La maison et autres histoires

La maison: Val

Je tapote sur volant, la mâchoire serrée.Grace n'aurait pas dû me dire qu'elle a vu Bryan en ville. Je devrais foutre le camp et continuer ma petite vie sans lui. Je devrais aller au cimetière pour rafraîchir les fleurs sur la tombe des parents, mais comme un con, j'engage la voiture vers la maison. Je la stationne devant le garage, à côté d'un VUS hybride qui n'a pas plus de deux ou trois ans. Je sors avant de changer d'avis et me dépêche d'aller gravir les trois marches du balcon. J'aurais peut-être dû amener des croissants, des cafés... Est-ce que Bryan aime le café ? Est-ce que j'ai envie de lui offrir quoi que ce soit ? Et puis merde ! Je tourne les talons et m'apprête à m'en aller, mais, bien sûr, la porte d'entrée s'ouvre. Bordel. Une odeur de nettoyant et de savon émane de la maisom.

— Salut Val.

Sa voix a changé. Elle est toujours aussi mélodieuse, mais plus grave et plus rauque. Je me retourne vers l'homme et le détaille de la tête aux pieds, les bras croisés sur ma poitrine : le corps sculpté, torse nu, le visage encore bouffi de sommeil, les cheveux en bataille. Derrière lui, se tient une jolie du t-shirt qu'il devait porter quelques minutes plus tôt. Il s'appuie contre le cadre de la porte, complètement neutre et détendu. Je remarque la cicatrice violacée sur sa gorge et je ne peux pas m'empêcher d'afficher un air inquiet. Il hausse un sourcil, attendant que je dise quelque chose. Je vois alors la fatigue latente au fond de son regard. Le salaud. Je me mords les lèvres. Je suis pris au piège et il le sait. Je montre les dents.

— T'es pas mort.

Il se retient de toucher sa gorge et ses yeux s'assombrissent.

— Non.

— Pourquoi t'es parti ?

— Parce que mon petit frère me l'a demandé.

Il m'offre un des sourires dont il a le secret. Un à zéro Bryan. Merde.

— Il est tôt. Te connaissant, tu n'as pas encore mangé.

Il a raison. Je hoche la tête. Deux à zéro pour lui.

— Aller, entre. Il reste de la pizza.