Persée, après s'être changé suite à son affrontement, retourna en cuisine, tenir compagnie à Einath, avant qu'elle ne doive servir le repas du midi. La tension survenait toujours et elle se doutait qu'un rapport se faisait avec la réunion matinale du roi, de ses conseillers et quelques membres de son armé. Elle n'avait pas oser interroger le soldat, elle ne connaissait même pas son nom et n'avait pas fait attention à son apparence pour le remercier encore une fois de ne rien dire à ses supérieurs, voire au Roi en personne. L'orage continuait de gronder, empêchant quiconque souhaitait partir en mer ou bien rejoindre les côtes. Paradoxalement, alors que la majorité des habitants fuyaient dès lors que le tonnerre résonnait, la châtain appréciait ses moments, particulièrement lorsque les éclairs zébraient le ciel, l'illuminant alors qu'il était si sombre.
— Alors cette matinée ? s'intéressa la cuisinière tout en continuant son plat.
— J'ai continué à entraîner Andromède et j'ai fait un combat contre un soldat, raconta la plus jeune.
— Tu sais que tu ne devrais pas faire ça Persée, tu risques beaucoup si quelqu'un apprend que la princesse apprend à se battre, ce n'est pas dans ses devoirs. Et puis, qui te dit que ce soldat n'ira pas tout raconté au Roi ! la réprimanda-t-elle.
— Déjà, il ne sait pas qu'Andromède était avec moi. Il pense que je suis seule et il a promis qu'il ne révèlerait rien et je suis persuadée qu'il tiendra promesse.
— Si tu le dis, souffla Einath qui souhaiterait au fond d'elle que la châtain évite de se créer des ennuis.Persée aida les cuisiniers tout en évitant de discuter plus en détail de ses activités clandestines avec Einath qui ne les acceptait guère. Selon elle, les femmes n'avaient pas leur place dans les batailles si ce n'est pour soigner ou nourrir les soldats.
Accompagnée d'autres servantes, Persée portait un des nombreux plateaux destinés aux nobles. Elle ne comprenait pas pourquoi ils demandaient à préparer autant de plat pour ne même pas en terminer la moitié tandis que des personnes en dehors de ces murs se tueraient pour n'avoir ne serait-ce qu'un dixième de la nourriture. Sur le trajet, elle espérait, au fond d'elle, que la réunion s'était terminée. Elle ne souhaitait pas passer une seconde fois devant toutes ses personnes qui la dévisageaient, l'imaginant elle ou d'autres servantes, sans leur vêtement et à tout ce qu'ils pourraient faire avec sans qu'elles ne puissent leur refuser quoique ce soit au risque d'être bannies du palais. Cette évocation suffit pour faire grimacer Persée qui chassa instantanément les images de sa tête.
Malheureusement, son vœux ne s'exauça pas. Ils étaient tous réunis une nouvelle fois de plus, débattant sur les choix stratégiques à adopter. De nombreux parchemins se trouvaient éparpillés sur la grande table tandis que les voix se haussaient. Personne ne semblait être d'accord, chacun proposant sa propre idée.
— Le mieux, messire, est de sacrifier Andromède. Si votre femme n'avait pas offensées les nymphes de Poséidon, rien n'arriverait et elles ne réclament qu'une chose : votre fille.
Un des conseillers avait oser prendre la parole, d'une voix tremblante et dire ces quelques mots qui jetèrent un blanc dans l'assemblé. Personne n'osa réagir. Le roi, Cèpheus, l'aurait tué d'un simple regard s'il en avait eu l'occasion. Comment quelqu'un osait-il parler ainsi de son héritière ?
— Comment souhaitez-vous vous interposer face à la puissance divine ? Trop longtemps nous les avons défiés, aujourd'hui, ils nous redent la pareil. Qui peut rivaliser contre les monstres marins que préparent Poséidon ? aucune réponse ne se fit entendre dans l'assemblée. Vous voyez, personne. Le sacrifice d'une population pour une personne qui ne survivrait pas quand même ou bien le sacrifie d'une personne pour le bien de toute une population ? enchaîna-t-il avec un peu plus d'assurance qu'avant.
— Méduse peut les vaincre.Persée venait de parler à voix haute, sans le vouloir. Tous les regards étaient désormais tournés vers elle, tandis qu'elle détourna ses yeux, gênée par toute l'attention qu'elle venait de recevoir d'un coup. Elle se hâta de poser le plateau qu'elle portait pour quitter au plus vite cette pièce.
— Reste où tu es, ordonna le roi.
La demoiselle ne put que se figer, se pliant aux désirs de son souverain. Elle ne savait pas encore ce qui l'attendait. Mais elle se tenait prête quoiqu'il arriverait. Elle n'était pas connue pour se laisser faire, même face à Cèpheus.
