Chapitre 69

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_ Ça ne m'étonne pas. 

_ Qu'est-ce que tu entends par là ? 

Julie s'installa plus confortablement sur son siège, et croisa les bras, comme si elle se mettait sur la défensive. 

_ Que tu n'aimes pas les responsabilités, que tu as zéro ambition, et que c'était certain que tu n'allais pas monter les échelons. 

Laura soupira, en répondant : 

_ Mon métier est ma passion, j'ai un CDI dans une boîte que j'adore, mon patron est incroyable et ma collègue est très cool. Je ne vois pas pourquoi je changerais ça… 

_ Pour évoluer ! En dix ans, tu n'as pas l'air d'avoir changé. Tu as l'air toujours aussi laxiste et passive. 

_ Je suis très heureuse comme ça…

_ Oui, ça se voit. Ta vie a l'air su-per-be. Tu vis seule, fantasmant sur une hétéro quelconque qui ne sait pas conduire, et ta dernière histoire remonte à une masculine qui t'a trompé deux ans. 

J'écoutais, ne sachant pas quoi dire. Qu'est-ce que je pouvais dire, après tout ? Que non, de toute évidence, je n'étais pas hétéro ? Que juger la vie des gens était pathétique ? 

_ Je ne vois pas le rapport, Julie. 

_ Bien sûr que si, hurla presque la rousse en se relevant. C'est cette attitude latitudinaire qui fait que t'es si seule ! Elle t'a coûté chacune de tes relations, dont celle avec moi ! T'as même pas été capable de me rappeler pour me demander de rester avec toi ! 

Laura écarquilla un peu les yeux, puis fixa longuement Julie, avant de demander : 

_ Rester avec toi ? 

_ Tu m'as juste envoyé un "D'accord" laconique alors que tu aurais pû m'appeler. Je voulais que tu viennes, qu'on reste ensemble mais toi… t'as même pas chercher à me garder. 

_ Tu pensais que j'allais quitter ma famille, mes amis, mon travail, pour te suivre à Paris ? Alors que tu allais vivre seulement pour ton taff et la renommée ? Tu savais déjà que ça n'allait pas arriver. 

_ Peut-être bien. Mais au moins, moi, j'espérais. C'est toi qui n'a pas cherché à me retenir. Toi, tu n'as aucun caractère, tu laissais les choses se faire. T'étais inexistante et pathétique. Tu attendais que je fasse les choses, tranquillement, alors que je me battais pour notre avenir. Tu n'en as jamais rien eu à faire de notre relation, ou de moi. Tout ce qui t'importait, c'était de vivre sans faire d'efforts. 

Je me mordis la lèvre, détestant voir quelqu'un parler aussi mal à celle que j'aime. Pourtant, cette dernière, elle, ne bougeait pas. Elle observait calmement Julie qui bouillonnait, et finit par dire : 

_ Je comprends. J'ai conscience que ma personnalité est particulière, et que ce côté… latitudinaire… ne te correspond pas. Je pense qu'il a aussi été un frein dans certaines de mes anciennes relations, c'est vrai. Je le sais. Mais, Julie, je t'interdis de dire que je me contentais de te laisser tout faire pour nous, afin de vivre sans efforts. Je répondais à tous tes désirs, je me levais à 4h du matin quand tu voulais partir en randonnée toute la journée, j'économisais des mois pour t'accompagner à des voyages qui ne m'attiraient pas… J'ai tout fait pendant trois ans pour que notre relation se passe au mieux, pour que tu sois heureuse. J'ai ma personnalité et mes défauts, certes, mais je ne suis pas la seule fautive. C'est toi qui m'a dit qu'on se séparait, c'est toi qui est partie. On a chacune notre part de responsabilité dans cette histoire. Et c'est une très bonne chose que ce soit terminé, autant pour toi que pour moi. 

Julie était maintenant immobile, comme sonnée. Et moi, je ne savais pas quoi faire. Laura était égale à elle-même, calme et confiante, tranquille et sereine. Mais je voyais dans son regard comment elle était déçue. Je voulais la prendre dans mes bras, lui dire Ô combien cette Julie était dans le faux. Sa personnalité n'était pas un fardeau, elle n'était pas pathétique ni rien. Elle était merveilleuse… J'étais sur le point de céder quand la rousse demanda : 

_ Tu ne m'as jamais aimé, n'est-ce pas ? 

_ Quoi ? 

_ Ce jour-là, à Santorin, quand devant le coucher de soleil je t'ai dis que je t'aimais, et que tu as dit "moi aussi je t'aime". Est-ce que tu le pensais, ou est-ce que tu étais juste dans le mood ? 

Laura ne répondit pas. Tout comme moi, elle était étonnée. Julie semblait vraiment triste. Je ne la pensais pas capable de se montrer aussi vulnérable. Et de la voir ainsi, mon ventre se serra. Peut-être que Laura allait vouloir la serrer dans ses bras, tout compte fait, et je le comprendrais… Pourtant, la jeune femme se gratta la tête, et déclara : 

_ J'aimerais te dire que je le pensais, mais je crois bien que ce n'était pas le cas… J'essayais de me persuader que c'était de l'amour et que je pouvais te rendre heureuse, mais de toute évidence, tu ne l'étais pas, et je l'étais pas. Désolée, Julie. 

La visage de la rousse se déforma à cause d'un rictus. 

_ Désolée ? Tu es désolée ? De quoi ? De m'avoir gâché trois ans de ma vie ? Pourquoi m'avoir embrassé si tu ne m'aimais pas ? 

_ On était deux, Julie. Ne te victimise pas… 

_ T'es vraiment qu'une conne, Laura Brun.

J'observai la scène sans comprendre, et lorsque Julie claqua la joue de Laura, je me sentis complètement démunie. Je ne comprenais pas d'où sortait cette colère alors que Laura avait bien plus souffert et restait pourtant calme et courtoise. La commerciale se tourna vers moi, et me dit : 

_ Ne tombes pas dans ses bras. Elle va te bercer de gentillesse sans jamais prendre de responsabilité. Tu vas te retrouver à avancer pour deux, et à la fin, tu seras seule. 

Sur ces mots, elle s'en alla, et je ne savais plus du tout quoi dire et comment réagir. J'observai Laura, les yeux grands ouverts et totalement perdue. 

Tomber amoureuse par accident (histoire lesbienne)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant