Entre 18h et 19h [Katsuki x ...]

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18h37.

Il est en retard.

La tête posée sur sa main, Katsuki fixe d'un air attentif l'aiguille des secondes. Il n'a pas grand-chose d'autres à faire de toute façon. Ses traits tirés en une grimace désabusée, il suit du regard le petit morceau de métal qui glisse sur les heures, un peu exaspéré de voir que l'horaire de leur rendez-vous journalier est déjà si avancé. De temps en temps, ses yeux dévient et fixent une fissure à moitié comblée par de la peinture avant de revenir derechef se coller la rétine sur la pendule. Cette vieille horloge ronde, qui de surcroît ressemble à tous ces vieux objets qui s'entassent chez un antiquaire, est en quelque sorte la seule preuve que le temps continue d'avancer. Même lorsqu'il ne se passe rien ici.

Il ne se passe d'ailleurs tellement rien, qu'il a beau être loin du cadran, accroché sur le mur blanc face à lui, que Katsuki pourrait presque entendre le tic régulier des aiguilles. En lâchant un profond soupir ennuyé pour tout un tas de raisons, l'employé à mi-temps se redresse vaguement pour s'étirer le dos.

Les étudiants, ravis d'avoir fini leur journée de cours, sont déjà tous passés dans son Konbini pour acheter des friandises en tout genre ; les retraités qui ont l'habitude de faire deux trois emplettes sont déjà rentrés bien au chaud chez eux. Donc, non, il n'y a rien ici qui est digne de son intérêt.

Encore moins cette fameuse paire de fesses.

Pour espérer un peu d'activité, Katsuki devra attendre au moins quarante-cinq bonnes minutes, avant de voir débouler les têtes fatiguées des employés de bureau, après une rude journée de travail.

Son petit magasin, parfaitement dénué du moindre soupçon de poussière, est silencieux. Enfin, il y a bien cette petite dame, avec son chignon trop serré, qui hésite encore sur le choix de son bentô. De temps en temps, plus par ennui que dans un réel souci de surveillance, il avise ses mouvements sur l'écran gris de sa console.

Son magasin est trop blanc et trop propre. S'il n'y avait pas ces étagères remplies de packaging aux couleurs toutes plus criardes les unes que les autres, on aurait pu se croire dans un hôpital. Du moins, c'est ce que Katsuki aime bien raconter à ses potes lorsqu'il en vient à parler de son travail.

Un mouvement attire son attention et Katsuki siffle une vague insulte en voyant faire sa seule cliente. Il n'a pas vraiment de raisons particulières pour faire preuve d'une telle animosité. Mais il s'ennuie tellement, que le simple fait de prononcer un juron paraît être une activité digne de ce nom, surtout quand la personne lui paraît autant dépourvue de bon sens.

Parce que c'est déjà la troisième fois que cette bonne-dame reprend le même article pour l'inspecter sous toutes les coutures, alors qu'il est déjà couru d'avance que c'est avec lui qu'elle repartira dans tous les cas. S'il n'était pas seul, Katsuki aurait lancé un pari sur une potentielle quatrième fois.

Ravalant un énième soupir, alors qu'il a pourtant pris son service depuis à peine une heure et trente minutes, Katsuki laisse divaguer son regard sur les étals remplis de produits salé et peu diététique. Tout est si parfaitement ordonné que le jeune homme sait déjà quel emballage coloré va lui agresser la pupille avant même qu'il ne pose le regard dessus. Toujours dans le même ordre, à la même place. Ce n'est pas particulièrement quelque chose qu'il déteste, étant parfaitement ordonné lui-même dans sa vie quotidienne, mais cette monotonie est parfois lassante.

Heureusement que tout a changé il y a deux mois.

Un léger mouvement se fait sur sa droite. Immédiatement, Katsuki redresse l'échine, les pupilles vibrantes d'un regain d'intérêt alors qu'un éclat de vie s'éparpille sur son visage. Mais tout se ternit lorsqu'il découvre qui est le nouvel arrivant. Le garçon à la chevelure en pagaille ne cache pas sa déception alors qu'il se renfonce dans son siège à roulette. Ce n'est qu'un étudiant comme un autre, un peu plus fatigué que certains, mieux coiffé que d'autres. Mais ce n'est clairement pas celui qu'il attendait.

Recueil de courte histoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant