La joue collée à la fenêtre de la calèche, Gabrielle observait les paysages défiler sous ses yeux. Elle avait quitté le château familial et sillonnait à présent les chemins de terre qui menaient jusqu'à Versailles. Les derniers jours étaient passés à la vitesse de l'éclair. La jeune femme avait beau se plaindre constamment de ses parents, elle les aimait plus que tout, et devoir s'éloigner d'eux commençait à l'angoisser. Une boule de stress s'était formée au creux de son estomac durant ces derniers jours. Sa mère avait fait tout son possible pour lui remonter le moral et pour l'aider à passer des moments agréables au château. Elles avaient passé de longues heures chez la modiste à choisir des robes, sa mère lui avait aussi sorti les bijoux de famille et l'avait laissée choisir les joyaux qui lui plaisaient.
A Versailles, elle ne serait pas perdue pour autant. Sa tante, Eugénie du Roscoat, avait accepté de la loger dans son hôtel particulier. Cela faisait de longues années qu'elles ne s'étaient pas vues, mais Gabrielle se souvenait que sa tante Eugénie avait une fille de son âge nommée Aliénor. Lorsqu'elles étaient enfants, les deux filles avaient passé des journées entières à jouer dans les jardins du château Saint-Just. Après le départ de la famille Roscoat pour Versailles, Gabrielle et Aliénor avaient entretenu une correspondance régulière, mais peu à peu leurs conversations se sont étiolées, et cela faisait aujourd'hui plus de cinq ans que Gabrielle n'avait pas reçu de nouvelles de sa cousine.
La jeune femme était donc contente de partir pour Versailles. Elle allait pouvoir découvrir un nouvel environnement, de nouvelles personnes, et revoir sa cousine la réjouissait plus que tout.
Gabrielle attrapa le sac que Carole lui avait remis au moment de son départ. Toutes deux avaient versé des larmes de tristesse au moment de se quitter. Carole était déjà au service de la famille Saint-Just au moment de la naissance de Gabrielle. Elle l'avait donc vu grandir et avait développé une vraie relation de proximité avec la jeune fille. Gabrielle ouvrit le sac et découvrit qu'il était plein de paquets de gâteaux et autres friandises. Un magnifique sourire naquit sur ses lèvres. Elle fouilla un peu plus et trouva un sachet de caramels sur lequel était agrafé un petit mot.
« Merci ma chère Gabrielle de m'avoir appris autant de choses en dix-sept ans de service. J'ai été ravie de vous accompagner et de vous conseiller dans votre vie quotidienne. Vous êtes à présent devenue une magnifique jeune femme, prête à se lancer dans sa vie de femme. Je vous souhaite de vivre une belle aventure à Versailles, et je suis convaincue que le destin nous amènera à nous revoir prochainement...
Très amicalement,
Votre dévouée Carole »
Les larmes aux yeux, Gabrielle replia le petit mot et ouvrit le paquet de caramels. Au fond du sac, ses doigts effleurèrent la couverture cartonnée d'un petit carnet. Carole avait pensé à tout. Elle se saisit de son nécessaire à écrire et du carnet et elle ferma les yeux quelques instants pour se concentrer. Elle se perdit dans ses pensées et ses souvenirs pendant de longues minutes, avant d'ouvrir le carnet et de commencer à griffonner sur les pages encore vierges. Partir à Versailles était pour elle l'opportunité de reprendre l'écriture sans que sa mère ne l'en empêche.
Le trajet passa rapidement. Gabrielle était très inspirée par le sujet de sa nouvelle pièce de théâtre et avait passé son temps à coucher ses idées sur le papier. La calèche arriva à Versailles tard dans la nuit, la jeune femme essaya malgré tout d'apercevoir le château, mais elle ne vit que des rues sombres, éclairées de temps à autres par la lueur blafarde d'un lampadaire. Elle referma son carnet et rangea les paquets de friandises au moment où sa voiture s'arrêtait devant une bâtisse de belle dimension. Un valet en livrée attendait devant le portail, une torche à la main. Il aida Gabrielle à sortir de la calèche. La jeune femme était fourbue par long trajet et fut ravie de poser le pied sur le sol versaillais et de pouvoir enfin se dégourdir les jambes. Elle n'avait qu'une hâte : retrouver sa cousine et discuter de longues heures avec elle de mariage, d'aventures et d'amour.
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Encore une valse
Historical FictionUn mariage arrangé avec un vieux noble peu ragoûtant, une rencontre fortuite avec un charmant gentilhomme poursuivi par sa réputation sulfureuse, une cousine aussi belle que teigneuse, des intrigues à n'en plus finir, telle était la vie qui attendai...