Elsa. Ava. Noah. Alix. Solène. Mathéo. Six vies qui ne font que se croiser, s'effleurer, dans les couloirs du lycée. Les sourires sont des masques, les blessures sont cachées.
Ils sont toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Les tristes couleurs de l'...
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Solène glissa son casque bleu océan sur ses oreilles et se laissa tomber dans son fauteuil. Elle aimait bien cet endroit, la rugosité du cuir vieilli, la douceur du plaid qui lui était attribué depuis des années, la chaleur du soleil qui frappait sa peau à travers la fenêtre dès qu'il pointait le bout de son nez.
Un petit coin de paradis perdu dans un océan en furie.
Elle attrapa le livre qu'elle avait laissé sur le rebord de la fenêtre et tenta de plonger dans son univers, tandis que la musique se déversait dans son casque. Mélodie au piano, douce, apaisante. Peut-être un peu forte, diraient certains. Mais Solène n'en avait que faire. Elle aimait s'isoler du monde ainsi.
Les pages défilaient doucement sous ses yeux, ses doigts effleurant le papier de temps à autre. Ça y est, elle était partie dans ses pensées. Dans ses mondes imaginaires. Elsa tentait parfois de la faire sortir de cette bulle, sans succès. Elle y retournait toujours, peu importe les événements qu'elle traversait. Les livres étaient son refuge, sa protection, son oxygène.
À travers ces personnages, elle vivait, elle ressentait, elle s'exprimait. Lorsqu'ils traversaient, parfois, les mêmes épreuves qu'elle, ils devenaient ses porte-parole, ses moyens d'extérioriser. Et Solène, qui avait pris l'habitude de tout garder pour elle, en avait plus que besoin.
Une ombre se dressa soudainement devant elle, cachant la lumière centrale de la pièce avec son corps. Elle releva la tête et se retrouva face à son père. Elle déglutit en retirant son casque.
— On mange. Ça fait deux fois que je t'appelle.
Il ressortit de la pièce sans attendre de réponse, et Solène posa son livre en vitesse, après avoir glissé un ticket de caisse entre deux pages. Elle avait bien des marque-pages, mais elle avait tendance à utiliser tout ce qui lui tombait sous la main à la place. Pour rire, à son dernier anniversaire, Elsa lui avait offert une boite entière de bouts de papier, provenant d'anciennes lettres, de cartes postales, et même de cartons de pizza.
Solène fila dans les escaliers et entra dans la salle à manger en quelques secondes. Son père était déjà assis à sa place, au bout de la table, face à la télévision. Les bras croisés, il paraissait perdu dans le reportage qui y était diffusé.
Sa mère entra à son tour dans la pièce, alors que Solène s'asseyait. Vêtue d'un de ses éternels pulls à manches longues, qu'elle ne quittait même pas en été, elle déposa le dîner au centre, avant de commencer à servir. Blanquette de veau, ce soir.
Ils mangèrent en silence, comme à leur habitude. Les fourchettes raclaient les assiettes, la télévision meublait le vide. Solène ne se souvenait pas qu'un jour, un repas chez elle avait été associé au bruit, à la joie, à la vie. Tout était morne, et depuis longtemps. Comme éteint.
Lorsqu'elle eut fini son assiette, elle ne se leva pas. Comme à chaque repas, elle attendit que son père ait terminé à son tour. Tout comme sa mère : toutes deux avaient tendance à manger rapidement, au contraire du patriarche qui prenait son temps.
La table fut finalement débarrassée, et Solène fila dans son coin de paradis, accompagnée d'un soupir de son père. Il lui reprochait souvent de fuir ainsi, de ne pas rester avec eux. Mais elle n'avait pas envie de jouer à la vie de famille. Surtout avec lui.
Une fois installée dans son fauteuil, elle fut captivée par un couple qui marchait, main dans la main, en bas de chez elle. Les lampadaires de la rue, allumés depuis que la pénombre commençait à tomber, les éclairaient par intermittence. De son perchoir, elle ne pouvait deviner leur âge, mais étonnement, elle voyait nettement l'amour qu'il partageait. Elle les enviait un peu.
Absorbée, elle laissa un sourire se former sur ses lèvres, tout en suivant leur démarche. Sa contemplation fut brisée par un bruit sourd, provenant du rez-de-chaussée. Ce bruit sourd, qu'elle avait appris à fuir. Des années plus tôt, il était suivi de cris, de protestations, ou de paroles apaisantes. Mais aujourd'hui, ils n'existaient plus. Ils avaient prouvé leur inutilité. Alors à quoi bon les utiliser.
Solène enfila son casque pour se couper du monde, et attrapa son roman avant que ses pensées ne se mettent à vagabonder. Une dernière image parvint à s'imposer dans son esprit avant qu'elle ne puisse plonger dans sa lecture. Plus petite, elle avait surpris sa mère devant le miroir, avant qu'elle n'enfile un de ses fameux pulls à manches longues. Ses bras aussi bleus que l'océan étaient restés gravés dans sa mémoire.
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.