰

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Nos étoiles vagabondesWhere stories live. Discover now