SUICIDE

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Psychologue : Avez-vous des pensées suicidaires?

Solène : Oui.

Psychologue *lève le regard vers Solène* : Continuez.

Solène*ne dit rien pendant quelques instants* : Tout me semble terne. Je ne prends plus plaisir à rien, sauf à être allongée, et à lire un livre dans mon canapé -et encore. Je ne peux mener une vie, où chaque instant est capable de m'énerver, de me faire pleurer, rager, angoisser. Et ces moments-là sont si intenses qu'ils me font perdre mon instinct de survie. Il n'y a personne qui est là pour moi. Je n'ai pas de mari, pas d'enfants, mes parents sont des gros cons, et j'ai une ou deux amies, certes, qui comptent pour moi, mais est-ce-que moi je compte vraiment pour elle ? 

Le psychologue lève les yeux vers Solène, note quelque chose sur son bloc feuille et la repose.

Psychologue : Et ça fait combien de temps que vous pensez à tout ça ?

Solène *soupire* : Environ un et demi je pense, c'est venu au fur et à mesure. Avant que mon patron commence à me faire du chantage. Vous savez le "si tu passes pas sous mon bureau j'te vire", les trucs dans le style quoi. Je me suis dit "oh, ce serait tellement plus simple si ce soir j'avalais une boite de Doliprane". Tout sera fini. Vous savez, docteur-

Psychologue *grogne* : Ne m'appelez pas docteur, s'il vous plait. 

Solène : Oui pardon. Vous savez, cette petite voix qui m'a répété pendant des années que j'étais bonne à rien, nulle à tout, que je ne valais pas qu'on m'adresse la parole, que j'étais grosse, moche, et que mon ex ne sortait avec moi que pour mon cul... vous savez cette voix, là, eh bien je ne l'ai plus !

Psychologue *prend un air ravi* :  Ah mais c'est génial, ça, Madame Frelin, c'est une très bonne nouvelle !

Solène : Oui mais non. Je ne l'entends plus, mais maintenant, c'est moi qui me récite ce discours de mégère. C'est moi qui fait un régime, c'est mon ventre qui gronde de faim tous les soirs, c'est moi qui paye le restaurant à chaque rendez-vous, et cætera !! Alors moi j'en ai marre vous voyez. Moi, je suis pas faite pour la vie, alors si je suis pas faite pour la vie, je suis faite pour rien. Et si je suis faite pour rien, je veux l'atteindre le plus vite possible ce rien.  

Psychologue : Vous avez pensé à prendre des vacances ? Ou un arrêt maladie ?

Solène *s'énerve* : Mais bien sûr que oui, vous me prenez pour qui ? Avant le suicide, il y a la dépression, et la dépression, ça peut se soigner, je ne vous apprends rien. J'ai pris des antidépresseurs, des mois de congé, je suis allée consulter des psychologues, des psychiatres, des neuropsychiatres, des hypnothérapeutes, j'ai fait des tonnes de médecine alternative, j'ai fait des tests, des tests, pleiiin de tests : test de QI, trouble de l'attention, dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie. Mais rien. Rien qui m'aide dans mes recherches sur *elle mima des guillemets avec ses doigts et prit un ton nasillard*  "comment ne pas passer par le suicide ?".

Psychologue : Hmm. Il a donné quoi votre test de QI ? 

Solène *le regarde, méfiante* : Haut Potentiel Intellectuel. Je suis HPI. Ce qui pourrait expliquer mes problèmes au boulot, d'après la neuropsy. Et un petit TDAH, mais pas handicapant apparemment.  

Psychologue : Bien. On va s'arrêter là pour aujourd'hui ? 

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