Chapitre 7

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     D'un coup de pied léger, Coralie degargea un caillou de son chemin, et fit quelques pas en avant, loin de la voiture. Dos au large trou fait dans la clôture, qui semblait être un entré dans le village, Coralie avait le regard rivé sur la ligne de dune qui s'élevait en hauteur devant elle.

- Reconnaissez-vous ces lieux ? Entendue dire Coralie dans son dos.

C'était le cheikh qui avait fini de garer le véhicule.

- Ces dunes formant une longue rangée, commença Coralie en pointant du doigt l'objet de sa curiosité. Ces dunes là..

Le doigt toujours dirigé vers les dunes, Coralie fit un quart de tour sur elle-même pour faire face au cheikh. Ce dernier abaissa aussitôt son regard sur la jeune femme, et il attendu en silence qu'elle aille au bout de ses idées. Quant à Coralie, le front plissé, et l'esprit à vif, elle détourna son regard du cheikh sans se laisser distraire par sa sévérité, et le reporta sur les traces de fumée noir qui jonchaient les deux portions de mur qui composait la grande clôture d'autres fois.

- Mais ce n'est pas possible, bafouilla Coralie en ramenant une main tremblante sur son visage. Ces dunes là, je reconnais ces dunes là. 

- En effet, vous les reconnaissez bien, dit Djamel en faisant quelques pas en avant vers Coralie. Ce sont les dunes qui cachent le village de Kérath, dont là, nous avons la clôture.

Ces derniers mots du cheikh firent trembler d'avantage Coralie qui, se rappela du motif de leur venu ici dans ce village. Le cheikh l'avait amené ici pour lui faire contempler les oeuvres grandioses d'Ahmed. Oh! Non, se murmurait elle intérieurement, tout en se mordant les lèvres pour être sûr de ne pas rêver. Son regard quitta un instant le cheikh, alla sur la clôture à présent détruite, sur les deux portions qu'il en restèrent, puis revint à nouveau sur le cheikh. Ce fut un regard attristé et honteux, qui d'une raison qu'elle ignorait, ne pu soutenir cette fois-ci, le regard inexpressif du cheikh, trop longtemps. Coralie détourna les yeux droit devant elle, et dans un dernier espoir, croisa ses bras devant elle pour arrêter leurs tremblement.

Djamel attendait en silence la fin de la crise nerveuse auquel était en proie la jeune femme, ne désirant pas augmenter son malaise. Plus d'une fois, il avait songé renoncer à ce voyage en chemin, mais il s'y refusa. Debout, main dans la poche, Djamel se contenta de l'observer tourner les yeux dans tout les sens, comme ci elle désirait imprimer la réalité dans sa belle tête.

- Je m'excuse énormément pour les atrocités qu'Ahmed a occasionné ici dans ce village votre Altesse, murmura Coralie d'une voix douce et gênée.

- Allez dire ça aux victimes mort dans l'incendie qu'à volontairement lancer les hommes de votre petit frère, mademoiselle Rayahd. Peut-être qu'ils auraient aimé entendre ça sur leur lit de mort, et ils se seraient en aller en paix sachant que ses imbéciles pourraient revenir n'importe quand pour faire pareil à leurs enfants qu'ils ont laissé.

Les mots durs du cheikh furent pour Coralie, des coups de poignard qu'il lui enfonçait directement dans le cœur. Une larme aiguisée qui transperçait sa chair et la saignait à blanc.

- Je suis désolée... Vous devriez me croire, je suis....

- Vous aviez participé à la construction du centre de santé de ce village il y a maintenant sept ans, s'emporta Djamel d'une voix vibrante de rage. Vous aviez tissé des liens ici et aviez rendu des coeurs heureux. Est-ce juste tout ce que vous inspire leur sort aujourd'hui ? N'êtes-vous donc que désolée ?

Les yeux écarquillés, Coralie observait le cheikh tandis que dans son esprit, ses paroles se rejouèrent sans arrêt. Des gens étaient mort dans cet incident. Des innocents, qui avaient des familles, des proches qui probablement comptaient sur eux. Alors, brusquement surprise par ces révélations, Coralie fit quelques par en arrière, avant de  se mettre à tourner en rond.

