Chapitre 4

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Sept ans s'étaient écoulés. Nuri était désormais Andésine à son tour. Axar avait refusé d'entrer chez les Tourmalines, préférant rester combattre au côté des soldats. Car oui, la guerre avait fini par éclater il y a de cela un an. Après plus de dix ans à bouillir sous terre. Les armées du royaume voisin, le Royaume de la Grande Lune, avaient envahi les villes à la lisière du territoire, et, comme les dirigeants l'avaient craint, les Onyx avaient rejoint l'ennemi. Les Onyx étaient des combattants qui avaient vu leur pierre Diament se ternir jusqu'à devenir ébène, car leur coeur recelait trop de ténèbres. Ils avaient tourné le dos au royaume, et c'étaient engagé comme mercenaires ou chasseur de primes, pour qui y mettait le prix.


Voici donc six mois que Nuri combattait sur le front, sous les ordres d'Axar et d'autres Diamants. Le jeune homme était de ceux qui s'étaient le mieux adapté à la vie du campement ; les nuits raccourcies par les attaques ennemies, l'odeur de la mort qui planait au-dessus des tentes et bien sûr, l'attente. L'attente insupportable des combats, celle qui vous crispe le corps, mais amplifie vos sens.

Nuri ressentait ce feu qui consumait beaucoup de combattants, mais lui était comme enivré. Il s'était fait son expérience au péril de sa vie, récoltant coups et blessures. Mais il se relevait toujours. Il fendait les troupes ennemies comme un rocher fend le courant. Ses attaques magiques étaient aussi grandioses que fracassantes. Il pouvait créer des éclairs qui illuminaient et retentissaient à travers tout le champ de bataille. Ses supérieurs lui avaient donné la responsabilité d'un corps de cinquante combattants, réunis sous la bannière jaune de leur capitaine. Il faisait à présent partie de l'élite de l'armée, il lui arrivait même de merner l'assault avec son frère.

Ce dernier venait souvent le soir, après les combats, afin de parler. Il essayait de faire croire à Nuri qu'il devait d'abord trouver pourquoi se battre, au lieu de suivre aveuglément les ordres. Mais Nuri rejetait systématiquement cette idée. Pourquoi chercher une raison, alors que son Roi leur demandait de l'aide ? Lorsqu'il lui répondait cela, il voyait bien que son frère voulait rajouter quelque chose, mais il semblait se retenir. Nuri croyait même voir de la tristesse dans son regard. Dans ces moments-là, il n'avait qu'une envie, retourner se jeter dans la fièvre des combats et ne plus penser à rien.



Ce fut plus tard, lors de la bataille de Gröen qu'il prit pleinement conscience de son potentiel. C'était un bastion frontalier situé sur un tertre, une position stratégique qu'il fallait récupérer coûte que coûte. Il était placé en deuxième ligne, mais des batailles s'étaient déjà passées, il savait donc à quoi s'attendre. Ils avaient vu partir la première ligne, et enfin, le cor de soutien avait retenti. Il s'était engagé à l'assaut de la colline avec les autres combattants, essayant de capter au maximum l'énergie magique de la nature et sa bataille était lancée, le cœur battant et toute logique disparut. Il suivait simplement les ordres.

Du campement, on pouvait encore croire à la sérénité, mais ici, sur le plateau en guerre, c'était le pandémonium. L'armée ennemie se déversait par vagues discontinues et ses compagnons se battaient à un contre trois et tombaient sous les coups incessants. Lorsqu'il entra dans la mêlée, un groupe d'ennemis se jeta sur lui. Il s'en débarrassa en quelques minutes et continua son chemin sanglant. Tout ici le grisait : le bruit des épées s'entrechoquant, les cris des blessés, la sensation de liberté ressentie lorsqu'il se déplaçait dans la marée humaine et de puissance quand il sentait qu'il détenait la vie d'un ennemi entre ses mains. Il savait bien que son attitude sanguinaire était la même que ses ennemis, mais il n'y pouvait rien. La fièvre du combat l'envahissait. Il n'avait plus besoin de réfléchir.

Les combattants de pierresWhere stories live. Discover now