— Méduse, tu disais ? elle acquiesça, permettant ainsi au roi de continuer. Et que sais-tu des gorgones ?
— Mon roi, sans vous offenser, ce n'est qu'une gamine, vous ne pouvez tout de même pas l'écouter ! s'offusqua le chef de l'armée.
— Certes, mais, elle est actuellement la seule à m'avoir donné une solution alors que nous sommes sur ce sujet depuis près de trois heures, clama le noble tandis que le soldat ne reprit pas la parole. Alors, rajouta-t-il en reprenant son attention sur la plus jeune.
— Eh bien, de ce que je sais, elles sont trois, mais Méduse est la seule à ne pas être immortelle. Elle aurait été maudite par Athéna en personne pour s'être retrouvée dans son temple au côté de Poséidon et ça n'aurait pas plus à la déesse, expliqua la demoiselle en bégayant légèrement.
— Et comment peut-elle nous être utile ? Et qui dit qu'elle acceptera de nous venir en aide qui plus est qu'on a provoqué la colère de Poséidon ! s'agaça le chef, toujours pas convaincu par ses dires.
— Elle ne nous aidera pas, affirma-t-elle. Cependant, contrairement à ses sœurs, elle n'est pas immortelle, ce qui veut dire qu'elle peut mourir. Et même morte, elle continuera de pétrifier quiconque croisera son regard, monstres ou humains, personne ne peut y échapper, poursuivit-elle.Cèpheus resta silencieux, réfléchissant et prenant note de ces nouvelles informations qui pourraient sauver sa fille ainsi que son peuple. Personne n'osa prendre de nouveau la parole, attendant juste le jugement final du roi. Persée ne cessait de bouger, mal à l'aise de se retrouver au cœur de la réunion, surtout face aux regards noirs que certaines personnes lui lançaient. Ils n'avaient pas l'air d'accepter la présence de la jeune fille. En son for intérieur, elle souriait. Elle avait pu prendre la parole et expliquer ce qu'elle pensait sans que le roi ne remette en cause son statut de domestique ou de femme en cause. Et cela était une grande victoire pour elle. D'autant plus si Andromède pouvait être épargnée.
— Le plan Méduse est une bonne idée, reconnu le souverain. Vous partirez dès ce soir trouver le repère des Gorgones.
Dans l'assemblée, personne ne sembla se réjouir. Trouver Méduse signifiait leur fin, sauf miracle. Plus hésitant que jamais, aucun n'osa réagir, craignant autant la Gorgone que le courroux de Cèpheus. Persée n'en revenait pas. Elle qui pensait que les soldats étaient prêts à donner leur vie pour sauver leur peuple et leur héritière, elle s'est bien trompée.
— J'irai, décida la seule fille d'une voix claire et résolue.
Persée savait qu'elle faisait une bêtise en l'annonçant, que très certainement, elle le regretterai. Pourtant, elle était prête à venir en aide à Andromède quitte à y laisser sa vie afin d'éviter une catastrophe aux habitants et à la princesse.
— Tu n'es qu'une gamine, qu'est-ce-que tu pourras faire face à Méduse ? Tu ne sais même pas te battre ! vociféra une nouvelle fois le chef.
— Au moins j'aurai le courage de me présenter face à elle, contrairement à vos soldats.Persée riposta au moment où le tonnerre gronda plus fort. Un éclair illumina le ciel, faisant ressortir la couleur des yeux bleu électrique de la demoiselle. Dans son regard, on pouvait y entrevoir toute sa détermination, chose qui manquait actuellement aux hommes du Roi.
— Tu penses vraiment pouvoir y arriver seule ? s'agaça le chef. Mes hommes seront plus en mesure de rapporter Méduse que toi qui sait à peine te servir d'une épée.
— M'avez-vous déjà vu une épée à la main ? Non. Donc je ne pense pas que vous soyez en mesure de juger mes compétences, répliqua sèchement Persée.Elle ne quitta jamais l'homme des yeux, comme pour lui montrer qu'il ne lui faisait pas peur. Lui, au contraire, ne semblait pas du même avis. Continuant d'être certain qu'elle serait incapable de remplir la mission, il voulait la faire flancher, prouvant ainsi qu'une femme ne pouvait partir à l'aventure seule.
— Jeune fille, te sens-tu capable de réaliser cette quête ? questionna Cèpheus sans prendre en compte les remarques cinglantes de son chef d'armée.
— Oui ! affirma-t-elle sûr d'elle tandis qu'un rayon de soleil traversa le ciel si sombre jusqu'à présent.
— Mais, sire, vous ne pouvez la laissez y aller seule ! s'offusqua le chef.
— Dans ce cas, qu'un de vos soldats se porte volontaire pour partir à la recherche de Méduse, recommanda le souverain.