Chapitre 2 : Voyage en psychiatrie

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Tout nouvellement diplômé Théo s'était installé à l'hôpital Saint Vincent pour commencer à exercer. Il avait reçu vingt-cinq mille euros dès son arrivé. En ce moment, l'état offrait une prime pour inciter les jeunes médecins à s'installer dans les déserts médicaux. Il avait été accueilli comme un roi mais son début de carrière était particulièrement épuisant. A 25ans, il se chargeait de la moitié du département et travaillait encore au bureau à 20h. Après son dernier rendez-vous à 19h, il organisait ses dossiers. Son planning était millimétré et calculé pour avoir le plus de temps possible.

Un soir, alors qu'il s'apparaitrait à quitter son bureau, Emmanuel Richard fit irruption devant son bureau. Théo n'aimait pas beaucoup Emmanuel, il a toujours été particulièrement moqueur. Au lycée, il était le premier à rigoler de ses tendances paranoïaques. Il avait développé à l'âge 17ans des signes de schizophrénie, heureusement, il avait été pris en charge rapidement par le psychiatre Flobertier. Ce praticien plutôt réputé lui avait permis de ne garder aucune séquelle de cette période. Après seulement quelque séance, il avait réussit à le sortir de son état d'anxiété générale par rapport au monde.  Il ne restait de ce passage qu'une passion pour la psychologie humaine qui l'avait petit à petit mené à des études pour devenir psychiatre à son tour. 

 Emmanuel quant à lui était surement devenu gendarme pensant qu'il pourrait se moquer impunément des autres, dans une position qu'il estimait comme socialement supérieur. Après avoir sous-entendu que Théo manquait de travail, il fit entrer un homme d'une soixantaine d'années en robe d'hôpital. Avant de fermer la porte d'un coup sec, rendant toute tentative de refus inutile. Il était déjà plus de 20h et il avait décidé qu'il ne prenait plus personne au-delà de 19h. Pourtant Théo profondément gentil se senti obligé d'accueillir le pauvre homme.

- Asseyiez-vous dans le fauteuil et dites-moi pourquoi vous êtes ici monsieur...

Il laissa sa phrase en suspend espérant avoir plus d'information, sur le mystérieux inconnu. Il s'installa de nouveau dans son siège de bureau épuisé de sa journée de travail mais prêt à écouter le vielle homme.

- Desent... Albert Desent, lui répondit son interlocuteur sans pour autant s'assoir. J'ai besoin que l'on m'aide. Depuis la mort de mon fils, je vois des ombres qui me parlent. Et je suis sans arrêt poursuivit.

Théo se détendit comprenant qu'il était face à un simple dépressif qui avait probablement été traumatisé par la mort de son enfant. Il savait parfaitement quoi faire face à ce genre cas. Mais avant, il lui faillait en apprendre plus. 

- Que vous disent les ombres ? Vous parlent-t-elles de votre fils ? interrogea le psychiatre.

Une lueur indescriptible passa dans les yeux d'Albert, qui parut s'agacer.

- Non, elles me chuchotent des choses et elles ont tendance à tout amplifier. Elles ont pleuré avec moi quand mon fils s'est suicidé, elles ne me lâchent pas, dit-il le visage crispé devenant légèrement menaçant.

Théo changeait d'attitude, il comprenait que quelque chose n'allait pas. Il doutait désormais de son premier avis. L'homme qui se tenait devant lui commençait à lui faire peur. Bien plus que Gaelle, une patiente atteinte de démence et de psychose qui venait régulièrement à son cabinet récupérer des ordonnances de calmant. Il savait qu'à tout moment sans ses médicaments, elle pouvait agresser quelqu'un sans raison. A cause d'elle, il avait une seringue de midazolam prête à l'emploie dans  son bureau dans le compartiment de droite. Le midazolam est un anti anxiolytique puissant. Il était rassuré de savoir qu'il pouvait l'utiliser à tout moment pour la calmer en cas d'urgence. Heureusement, il n'avait jamais eu besoin de l'utiliser, pourtant cette fois, il avait un mauvais présentiment. En se redressant sur sa chaise, il glissa discrètement sa main dans le tiroir. Avant de reprendre la discussion le plus naturellement possible.

- Que vous disent les voix en ce moment ?

- Je ne dois pas les écouter n'est-ce pas ? demanda Albert regardant autour de lui comme un animal prit au piège.

L'énervement et l'impatience étaient marqué sur son visage à travers la panique profonde qu'il semblait ressentir. Toujours debout, il s'approchait peu à peu du bureau pendant qu'il parlait.

- Monsieur... vous pp...pouvez vous assoir si vous le souhaitez,  bredouilla Théo.

 La source de sa profonde inquiétude n'était qu'à quelques pas de lui et il gérait très mal la pression.

- Vous...

- Taisez-vous ! hurla Albert. Il me prend pour un fou mais je ne vais pas le tuer pour ça !

Il l'avait coupé mais le déluré ne lui parlait pas. Il conversait avec l'ombre de la lampe sur le sol comme si elle lui parlait. Théo savait qu'il était en danger et sans aucune retenue, il lança son bras, armé de la seringue, en direction du sexagénaire. Avec vivacité, le vielle homme dévia le coup et Théo se piqua lui-même dans la cuisse. Dans la précipitation, il avait poussé l'amorce et le midazolam pénétra dans son organisme. Ses muscles se détendirent immédiatement et une sensation de chaleur gagna son corps.

- Je suis désolé, murmura Albert avant de quitter le bâtiment par la fenêtre.

Ils étaient au rez-de-chaussée et Théo n'hésita pas à sauter son tour. Il n'avait aucune raison de le suivre mais le produit fortement dosé avait altéré sa perception du danger. Dans une dernière présence d'esprit, il porta sa main à la poche de son jean.  A l'intérieur, se trouvait un opinel.

Ce petit couteau lui avait été offert par son père, quelques années auparavant. Il s'en servait régulièrement pour couper toutes sortes de choses dès qu'il en avait besoin. Ce soir, il pourrait bien lui sauver la vie. Théo suivait Albert de quelques mètres en plein milieu du parking de l'hôpital. Avec son couteau fermement tenue dans la main droite, il finit par complétement perdre conscience de son environnement.

Malédiction psychologiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant