𝐀𝐍𝐓𝐈𝐓𝐇𝐄́𝐓𝐈𝐐𝐔𝐄 ⸺ ﹝minchan﹞

quatre. ─ 𝒂𝒏𝒕𝒐𝒏𝒚𝒎𝒆

Dans son paysage, la villa de craie blanche dessinait ses courbes petit à petit, elle qui gouvernait la bute où elle se trouvait, criante de beauté au milieu des autres maisons luxurieuses du coin. Depuis la route principale, tout en bas de la colline, bien qu'elles étaient toutes très voyantes, celle de Lee Minho était de loin celle qui se démarquait le plus. Reine dominant son domaine.

Depuis plusieurs semaines, Christopher avait de très nombreuses fois fait les allers et retours pour son patient, souvent l'aller et le retour en même temps, ce qui n'était pas si commun. L'attente devant le Centre de Cancérologie était devenue une petite habitude de l'ambulancier, derrière le volant du VSL, une grosse demi-heure durant. Lecture du journal, jeux sur son téléphone, karaoké improvisé et parfois même une sieste digestive si le rendez-vous était un peu plus tard dans l'après-midi. Il avait appris à occuper cette demi-heure d'attente pour qu'elle ne se fasse ni longue, ni ennuyeuse. Les rendez-vous de Lee Minho s'étaient multiplié et le voir presque tous les jours était devenu un rituel quotidien. La pression qu'il ressentait à chaque entrevue avait laissé place à un sentiment de routine, de confort. Pouvait-il dire qu'il le connaissait maintenant ? Peut-être, au moins un peu. Il avait finit par comprendre que tout se jouait à la première minute, dès son entrée dans le véhicule.

Le portail couleur cassis venait de s'ouvrir et face à lui se déployait la petite pente qu'il gravit en voiture. Les choses avaient légèrement changé en quelques semaines, Christopher avait pris de nouvelles dispositions pour le bien-être de son patient. En haut de la butte, il tira le frein à main, sortant de la berline. Toute une gestuelle se mit alors en place. L'Australien sonna à la porte en premier lieu puis, contournant le véhicule, il ouvrit la portière arrière pour se tenir juste à côté de celle-ci. D'ambulancier, il avait désormais les airs d'un chauffeur professionnel, personnel, d'un portier. Quelques minutes plus tard, la silhouette de son patient se devinait à la porte, fermant celle-ci d'un double tour de clé avant de s'avancer près de sa place désignée.

C'était ici que tout se jouait. Christopher restait silencieux, droit comme un "i", à l'affût de cette information qui lui indiquerait si le trajet serait d'un silence morne ou s'il pouvait garder l'espoir d'un bref échange. Ses deux yeux noisette ne le lâchaient pas, à mesure qu'il s'approchait sa respiration se faisait presque plus silencieuse. Il avait les airs d'un Golden Retriever en attente d'un seul geste de son maître, ne se rendant même pas compte de la bêtise de la situation. S'il passait devant lui sans daigner le regarder, marmonnant un pauvre bonjour sorti des tréfonds de son âme, le trajet serait aussi calme que la mer du Sud. En revanche, s'il croisait son regard en le saluant, il avait bon espoir de pouvoir avoir quelques bribes de discussions. Alors il attendait, ce simple signe qui désignait tout le reste.

Le regard de Lee Minho trouva le sien et le sourire de Christopher apparut comme une réaction en chaine. Pour autant, pas un mot. Un regard franc, direct, mais aucun bonjour. A la place un sourire, timide, mais visible et existant. Les habitudes étaient solides, elles constituaient la base du comportement humain et quand on y dérogeait, tout s'écroulait, on ne savait plus comment agir, comment se comporter. Christopher faisait face à une nouvelle composition. Un regard, un sourire et l'absence de salutation. Lee Minho avait déjà pris place dans le véhicule, le "clic" de la ceinture venait annoncé qu'il était prêt au départ, laissant l'ambulancier debout à côté de la porte, envahi par un flot de questions quant à son comportement à l'instant.

Il ne tarda pas à rejoindre sa place derrière le volant, les pensées en pagaille. Il ne savait pas sur quel pied danser, devait-il parler ou bien se taire ? La voiture avait quitté le petit pavillon bourgeois, s'engageant sur la nationale et le silence régnait. Il hésitait à jeter ses regards en biais dans le rétroviseur, craignant ce qu'il pourrait y trouver. En temps de silence, Lee Minho ne décollait pas son regard de la fenêtre. Et quand bien même il était de bonne humeur, c'était aussi le cas, mais il lui arrivait parfois d'accrocher son regard dans le miroir central. Aujourd'hui, à quoi devait-il s'attendre ? Une multitude d'idées lui traversaient l'esprit sans savoir laquelle serait la bonne parmi toute. Quand il pensait enfin le connaître un tant soit peu, son patient réussissait toujours à trouver une parade, sortant des sentiers à peine battus.