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Chapitre 21

« Paris, tu es la gaieté, Paris
Tu es ma douceur aussi
Tu es toute ma tendresse »

- Paris (À Paris), Edith Piaf

☆

Depuis l'épisode artistique déroulé quelques jours avant et que les deux colocataires tentaient vainement de mettre de côté, une tension toute particulière régnait entre leurs deux corps et leurs deux êtres. Soudainement, Taehyung se surprenait à regarder Jungkook avec une autre paire de lunettes. Car si déjà il connaissait les moindres détails du noiraud depuis qu'il le connaissait, à présent il se souvenait de tout -ou presque- en ce qui concernait le brun. Par exemple, la veille, il avait noté la façon dont Jungkook s'était habillé, avait remarqué son changement de piercing aux oreilles et d'autres futiles détails qui dès lors devenaient plus remarquables dans l'esprit du châtain.

Cependant, ils ne s'étaient pas parlés davantage, prétextant vaquer à leur occupations journalières tout en essayant de faire abstraction de ces nouvelles sensations qu'ils ressentaient en la présence de l'un et de l'autre. Les deux ne savaient dire s'il s'agissait de quelque chose d'agréable ou au contraire, d'inconfortable. Tout ce dont ils étaient à présent certains était que trop proches, ça n'allait pas et que trop éloignés, c'était tout aussi désagréable. Ainsi, les deux jeunes hommes avaient opté pour la sûreté, préférant se lancer quelques regards suffisamment discrets pour ne pas être remarqués. Jungkook se plaisait alors étrangement à observer Taehyung lorsque celui-ci lisait ses bouquins, tandis que le doré aimait jeter un coup d'oeil aux croquis de son colocataire et à ses lèvres qu'il pinçait en signe de concentration.

Néanmoins, ceci se faisait toujours dans la plus tendre ignorance de l'autre, lorsque les oeillades étaient trop discrètes pour se faire remarquer et que l'échange n'était que de trop courte durée. Ainsi, chacun à sa manière tentait d'accepter l'autre toujours un peu plus proche, de le faire entrer dans une légère intimité. Car ensemble, ils possédaient ce désir effréné de redécouvrir l'autre, vérifiant si les habitudes de leur enfance étaient toujours d'actualité et leurs pensées toujours liées.

Mais la peur de redevenir comme avant persistait chez les deux garçons, complexifiant leurs émotions. Aucun des deux ne parvenait à savoir sur quel pied danser, tant leur relation s'obstinait à préserver cette ambivalence qui les caractérisait tant et cette complexité à se comprendre. C'était bien l'une des choses qui avait failli dans leur amitié : la discussion, la compréhension de l'autre. Tout demeurait toujours plus compliqué lorsque constamment l'un devinait pour l'autre et vice-versa et que les désirs n'étaient pas oralement exprimés. Cependant, leur amitié avait toujours fonctionné de la sorte, de manière à préserver les dires pour favoriser les pensées. Ce n'était en soi pas une mauvaise chose mais Taehyung et Jungkook avait toujours utilisé ce mode de fonctionnement. Ainsi, jamais ils n'apprirent ensemble ce que c'était que réellement communiquer entre eux. Pourtant les mots s'avéraient parfois être le meilleur remède aux maux et la discussion, la thérapie la plus adaptée contre les doutes.

Alors, lorsque Jungkook voulut proposer à Taehyung de l'accompagner au cinéma en-dessous de leur immeuble pour cet fin d'après-midi, ce ne fut pas totalement la même chose qui s'extirpa d'entre ses lèvres, venant briser le silence de la pièce seulement rompu par les pages qui se tournaient et les crayons qui caressaient le papier.

"- Je sais pas si tu sais Kim, mais j'ai des potes à moi qui sont sur Paris. Je les avais rencontrés pendant les vacances et- bref. On doit se retrouver chez l'un d'eux pour une soirée tranquille.

Jungkook, qui jusque là n'avait pas encore osé croiser le regard de son silencieux littéraire, releva son doux regard vers Taehyung, dont la petite tête restait en partie camouflée par son roman. Une fois qu'il fut sûr d'avoir l'attention du joli châtain, Jungkook se risqua à tenter :