penance.
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Reprendre pleinement conscience a été rude. Maki a émergé enroulée autant dans des draps à l'odeur de cannelle que dans une confusion à la démesure aussi féroce qu'accablante. Elle pouvait jurer que l'instant d'avant, elle s'était trouvée étalée sur une parcelle du bitume qui constituait le sol de la gare de Shibuya, aussi froid et grisant que les quelques paroles qu'elle est parvenue à articuler depuis son réveil.
Car même si elle a perdu connaissance avec le désir ardent de prononcer les trois mots et huit lettres que tous glorifient depuis la nuit des temps à l'intention de Nobara, elle se retrouve désormais éprise d'une angoisse folle à l'idée de se jeter dans le grand bain. Avouer son amour ne reviendrait-il pas à avoir une chose de plus à perdre? La lumière qui s'introduit dans la petite chambre aux murs vert citron et ivoire est claire, blanche d'une pureté qui ne reflète en rien la malédiction par laquelle se sent affublée Maki en cette matinée qui a tout d'une seconde chance, mais dont elle se méfie avec une discrétion et une fourberie dignes de celle d'un renard.
Debout devant le miroir qui trône au mur de la petit salle de bain annexe à la chambre où elle a repris ses esprits, elle observe sa propre personne comme si elle lui était méconnaissable. Elle s'était préparée à se voir dans le corps d'une autre, cette autre qu'elle a laissée agoniser tandis que ses camarades étaient en train de périr de la main vengeresse de fléaux qui ne comprennent pas pourquoi ils sont tout aussi craints que dédaignés. Toutefois, sa peau demeure aussi lisse que d'antan, seulement rendue irrégulière par endroits par des cicatrices d'acné et celles de blessures que le sort d'inversion n'a su effacer.
Le son du liquide cristallin qui s'écoule du robinet la distrait suffisamment pour qu'elle s'autorise à penser à autre chose qu'à la fille qui l'attend de l'autre côté de la porte. Elle a des envies de virée shopping, ses vêtements de nuit molletonnés étant apparemment trop chauds pour la belle saison qui pointe le bout de son nez. Le côté innocent de cette balade en ville que Nobara veut qu'elles partagent afflige Maki d'une façon qui la met en déroute de la plus vicieuse des manières.
Cette journée bénie par des températures clémentes passée ensemble, loin de quelconque mission qui mettrait leurs vies ou celles de leurs amis en péril, qu'a-t-elle fait pour la mériter après l'âcre épilogue qu'elle a cru devoir connaître, subir? Elle se demande si elle n'est pas déjà morte et, les mains plongées dans l'eau, elle s'asperge le visage pour s'assurer qu'elle n'est pas tombée la tête la première dans un leurre plus vrai que nature qui cache en fait le plus vicieux des dénouements.
Tout comme chérir quelqu'un comporte ses risques, Maki ne peut s'empêcher de voir cette occasion de savourer le bonheur qu'elle avait sous-estimé comme une illusion qui présage le pire. Elle se remémore l'affection qu'elle ressent à l'égard de Nobara, le miel dense et suave dans lequel baigne son cœur quand elles se choient l'une l'autre après une rencontre particulièrement rude avec des fléaux. Elle ne peut pas se permettre de vivre dans l'instant présent, attachée à une destinée qui, elle le sait, viendra la cueillir trop tôt bien qu'elle soit forte et valeureuse. Se délecter de cet amour, se délecter de cette journée, cela revient au même; c'est chérir une chose qui n'est pas éternelle et dont l'absence finira par la blesser.
De ses avant-bras, le liquide dans lequel elle s'obstine à noyer ses pensées dégouline, mais elle ne cesse toutefois pas de le répandre sur sa peau sans se soucier des dégâts qu'elle fait autour d'elle.
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𝐋𝐄𝐒 𝐐𝐔𝐀𝐓𝐑𝐄 𝐋𝐈𝐁𝐄𝐑𝐓𝐄𝐒. | maki zenin
FanfictionMaki ne s'est jamais vraiment intéressée à l'art, trop occupée à bâtir son corps et fortifier ses valeurs pour accorder du temps à ce monde parfois aussi concret que superficiel. Pourtant, le jour où elle se sent presque partir, elle n'est qu'en la...