𝐀𝐍𝐓𝐈𝐓𝐇𝐄́𝐓𝐈𝐐𝐔𝐄 ⸺ ﹝minchan﹞

un. ─ 𝒐𝒑𝒑𝒐𝒔𝒊𝒕𝒆

Une brise, fraîche, estivale, passant par l'ouverture, s'invitant dans l'habitacle, ramenant avec elle ses odeurs printanières de cerisier et de pin. La saison florale était maintenant bien implantée dans la ville, les températures s'étaient nettement réchauffées, laissant petit à petit derrière elles givre et froideur d'hiver. Les parcs avaient de nouveau la côte, même les jours de semaine aux heures dites creuses, ne désemplissant que rarement. Pique-nique, balade dégourdissante, cadre photogénique... Multiples étaient les raisons qui poussaient tant de monde à sortir de chez eux après des mois à ne connaître que le glacial des vents d'hiver, redécouvrant comme tous les ans les climats du printemps bienvenu.

Ses yeux suivaient avec automatisme la course de quelques enfants trottinant sur le pavé du trottoir d'en face, ne s'inquiétant plus durant quelques secondes de la présence d'une mère ou d'un père sécurisant, s'élançant au-devant sans crainte. Un cadre touchant qui, sans qu'il ne puisse le contrôler ni même sans rendre compte, lui tirait un sourire tendre. Ses pensées s'égaraient, voguant vers des souvenirs le ramenant à sa propre enfance, au printemps d'Australie, à ses chers parents...

Le bruit strident d'un klaxon impatient le tira de ses rêveries, forçant à reprendre le fil de sa journée, non pas faite de balade au parc et de parentalité, mais bien d'une journée de boulot comme toutes celles d'hier et de demain. Le pied sur l'accélérateur, Christopher dépassa le feu passé au vert depuis déjà quelques secondes, tout juste avant qu'il ne revienne à un orange vif, coupant l'élan des voitures derrière lui agacées d'avoir perdu un temps précieux à cause d'un pauvre gamin rêveur.

- 325...325... 325 !

Le moteur se coupa, Christopher saisit le téléphone portable sur le siège passager pour valider son arrivée sur les lieux de prise en charge. Un coup d'œil à l'heure confirma son avance de dix minutes, de quoi profiter d'un bref répit avant l'arrivée de son patient.

Cela faisait un peu plus de deux ans que le jeune homme avait entamé sa carrière dans le monde de l'ambulance, métier qu'il ne connaissait que de ce que les écrans avaient bien voulu lui montrer.. Tellement loin de la réalité ! Les séries et les films omettaient bien de parler du rythme qu'imposait cet emploi, de la charge physique qu'il représentait et de l'enfer qu'étaient les horaires. Une réalité qui imposait un réveil parfois à quatre heures du matin, sans que l'on ne sache véritablement à quelle heure sa journée se terminerait ensuite. Un SMS à dix-huit heures qui annonçait le début de la journée du lendemain, sans précision de sa fin, ainsi était façonné ses semaines. Ambulance ou bien VSL (Véhicule Sanitaire Léger), seul ou en équipe, tout ça Christopher ne le découvrait que le soir pour le lendemain. Un métier dans l'ombre que ses employés réalisaient souvent sans reconnaissance du reste du monde. Aujourd'hui, c'était dans un VSL qu'il avait été mis, une voiture des plus agréable à conduire, seul, propre chef de sa journée bien qu'elle soit régulée par un collègue derrière un ordinateur chargé de lui envoyer petit à petit les missions qu'il devait accomplir. Une forme de solitude qu'il appréciait de temps à autre, en parallèle d'une journée en ambulance avec un binôme, travail d'équipe, jamais réellement seul, souvent plus compliqué tant par les tâches à réaliser que l'adaptation des binômes changeant, passant d'un collègue à un autre un jour sur deux.

Le bruit d'une porte qui claque à quelques mètres de là fit reprendre surface à Christopher, encore une fois. Le téléphone de travail toujours dans la main, il alla rapidement à la pêche aux informations, toutes ici écrites sur l'écran fissuré dans l'angle droit.
Nouveau patient, aucune indication... Bien. Pour les informations finalement on repassera.

La porte passager s'ouvre, ce nouveau patient s'installe sur le siège arrière, rapidement, sans un commentaire et c'est d'ailleurs l'absence d'une formule de politesse qui compose sa première impression. Quelques secondes et l'Australien sent que le filon ne passera pas entre eux, mais gorgé de bonnes intentions c'est d'un regard dans le rétroviseur que le jeune ambulancier entame leur première discussion.