Liens familiaux - IV

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Albus ne se reconnaissait plus, jamais de sa vie il n'avait ressenti telle adrénaline couler dans ses veines. Jamais de sa vie il n'avait eu aussi hâte de retrouver quelqu'un. Abelforth et Ariana, tous deux assis sur le canapé, regardaient leur frère aîné nettoyer maladroitement le salon de la maison familiale. Mais il y avait tellement de vieux livres, de feuilles volantes et d'habits qui trainaient partout que c'était impossible d'y voir clair.

-Non mais sérieusement, grommela-t-il. Vous ne pouvez pas au moins ranger vos affaires quand vous les utilisez ?

-Regarde notre frère, Ari. Je crois qu'il a été victime d'un sort d'embrouillement. Il nous voit de nouveau à nos âges de bambin. 

Ariana se mit à rire timidement, toujours partante pour embêter Albus.

-Je vous demande simplement de ranger vos affaires, marmonna-t-il. Ce n'est quand même pas compliqué.

-Pourquoi est-ce qu'on ferait ça ? Répondit Abelforth, d'humeur provocante. Tu le fais très bien à notre place. Et puis de toute façon, l'entretient de la maison n'a jamais été l'une de tes priorités, et ça même quand nos parents étaient encore là. Alors pourquoi est-ce que tu nous casses les pieds aujourd'hui ? On reçoit ton ami le Ministre de la Magie ?

Albus commençait à paniquer. Grindelwald allait forcément devoir faire la connaissance de sa sœur et de son frère. Qu'allait-il penser ? Probablement qu'il n'était pas digne de son intérêt. Il allait sûrement continuer sa quête des Reliques de la Mort sans lui, et jamais il ne fera de ce monde un monde meilleur. Maintenant hors de lui, il jeta au sol deux vieux manteaux à moitié miteux. Il en avait assez.

-Parfois je me demande vraiment pourquoi j'ai accepté de m'occuper de vous lorsque mère est morte.

Il sortit en trombe de la maison, laissant Ariana blanche comme un linge et Abelforth trop surpris pour répliquer.

Il faisait une chaleur écrasante à Godric's Hollow. Le jardin de la maison des Dumbledore était cependant épargné du soleil étouffant, alors le jeune Albus se laissa tomber dans l'herbe fraiche, à l'ombre de leur immense cerisier. Il ferma les yeux quelques secondes, essayant de reprendre son calme, mais la porte arrière de la maison claqua, et des pas s'avançant vers lui se furent entendre. Abelforth s'assit à ses côtés, sans un mot.

-C'est bon, tu t'es calmé ? Lui demanda-t-il, non sans une certaine gentillesse. Si ça peut t'éviter de te torturer l'esprit, Ari et moi allons ranger la maison avant que ton petit copain n'arrive.

Le cœur d'Albus loupa un battement. Comment ça, son petit copain ?

Alberfoth se mit à rire, apparemment très amusé.

-Albus, tu oublies parfois que ce n'est pas parce que tu ne t'intéresse pas à tes semblables qu'eux ne t'observent pas. Tu es mon frère, tu crois vraiment que je n'allais pas voir ce changement soudain d'attitude ? C'est évident que notre voisin te plaît.

Il en oublia presque de respirer.

-Comment es-tu...

-Pitié Albus, le coupa-t-il, un sourire sans joie aux lèvres. Ne me demande pas comment je suis au courant. Tu ne te rappel donc vraiment pas de nos jeunes âges ? Dois-je te rappeler que c'est moi qui t'aidais à faire le mur quand tu avais dix ans pour aller retrouver ton petit copain qui habitait à deux maisons d'ici ? Et tu ne te souviens pas non plus de ce Logan Smith, un Serpentard de deuxième année avec qui tu passais tout ton temps quand tu avais treize ans ? J'ai dû faire exploser une des tables de la Grande Salle une nuit parce que tu étais à deux doigts de te faire prendre.

-Attends, l'explosion dans la Grande Salle c'était toi ? S'exclama-t-il, abasourdi. Mais... Logan était persuadé que c'était un garçon de sa classe qui avait fait ça. J'ai même fini par le croire !

-Tu sais mon frère, si tu faisais un peu plus attention aux gens autour de toi, tu verrais que beaucoup seraient prêts à sacrifier énormément de choses pour toi. Mais la question, c'est est-ce que tu en ferais de même ?

Et sur ces mots étrangement sages da la part de son jeune frère, il l'observa reprendre le chemin de leur maison. Maintenant qu'il repensait à leur enfance, il se souvenait bien de ces après-midis d'été. Il faisait toujours un soleil de plomb et il passait ses journées à jouer avec un blondinet de son âge. Mais Logan Smith, son ami Serpentard, avait été son premier baiser. Il se souvenait parfaitement de grand rouquin. Il se demandait ce qu'il était devenu, lui qui était presque aussi ambitieux que lui. Son cœur se serra une fraction de seconde. Qu'allait-il advenir de ses projets à lui ?

Le moral comme des montagnes russes, Albus décida de rentrer retrouver sa sœur et son frère. Gellert n'allait plus tarder, et il voulait absolument que tout soit parfait avant son arrivée. Décidé, il retrouva Ariana, assise tranquillement dans le canapé.

Mais quelque chose n'allait pas. Son visage était pâle, et son regard était inerte, lointain.

-Ari ? Murmura-t-il, n'osant pas faire un pas de plus. Tu ne te sens pas bien ?

Aucune réponse. Il s'avança prudemment, essayant de prendre sa main, mais lorsqu'il remarqua que le bout de ses doigts étaient noirs charbon, il recula de surprise.

-Abel, bredouilla-t-il, se cognant sur le bord de la table basse. ABELFORTH ! Se mit-il à hurler.

Arrivant comme un boulet de canon dans le salon, Abelforth avait le visage grave. Un regard sur sa sœur et il comprit immédiatement.

-Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que tu lui as dit ?

-Rien ! S'exclama-t-il, paniqué. Rien du tout ! Je suis revenu du jardin et elle était dans cet état ! Qu'est-ce qu'elle a aux doigts ?

-Ça fait des mois qu'elle est dans cet état, dit-il froidement. Si tu faisais un peu plus attention à elle tu l'aurais remarqué. Aide-moi à la monter dans sa chambre.

Presque automatiquement, le regard d'Albus se tourna vers l'horloge de la pièce. Le visage d'Abelforh se vida de ses couleurs.

-Ne me dit pas que même en voyant Ariana dans cet état tu préfères penser à Gellert, Albus. Ne me dit pas ça.

Mais face à l'absence de réaction de la part de son grand frère, il emmena doucement Ariana en dehors de la pièce.

-Viens Ari, je t'emmène dans ta chambre.

Albus observa les derniers membres de sa famille quitter la pièce sans un mot. Une douleur sourde au cœur lui bloquait la respiration. La haine qu'il ressentait envers lui-même était si intense qu'il en était dégoûté. Même la douce idée de revoir Gellert dans moins d'une heure ne l'aidait pas à se sentir mieux.

Pourra-t-il un jour vivre sans cette constante sensation de lourdeur, ou sera-t-il pour toujours habiter par le regret et la culpabilité ?

The greater goodOù les histoires vivent. Découvrez maintenant