La voiture était immobilisée depuis maintenant dix longues minutes, les bras croisés sur le volant, le menton reposant sur ses phalanges entremêlées. Face à lui, une demeure dont il saurait redessiner l'architecture tant il l'avait vu, connaissant aujourd'hui aussi bien son intérieur que son extérieur. La journée était chaude, presque caniculaire, l'été s'invitait de plus en plus dans la région et les habitants en souffrant mais ne s'empêchait pas de profiter du grand air, bien que la brise était sèche.L'après-midi était bien entamé, les voitures allaient et venaient en arrière-plan, quelques passants sur l'allée bitumée du quartier bourgeois et avec eux les regards curieux pour le véhicule stationné. Le grand théâtre de la vie battait son plein, sans la participation de celui derrière son volant, comme absent. Les yeux rivés sur la villa, il détaillait tout ce qui était à sa portée d'un air serein, une sagesse olympienne.
La baie vitrée était grande ouverte, les rideaux s'échappaient dus au courant d'air, créant un joli panorama estival de petite villa en bord de mer. Évidemment, la mer en moins. Sur la terrasse de bois de chêne était placée une grande table en verre, d'ici il pouvait estimer que six personnes pouvaient s'y attabler. A l'une des extrémités se trouvait un petit ensemble de canapés et table de jardin, dont le confort était devinable aux gros coussins épais qui couvraient le tressage des divans. Un joli bouquet de fleurs tricolores flottait dans un vase, une tasse abandonnée juste à côté. Le tableau jusqu'ici calme et inanimé de vie fut dérangé par l'arrivée d'un félin, pelage noir, une ligne svelte et longue qui se coucha lassement sur le bois chaud de la terrasse, venu chercher une dose de soleil que pourtant tous les humains fuyaient en cette heure.
Chris ne détournait pas son regard de cette terrasse, de ce chat qui flemmardait paisiblement, ni même de l'enfant haut comme trois pommes qui bientôt se dessina dans le paysage. Il restait là, le menton posé sur le dos de ses deux mains, impavide devant ce surprenant spectacle. Ce n'était pas la première fois qu'il voyait cette petite fille, les cheveux couleur blé, deux couettes qui se tortillaient au bout, les pommettes roses, le pas titubant, ses deux bras en étoile de mer pour s'assurer l'équilibre. A la vision de cette turbulence, le chat fila vers le jardin immense, une herbe verte comme dans un téléfilm, l'odeur du gazon fraîchement tondue. Un protagoniste quittait la scène, mais déjà un nouveau personnage prenait place sur le devant. Elle était sublime, grande, la taille fine, les cheveux d'un brun nuit, se déroulant en cascade dans son dos. Perchée sur ses hauts talons, la jeune femme avoisinant les trente ans vient cueillir l'enfant juvénile dans ses bras, le regard sur ce paysage que la villa de craie blanche offrait. Il était spectateur d'un schéma, d'une toile familial qu'il côtoyait maintenant depuis un moment. Cette femme, une mère et son enfant, ce n'était pas la première fois que Chris les voyait, les observait. Un regard simple, rien de mauvais. Il constatait, c'est tout.
A sa gauche, sur le siège passager, le téléphone sonna pour la sixième fois. Les cinq fois d'avant, l'ambulancier n'avait pas daigné décrocher mais la sonnerie par défaut commençait à légèrement l'agacer. Les minutes tournaient, le quart d'heure qui venait de s'écouler était rémunéré et l'absence de l'ambulancier sur la route expliquait l'insistance des appels. D'un soupir résigné, et parce que les deux demoiselles étaient rentrées laissant l'accalmie des lieux reprendre sa place, il se saisit du téléphone pour accepter l'appel. A peine avait-il mis le haut-parleur qu'une voix grinçante assena des reproches au blond assit derrière son volant.
- Bordel mais t'es où encore ?
- Quelques part.
- Ca me fait pas rire, Chris. Bouge toi ! Ca fait des semaines que t'es à la ramasse, faut que ça s'arrête.
- Hm, hm.
- Ton patient t'attend à l'hôpital, dépêche toi. T'es pas payé à faire du tourisme. Si tu l'as pas pris en charge dans les vingt minutes, je te retire de ta paye le temps que tu m'as fait perdre !
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𝐀𝐍𝐓𝐈𝐓𝐇𝐄́𝐓𝐈𝐐𝐔𝐄 ⸺ ﹝minchan﹞
أدب الهواة✑ Dévouant sa vie à son métier, Christopher n'est qu'un ambulancier comme les autres, allant de courses en courses tous les jours, sans penser qu'il allait croiser un jour la route d'un homme qui à tout de son opposé. Un regard qui ferait se glacer...