Le cœur

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Toutes les parties en italique viennent directement du livre de Christelle Dabos

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Thorn se dirigea d'un pas rapide vers l'Imaginoir, celui-là même devant lequel ils étaient passé la veille en se rendant à la manufacture. Il ouvrit précautionneusement la porte d'entrée, tous ses sens en éveil. Il réalisa qu'il n'avait pas son arme sur lui, ses griffes abâtardies devraient suffire s'il était confronté à ou aux ravisseurs. Il entendit des voix à l'étage. Ophélie. Elle était en vie. Puis un cri déchira l'air. Elle était blessée, ou pire. Il n'avait pas été assez rapide.

Thorn s'engagea prestement dans l'escalier et découvrit sur le palier supérieur Ophélie, au sol, vivante mais avec une expression de douleur intense et des lunettes bleuies, surplombée par la silhouette colorée et bedonnante du Baron Melchior. Ainsi, c'était lui le responsable des enlèvements. Thorn ralentit son allure, se forçant à monter le reste des marches calmement. Il avait encore un espoir de sauver Ophélie s'il jouait correctement son rôle. Il avait passé des années à perfectionner son masque d'indifférence, voilà le moment d'y recourir pour une bonne cause. Le Ministre des Elégances était l'un des rares membres de son clan à faire preuve d'un certain degré d'intelligence, il pourrait peut-être le raisonner - si tant est que s'allier avec Dieu puisse être qualifié de comportement raisonnable - ou à défaut le manipuler.

Le Mirage qui ne s'était pas encore aperçu de la présence de l'ancien intendant se pencha de tout son poids sur Ophélie, qui grimaça de douleur, en lui parlant.

- Pensez-vous toujours que j'ai peur ? Je vous concède que vous avez peut-être eu raison sur un point. Au fond, cette situation ne me déplaît pas tant que cela.

- Permettez-moi pourtant de vous interrompre, annonça Thorn d'une voix qu'il fit tout pour rendre neutre.

Si jamais le Baron percevait son trouble tout était perdu. Il gravit les ultimes marches lentement, un plan se construisant dans son esprit. Melchior parut surpris de son apparition et resta silencieux, écrasé sur le petit corps d'Ophélie, pendant quelques secondes.

- Pour un couple si mal assorti, vous êtes décidément inséparables.

Si seulement vous pouviez dire vrai, pensa Thorn.

- Je vous croyais à des dizaines d'étages d'ici, monsieur Thorn. Comment nous avez-vous trouvés ?

Il atteignit enfin le haut de l'escalier, concentrant toute son attention sur le Mirage, cherchant à déterminer son degré de dangerosité.

- Grâce à cette femme que vous clouez au sol. Elle a communiqué sa position à son assistant qui me l'a communiquée par télégramme prioritaire, expliqua-t-il. J'ai dû fausser compagnie à une cohorte de fonctionnaires et de gendarmes pour vous rejoindre. Ne vous inquiétez pas, je suis venu seul. Je souhaite parlementer avec vous, sans témoins gênants, ajouta-t-il pour faire comprendre au Baron qu'il était disposé à l'écouter.

Il devait à tout prix le leurrer dans une fausse sensation de sécurité pour que son plan ait une chance de fonctionner. Melchior se leva, tirant à bout de bras Ophélie dont le visage afficha une expression de douleur extrême. Surtout, ne pas la regarder, s'admonesta Thorn, il ne pourrait pas rester impassible s'il voyait qu'elle souffrait. Il se concentra sur le Mirage qui serra la silhouette menue contre son ventre rebondi.

- Ainsi, ce sera plus confortable pour parlementer. Je vous écoute, monsieur Thorn, lui annonça le Baron avec un sourire.

Thorn resta debout, immobile, au bord du palier, se demandant si le ministre était seul ou si des complices risquaient de les attaquer. Il posa la question qui l'avait assailli quand il avait compris ce qu'était Melchior.

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