La maison et autres histoires

La maison: Lydia

Je dépose mon assiette vide sur la table basse et appuie ma tête contre l'épaule de Bryan, espérant attirer son attention, mais son regard est perdu dans le vague alors que Le Roi Lion défile sur l'écran de l'ordinateur portable. Depuis notre arrivée ici, il semble ailleurs, comme s'il regardait les fantômes de la maison passer sous son nez. Il tient sa pizza à quelques centimètres au-dessus de son assiette, figé dans un souvenir que je ne vois pas, les yeux vers le garage : le dernier clou dans le cercueil de sa famille.

— Ça va, mon amour ?

— Oui, la pizza est bonne.

— J'en doute, tu n'y as pas touché.

Il cligne des yeux et me regarde comme si je venais juste d'apparaitre à côté de lui. Il met une seconde à se rendre compte de ce qu'il m'a dit. Il lâche sa pizza, passe une main sur son visage et desserre la mâchoire. Il m'attire sur ses genoux et m'entoure de ses bras, le nez enfoui dans mon cou.

— Désolé. Oui, ça va. Pas aussi bien que je le voudrais, mais ça va.

— Tu es certain que tu veux rester ici cette nuit ?

Il hoche la tête et embrasse la peau tendre sous mon oreille. J'enfonce mes doigts encore un peu gras dans ses cheveux, inspirant son odeur habituelle mêlée à celles de la poussière et du nettoyant tout usage. La maison est de nouveau propre, mais nous ne le sommes plus. Je me détache de lui et me lève en tirant doucement sur sa main. Pour la première fois aujourd'hui, il m'adresse un vrai sourire. Il me suit jusque dans la salle de bains. J'ouvre les robinets de la douche, les chuintements de la pression font sursauter Bryan. Je reviens vers lui et lentement, nous nous déshabillons l'un l'autre, un vêtement à la fois. Enfin nus, c'est lui qui m'amène sous le jet. Il attrape le savon que j'ai apporté et me le tend. Doucement, je la presse contre sa peau en défaisant les nœuds de ses muscles trop tendus. Un mélange d'eau grise et de mousse s'écoule le long de nos corps, puis à nos pieds. Je frissonne. C'est trop froid pour moi, trop chaud pour lui. Parfait pour nous deux. J'embrasse la cicatrice sur sa gorge. Il sourit.