8. Un garçon peut en cacher un autre (1/2)

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Bravo à AngeliqueFournier0 pour avoir trouvé la référence cachée dans le précédent chapitre. Il s'agissait bien du personnage de Varney le vampire; ou, la fête du sang (1847), attribué à James Malcolm Rymer et Thomas Peckett. Ce penny dreadful compte parmi les premières histoires de la littérature vampirique et a notamment contribué à forger la naissance de Dracula de Bram Stoker.

Point culture, check ! Voici le chapitre 8, première partie ! Bonne lecture.

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Baie de Tonsai, province de Krabi, 1852

Où pouvait bien se cacher Kao ? Chayan ressentait, au fond de ses tripes, que cette canaille était bien vivante, quelque part. Son cadet et lui avaient toujours été si étroitement liés. S'il était mort, Chayan le saurait. La bête l'avait-elle emporté avec elle ? Mais pourquoi l'avoir laissé, lui ? Et surtout, pourquoi l'avoir épargné ?

Il progressait lentement, perdu dans une errance chaotique et sans fin, torturé de questions sans réponses. Enveloppé d'une lourde cape sombre afin de dissimuler son identité, il se laissait guider par son instinct. Il cheminait vers la mer, en direction de la province de Krabi. Kao avait toujours rêvé de voir l'océan... Peut-être y avait-il trouvé refuge.

C'est la nuit qu'il avançait avec le plus d'aisance. Le jour, il se reposait dans des auberges ou alors s'enterrait dans des forêts touffues, à l'ombre des arbres. Il se nourrissait de petits animaux sauvages quand cela était possible, mais avait dû apprendre à supporter la famine. Une seule idée fixe le portait : retrouver son frère coûte que coûte et faire payer le monstre qui avait réduit leur vie en cendres.

Muni d'un portrait de Kao usé par les intempéries, il interrogeait les villageois, les fermiers et les taverniers qu'il croisait, mais aucun d'eux ne lui insuffla jamais le moindre espoir. Au terme de plusieurs semaines – ou de plusieurs mois – il ne pouvait le dire avec certitude, il affleura enfin les côtes de Tonsai, un petit village peu habité et rustique où régnait une profonde pauvreté. La seule richesse de cet endroit morne et désolé demeurait du côté de la baie ; une langue d'eau d'un bleu céruléen charmait les yeux des visiteurs. Affaibli par le voyage et la rigueur du climat, Chayan décida de camper ici. Il vécut des jours dans un cabanon abandonné et dépourvu d'eau chaude, sur la berge. Alité sur une couchette de fortune, soûlé par le murmure lancinant du vent et des vagues, il attendait la mort. Mais la mort ne le faucherait jamais, c'était là sa plus grande tragédie.

Kao, où es-tu ?

La nuit, il s'engouffrait dans les tavernes du village pour tromper l'ennui, de plus en plus résigné ; ses recherches ne le menaient nulle part. Il se mêlait aux habitants, tendant une oreille attentive aux ragots. On ne lui refusait ni le gîte ni le couvert tant que sa bourse fût pleine, en revanche on le toisait d'un œil curieux. Les Thaïlandais étaient réputés hospitaliers, mais la misère aiguisait la méfiance.

— Vous avez entendu cette histoire ? demanda l'un des hommes du village, un énième soir où Chayan achevait le temps, affalé au comptoir.

L'espoir de retrouver son frère s'amenuisait de jour en jour.

— De quoi tu parles ?

— J'ai entendu... Vous allez me prendre pour un fou.

— Raconte toujours, c'est qu'on est habitué à tes sornettes de bonne femme, railla son interlocuteur.

L'homme se renfrogna, mais poursuivit son récit. Chayan écoutait d'une oreille discrète, le nez plongé dans le liquide brun de sa bière qu'il faisait mine de siroter.

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