- Qu'aurais-je puis faire moi ? Balbutia Coralie, les yeux grandement ouvert et dirigé vers le sol. Je vous rappelle que je n'étais même pas là. Ahmed m'avait pendu à un sycomore à quelques mètres de ce village et m'y avait laissé pour mort. J'ai été sauvé de justesse et j'ai dû fuir précipitamment.

Ahmed était un monstre, songea-t-elle en se passant une main dans le visage. Son regard s'arrêta à nouveau sur la clôture qui était à présent détruite et une grande tristesse s'empara à nouveau d'elle.

- Mais aujourd'hui vous êtes de retour, déclara Djamel en faisant un pas en avant. Vous, vous aviez eu la chance d'avoir été sauvé, ça n'a pas été le cas de ces cinq villageois brûlés vifs dont deux femmes obligées de porter les traces de ces brûlures dans leur chaires tout au long de leur vie. Ni de Gabrielle, qui a fini dans le coma.

Coralie voulu exprimer, par des mots, tout le dégoût et le mépris qu'elle sentait à l'égard de son frère, de même que l'étendue des sentiments qui l'animait actuellement face aux habitants de ce village, mais hélas, lorsqu'elle releva les yeux et croisa le visage du cheikh, allaidi par la colère, ses veines gonflées et qui palpitèrent sur ses tempes, ses mots moururent sur ses lèvres. Et les larmes qui l'étouffaient depuis si longtemps, ruisselèrent.

- Peut-être devriez-vous jettez un coup d'oeil à l'état de ce centre de santé aujourd'hui, poursuit le cheikh en replongeant les mains dans les poches.

Coralie fit quelques pas en avant et tourna totalement le dos au cheikh. Son regard se perdit sur les dunes de couleur ocre au loin, bien que ses paupières, gorgées de larmes l'obscurciçèrent la vue. Un silence pesant s'installa entre eux deux. Un silence au cours duquel, chacun d'eux se livrèrent à leur pensée.

- Finalement, pourquoi m'aviez vous amener dans ce village, questionna Coralie se passant une main sur la tête.

Sur le regard attentif de Djamel, la petite portion de mousseline de soie dorée qui servait de voile pour le caftan glissa, laissant apparaître la longue et épaisse chevelure rousse de la jeune femme, tombant en cascade au creux de ses reins. Les boucles qui longeaient les pointes de certaines mèches, réussissent à l'amuser le temps qu'elles ne s'écrasent sur le caftan.

Djamel qui s'apprêtait à lancer une réponse sanglante, sentir le parfum fruité qui émanait de cette rude chevelure, et décida d'y aller avec plus de finesse.

- J'étais dans l'espoir de raviver vos souvenirs, dans le cas où vous l'auriez oublié.

Coralie hocha la tête du haut en bas, tandis que quelques larmes sillonnaient encore son long visage. Dos au soleil, un vent doux quittant du côté des dunes fouettait doucement son visage, caressant son front ample, suivi d'une odeur safranée.

- Auriez-vous oublié, les milliers d'aller et retour que vous aviez faite jadis pour équiper les chambres d'hospitalisations de ce centre, les sensibilisations et....

- Je n'ai rien oublié de tout cela le coupa Coralie d'une voix forte et cassée. Je n'ai rien oublié de tout cela.

- Alors? Cria Djamel en sentant à nouveau cette sourde colère montée dans son âme.

La voix tranchante du cheikh marqua le début d'un nouveau silence que seuls les sanglots sourds de Coralie et les bruits internes du village venaient troubler. Voyant que la jeune femme ne disait plus rien, Djamel la tourna vivement pour qu'elle lui fasse face.

- Dites-moi mademoiselle Rayahd, ordonna Djamel en la tenant fermement par les deux épaules. Dites-moi.

Coralie releva les yeux dans ceux du cheikh, et vit à travers ses yeux ténébreux, les brasiers qui consumaient son âme. Derrière cette rage qui transparaissait aussi clairement dans le visage déjà dur d'ordinaire du cheikh, Coralie cru y lire une tristesse encore plus grande que la sienne.  Alors, tristement, honteusement, et la rage au ventre, Coralie baissa la tête.

- J'ai peur. J'ai peur votre Altesse, pleura Coralie à chaude larme.

- On ferait mieux de rentrer, lança Djamel après un moment, avant de rejoindre la voiture.

Derrière les dunes de MélithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant