Loyer à payer - Jerry

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Eh merde! Où est-ce que je suis?

Est-ce que c'est ma chambre au moins?

Ca ressemble à mes draps.

J'ai un de ces mal de crâne.

Où est mon téléphone? Où sont mes jambes?

J'ai l'impression qu'il fait jour. A tous les coups, je suis en retard.

Où est ce maudit téléphone?

Au moins je connais tous les meubles de la pièce, ce qui veut dire que c'est ma chambre.

Mon téléphone indique 7h50.


Eh merde!

***

Je crois qu'aujourd'hui, ces chaussures-là, ce n'était pas une bonne idée. Le bus était bondé, pas moyen de rester stable. Je suis enfin dans l'ascenseur au travail, direction le 9ème étage.

J'espère seulement que je ne vais pas tomber sur ma patronne. Elle va encore me sermonner.

J'ai à peine regardé la tête que j'avais avant de partir, je sens que ce n'est pas génial. Si j'arrive à mon bureau sans que personne ne me voit, je vais pouvoir m'arranger un peu avant de tomber sur Marco. Je sors de l'ascenseur en essayant de raser les murs, mais je sens que je n'ai pas l'air discrète du tout.

- "Bonjour Jerry, comment allez-vous?"

Eh merde! Je me retourne et je vois que c'est ma patronne alias La Furie.

- "Cathy, vous allez bien?"

- "Pas aussi bien que vous, ma chère" me dit-elle en me scannant de la tête au pied. Je parie qu'elle ne me dira rien sur mon retard et fera comme si de rien n'était. "Pourriez-vous traiter en priorité les dossiers Incidents aujourd'hui, j'ai mis Toni dessus aussi, il faut qu'on avance sur ceux-la parce qu'on commence à prendre du retard".

- "Pas de souci, je fonce de suite". Je lui fais mon plus grand sourire et m'apprête à m'en aller.

- "Pensez à prendre un petit café, je vous sens encore à plat. Vous n'avez peut-être pas eu le temps d'en prendre un ce matin", me dit-elle un sourire sarcastique sur les lèvres.

- "Oui, je crois que j'en ai besoin, merci". Elle repart en direction de son bureau sentant qu'elle a accompli une mission ô combien essentielle. Garce!

Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi passif-agressif. Cathy répond à tous les critères de la trentenaire névrosée. J'ignore tout de sa vie en dehors du bureau - elle ne m'intéresse pas d'ailleurs - , mais je suis sûre qu'elle ne s'amuse pas tous les jours.

Toni est déjà assise devant son bureau et travaille. Elle aussi est assistante, mais depuis plus longtemps que moi. J'aimerais être aussi assidue qu'elle au travail. En revanche, elle devrait être moins assidue à appliquer des tonnes de fond de teint sur son visage. Ca lui donne un air cadavérique. Pourtant, elle est très jolie.

- "Salut Toni", lui dis-je en m'affalant dans mon siège. Elle est assise en face de moi, à essayer de lire un de ces nombreux tableaux qui s'entassent sur nos deux bureaux.

- "Bonjour Jerry. Alors, petite panne d'oreiller. On me laisse seule entre les mains de La Furie?" me me lance-t-elle, le regard réprobateur.

- "Désolé, je me souviens vaguement de ce que j'ai fait hier. Je suis dans le cirage"

- "Pourquoi tu ne me dis jamais quand tu es dans une super soirée? Tu sais très bien que j'ai besoin de sortir un peu"

- "C'était un truc de dernière minute. En vérité, ce n'était même pas censé être une fête. Enfin bref, désolé".

- "Mouai... Ok, lâcheuse. Au fait, tu devrais te refaire une beauté, t'as du mascara où je ne sais quoi qui fout le camp". Elle m'observe l'air de penser qu'elle aurait aimé être à ma place. Je devrais l'inviter plus souvent à sortir avec moi. Elle me semble un peu seule ou sans vie sociale. Son gros avantage, c'est qu'elle au moins, aime son travail.

- "Je te laisse un petit moment, je vais essayer d'avoir l'air moins de travers", lui dis-je pendant que je me lève péniblement et me dirige vers la sortie.

"Ok lâcheuse".


Pourquoi les gens de cette boîte ont toujours l'air si heureux? On ne fait que vendre des abonnements mobiles après tout. On ne révolutionne rien. D'ailleurs, je sais qu'on ne fait pas autant de marges que les grands patrons le voudraient. C'est sûrement pour ça qu'ils ont engagé Marco.

J'aime beaucoup Marco. Il est plutôt grand et franchement sexy. Il a souvent tendance à mordiller sa lèvre inférieure et à se frotter les mains. Depuis qu'il est arrivé dans la boîte, je suis dans la lune. Quoique je l'étais déjà avant.

Alors que je marche en direction des toilettes, je crois l'apercevoir à l'autre bout du couloir accompagné de Jeffrey le Lèche-Bottes du pôle marketing. A côté de lui, Marco ressemble à un mannequin du magazine GQ. Jeffrey est si chétif.

Il faut à tout prix que j'arrive aux toilettes avant qu'ils ne me voient. Hors de question que Marco me voit comme ça.

Je me rapproche à pas pressés de la porte des toilettes qui n'est pas loin et me faufile rapidement.

Les toilettes semblent désertes. J'aurais tout le temps de me refaire une beauté sans que personne ne m'embête.

Alors que je passe de l'eau sur mon visage histoire de me réveiller un peu, j'entends qu'on ouvre la porte. Faites que ça ne soit pas cette pétasse de Cathy.

- "Pas très discrète comme disparition!"

Je me retourne avec sursaut en entendant cette voix d'homme et voit que c'est Marco. Bon, pour me voir sexy, faudra repasser. Lui en revanche se défend très bien. Pourtant, il n'est que 9 heures du matin. C'est injuste, comment puis-je travailler dans ces conditions?

- "Plus discrète que toi qui rentre dans les toilettes des dames. T'étais pas en train de marcher avec Jeffrey?

- "Je me suis débarrassé de lui un peu avant d'arriver devant la porte", me répond-il en vérifiant que toutes les cabines soient vides. Je le sens déjà venir. La dernière fois qu'on s'est retrouvé dans la même pièce, c'était assez chaud. Il se rapproche enfin de moi, les mains dans les poches et un demi-sourire sur le visage. "Bonjour Jerry", dit-il d'un ton très professionnel, "Je ne pensais pas vous croiser ici, dans cette pièce. Le monde est petit".

- "En effet, trop petit d'ailleurs, et trop professionnel. Tu devrais sortir de là avant que les gens ne se posent des questions.

- "Quelles questions?", dit-il en se rapprochant de plus en plus. Là c'est sûr, il va remarquer que je ne me suis pas démaquillée.

- "Marco, tu crois vraiment que c'est le bon endroit pour faire ça?"

- "Faire quoi Jerry? Je vous ai juste rencontré par hasard dans une pièce au travail et je vous dis bonjour". Il est presque collé à moi. Je sens qu'il pose ses mains sur mes hanches.

- "Eh bien, Bonjour Marco! Maintenant, laisse-moi me maquiller pour que je puisse retourner travailler"

- "Vous avez l'air bien fatiguée Jerry, qu'est-ce que vous avez fait ce week-end?". Il se colle contre moi et maintenant je suis bloquée entre un Marco bien réveillé et le lavabo.

- "Je suis allée boire un verre chez un ami et on a fini par rester discuter et faire la fête jusqu'à pas d'heure". Je le regarde droit dans les yeux, l'air innocente.

- "Un ami? Tiens! Je vois qu'on ne s'est pas ennuyé"

- "Pas du tout, une soirée inoubliable", lancé-je cette fois sur le ton du défi.

Il semble furieux et excité, son visage est proche du mien. J'ai très envie de lui déchirer ses vêtements histoire qu'on ait matière à s'amuser mais je pense au fait que j'ai un loyer à payer et que si jamais on nous surprend à poil ici, Cathy se fera un plaisir de me montrer la sortie.

- "Hmm, je vois" murmure-t-il, ses lèvres au bord des miennes. "Et si je te faisais oublier la nuit dernière?"

Eh merde!


Dans la tête des fillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant