Cinquième partie - Haute tension

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Je me réveille en sursaut, persuadée que Keatel est à mes côtés. Je ne peux retenir un cri et j'agite les bras en l'air pour repousser ce qui n'est que le reste d'un cauchemar. Je me sens vaseuse et je peine à retrouver mes esprits. Les souvenirs des dernières heures me reviennent en mémoire, de façon désorganisée au début jusqu'à retrouver leur ordre chronologique. L'intensité nerveuse subie durant mon évasion m'a vidée et, une fois dans l'hyperespace, j'ai pris la décision de mettre la vitesse supraluminique au minimum pour pouvoir me reposer jusqu'à mon arrivée à destination. L'hyperespace étant le seul endroit où l'on ne craint aucun danger, j'ai voulu y rester le plus longtemps possible pour me laisser le temps de récupérer.

Lorsque j'ai échafaudé mes plans pour m'enfuir, j'ai vite identifié la planète Odillian comme la meilleure option pour rentrer discrètement sur Terre, mon problème numéro un étant de revenir sans me faire remarquer. Nort a raison. Si je suis repérée, je serais vite éliminée. Je ne peux donc pas retourner sur Terre avec ce Toran. Ce vaisseau était idéal pour ma fuite mais il est maintenant mon principal handicap pour revenir sans être localisée. Ce chasseur est équipé d'un système de signalisation crypté émettant en permanence et permettant aux forces spatiales de connaître la position de tous les chasseurs quand ils sont dans le périmètre de détection des centres de contrôle. C'est très pratique pour obtenir des laissez-passer ou être secouru en cas d'avarie mais dans mon cas, ce système me signalera dès que je serai en approche de la Terre.

C'est Paddy qui m'a inspiré la planète Odillian comme étant la solution. Durant les longues soirées passées ensemble, il m'a raconté de nombreux souvenirs, parmi ceux qu'il voulait bien que j'entende. Avant de trouver un boulot stable dans la programmation d'IA, il avait pas mal bourlingué dans l'espace, attiré par la découverte de nouveaux horizons. Pour gagner sa vie, il avait fait des tas de petits boulots, en particulier dans les mines de fer de la planète Odillian. Ce fut un des avantages de la conquête spatiale, nous avions enfin trouvé de nouvelles ressources en minerai sur de nombreuses planètes, surtout pour le fer et le cuivre. Des gisements si nombreux que ces ressources ne furent plus considérées comme critiques et la Fédération accepta d'en laisser l'exploitation aux sociétés privées, incluant la gestion de la sécurité. Avec le temps, les compagnies manoeuvrèrent pour asseoir leur indépendance en dehors de toute législation fédérale. Ces planètes sont aujourd'hui les seules qui ne soient pas sous surveillance des forces spatiales et sur lesquelles je peux atterrir sans risque d'être repérée. De plus, des convois de minerai partent chaque jour en direction de la Terre. Ces navettes pourraient être un moyen de revenir discrètement sur Terre. Dans mes souvenirs, Paddy m'avait raconté qu'Odillian avait un environnement proche de celui de la Terre, le seul problème résidait en une atmosphère pauvre en oxygène nécessitant le port d'un système respiratoire. Ce dernier point est intéressant, tout ce qui permettra de masquer mon apparence est à mon avantage. J'interroge l'IA pour obtenir plus d'informations sur Odillian. Le choix de l'aire d'atterrissage n'est pas difficile, il n'existe qu'une seule ville sur cette planète. Elle est composée d'un gigantesque astroport permettant le ballet incessant des transporteurs de minerai et de centaines de bâtiments pour loger et nourrir les ouvriers, le tout sur une surface d'une dizaine de kilomètres carrés. Cette faible taille me surprend au premier abord. Mais l'IA m'indique que toute l'activité s'effectue sous la surface sur des centaines de kilomètres de profondeur. D'après les dernières statistiques, cette ville regroupe près de trente mille personnes, en majorité des hommes, et pas des plus recommandables. Paddy m'avait raconté que ces sites attiraient toute la racaille voulant échapper à la justice de la Fédération. La situation satisfaisait les compagnies privées qui avaient à disposition une main d'œuvre corvéable et peu regardante sur les règles sanitaires. L'idéal pour optimiser leurs profits. La sécurité des zones sensibles était assurée par une milice privée alors que les quartiers d'habitations étaient livrés à eux-mêmes, sous l'emprise des maffias et de la loi du plus fort. Plus l'IA me donne d'informations sur Odillian, plus je me demande si mon idée est bonne. Une gamine comme moi au milieu de ces truands, je risque cher si je suis repérée. Je tourne le problème dans tous les sens, je ne trouve pas d'autre solution. Reste à espérer que les Noddons n'aient pas vidé cet appareil et m'aient laissé de quoi me défendre.

Les Centurions - Première générationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant