Chapitre 23 : Le protéger

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Je dévale les escaliers si vite que je manque de tomber et de me rompre le cou. Je vais sauter dans ma voiture, mais une pensée me traverse l'esprit, alors que je tombe pour la troisième fois sur le répondeur de Loan. Je déboule dans le Diner sous les regards ahuris de mon employé et de mes clients, récupère derrière le comptoir ce que je suis venu chercher, et repars aussi vite que je suis arrivé, grimpant dans mon véhicule, démarrant et partant à tout allure dans une odeur de caoutchouc brûlé, bouclant ma ceinture en conduisant.

Tristan n'a pas pu me donner beaucoup de détails sur le plan élaboré par Colas, il était bien trop perturbé, se mélangeant entre ce qui est prévu et ce qui aurait dû l'être. Je suis déjà surpris qu'il ait réussi à me joindre, tant son esprit semble retourné. Mais il parvient à me donner le nom de la rue sur laquelle doit donner la cellule de Savio. A présent, je sais où je dois me rendre. Aux portes de la prison de Husa, là où j'ai rencontré Loan pour la première fois. Je refuse que ce soit la dernière.

J'avale les kilomètres, mon téléphone multipliant les appels sur ceux de mon ami et de mon Alpha. Mais l'un comme l'autre semble avoir éteint son smartphone et je ne peux m'empêcher de jurer tout en priant pour que j'arrive à temps, même si j'ignore ce que je vais bien pouvoir faire. Mon compteur affiche des vitesses dont je pensais ma voiture incapable, d'ailleurs le moteur hurle son désaccord, et des milliers de signaux d'alerte clignotent dans mon esprit, m'indiquant que je roule bien trop vite, que je risque un accident qui m'empêchera de les sauver. Pourtant, rien, pas même mes doigts crispés sur le volant au point de m'en faire mal, n'arrive à me faire lever le pied de l'accélérateur.

Au bout d'à peine une heure, Husa est enfin en vue, mais aucun des mafieux n'a répondu à mes appels, et je commence à paniquer, alors qu'une aube rouge pointe son nez à l'horizon.

Je tourne dans différentes rues, ma conduite rapide aussi fluide que si je respectais la vitesse autorisée. Mais, à une centaine de mètres de ma destination, je suis arrêté par les lumières bleues et rouges qui éclairent les rues adjacentes de la prison. Ainsi l'attaque a déjà eu lieu.

Mais plutôt que de céder à mes craintes, j'arrête ma voiture, et en sors en courant à travers les ruelles. Husa est ma ville, je suis né ici, enfant, j'y ai fait les quatre-cent coups avec Willy, j'en connais les moindres recoins, de même que je sais que la police ne se préoccupe pas de boucler les routes ne permettant pas le passage d'un véhicule. Alors je cavale pour ne m'arrêter qu'à l'orée d'une petite allée d'où je peux voir la scène.

C'est un véritable carnage. Que ce soit derrière les voitures de police, ou entre celles-ci et celles derrières lesquelles des costumes noirs s'agitent, des corps sans vie et plus ou moins entiers et abîmés parsèment la chaussée, m'en donnant la nausée. Mais je n'y cherche pas mon Alpha ou mon ami, je sais qu'ils n'y sont pas, tous ces corps étant vêtus de ce qui était à l'origine bleu, avec quelques lettres devenues illisibles.

Alors, mon regard se porte devant les murs de la prison, là où est acculée la mafia. Au milieu des têtes qui se lèvent le temps de quelques coups de feu, je distingue la tignasse brune de Colas, lequel est tiré en arrière par un homme plus massif et dont les yeux verts semblent percer tout ce qui l'entoure, à l'exception du Béta. Ils ont donc réussi ? Mais... Comment ?

Tristan m'a dit que Colas avait travaillé sur un plan à l'envers. Pourtant, de ce que j'en vois, à quelques mètres derrière eux, c'est bien sur une cellule que le mur est éventré. Alors un sourire me gagne. Il n'y a pas à dire, ce Béta n'était pas l'un des seconds du parrain pour rien. Même Tristan qui le connaît n'y a vu que du feu. J'oublie parfois que Colas a eu son poste sans avoir à franchir beaucoup d'échelons, son intelligence et sa roublardise ayant conquis mon grand frère sans attendre. Mais j'admets que cette fois, il a atteint des sommets. Travailler volontairement à l'envers...

Puis une autre chose me frappe : parmi les agents de police, les morts sont nombreux de part et d'autres de leurs véhicules de fonction, aux carrosseries criblées et même perforées de balles, alors que, côté mafia, les munitions semblent rebondir sur les voitures qui les cachent de leurs ennemis. Ça ne m'étonne pas. Après tout, s'il a pensé à laisser croire à quiconque regardait par-dessus son épaule qu'il travaillait à l'envers, il est logique qu'il ait prévu des véhicules blindés pour protéger leur fuite.

Et je ne doute pas que celle-ci ne tardera plus. Les forces de l'ordre perdent en nombre et donc en combativité au fur à mesure que les minutes s'écoulent. D'ailleurs, je les vois reculer, comme cherchant à rejoindre l'abri solide des murs des bâtiments environnants. Pourtant, et bien qu'ils ne soient plus sous la vague protection que leur offraient leurs voitures perforées, les balles ne semblent plus les atteindre, et je ne comprends pas comment c'est possible, jusqu'à ce que, sur le torse de l'un d'eux, reflétant les gyrophares, je distingue une petite broche représentant deux triangles emboîtés.

_ Ainsi Colas, même ça, tu l'as prévu. » pense-je en souriant.

Côté police, c'est la débandade, et ils partent alors que de derrière les voitures blindées sortent des hommes en costume noirs, lesquels se congratulent les uns les autres, à grands coups de claques dans le dos et d'accolades. Pourtant, deux d'entre eux ne se séparent pas, et joignent même leurs bouches sous les huées de leurs compagnons. Mais si je suis content pour Colas et Savio, je n'ai toujours pas trouvé mon Alpha parmi ces hommes, et la panique me gagne peu à peu.

Je vois les mafieux relever leurs camarades blessés, mais là encore, aucune trace de Loan. Alors, la peur au ventre, je m'approche à pas lents. Où est-il ? Car je le connais, il n'a pas envoyé ses hommes se battre sans lui aussi prendre part aux hostilités. J'enjambe des cadavres, fouillant la foule des visages pour trouver l'homme que j'aime.

Et soudain, portant un blessé sur son épaule, je le vois.

_ Loan ! » hurle-je sans même m'en rendre compte.

Tous les regards se tournent vers moi, en particulier ses yeux sombres, alors que ma vision se fait floue. Je cligne des yeux et commence à courir vers lui.

Mais, d'un véhicule portant le nom du groupe d'intervention contre le crime organisé, un homme sort, une arme pointée sur mon Alpha. Je le reconnais pour être celui qui s'est vanté d'avoir abattu mon grand frère, et je vois dans ses yeux qu'il ne laissera pas à Loan ne serait-ce que le temps de se retourner.

Je ne réfléchis pas. De mon dos, je sors mon arme et la lève.

Un coup retentit. Puis un second. Il s'est figé, son regard dans le mien après le premier coup, alors que ceux-ci se succèdent. Mon chargeur est vide, mais je continue d'appuyer sur la gâchette, mon bras levé, mes yeux rivés sur ma cible qui s'est écroulée sur le toit de sa voiture.

Tous les regards sont sur moi, je le sens, mais je n'arrive pas à détacher le mien de ce corps mort de mon fait...

Une grande main se pose sur mon arme, m'incitant à la baisser tout en me la prenant, et mes yeux remontent le long du bras jusqu'à tomber sur le visage de mon Alpha.

_ Ça va aller, bébé. C'est fini cette fois. » me prend-il contre lui, alors que j'ai l'impression d'être dans une bulle loin de la réalité.

L'amant du Parrain - Tome 2 [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant