Chapitre 1

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7 Décembre 2024
7 h 30

    La neige tombait à gros flocons depuis quelques heures et les rues de la capitale étaient déjà bien engorgées. Je soupirais, un peu lasser, de ce début de journée et même les chants de Noël qui résonnait à travers l'autoradio de ma voiture ne calmaient pas mon état. Je regardais de façon répétitive l'heure qui passait sans que la circulation se fluidifie. Je tapais sur le volant en pestant de ne pas être partie plus tôt. Je ne devais pas prendre de retard sur mon activité à l'atelier de couture. Les fêtes de fin d'année apportaient un moment capital pour la maison de luxe pour laquelle je travaillais. Nous allions présenter la collection de Noëls dans quelques semaines et la pression montait toujours d'un cran au milieu des petites mains. J'avais en charge une pièce maîtresse trop importante qui ne me laissait pas le droit à l'erreur.

    Un toussotement derrière moi me sortit de mes songes. Je tournais le visage en direction de la banquette arrière et observais la jolie petite fille de trois ans, confortablement installée dans son siège auto. Elle regardait à loisir par la fenêtre, tenait fermement entre ses petites mains la peluche d'un dragon argenté et remuait la tête au rythme de la musique, faisant doucement voler ses jolies boucles blondes polaires. Elle me remarqua et détacha son attention du paysage pour me dévoiler un rictus à faire fondre les âmes, un minuscule nez retroussé et deux intenses iris émeraude. Chaque fois que je le contemplais, c'est lui que je voyais...

— Tu réfléchis maman ?
Je lui souriais en retour, tentant de refouler la décharge qui avait parcouru mon cœur.
— Je pensais au fait que je t'aime vraiment très fort, mon ange !
— Je t'aime aussi, maman.

    L'arrivée de Lise transforma ma vie et apporta un pansement à mon âme et mon esprit abîmés. Je le chérissais par-dessus tout. Sa naissance m'avait permis de remonter à la surface et même si son visage me rappelait à chaque instant celui de son père, j'avais choisi d'avancer pour elle.
    L'acceptation de ma grossesse surprise fut un moment complètement déroutant pour moi. Je l'avais découvert le jour où son père avait décidé de me quitter et j'apprenais par la même occasion qu'il n'était pas celui auquel je pensais. Il n'était pas qu'un simple jeune homme, c'était un prince et plus que tout, le nouveau roi d'Azéthis. Quand je me ressassais le courant de ma vie, je ne pouvais m'empêcher de rire nerveusement tant cela ressemblait à un mauvais film de Noël...

    Je coupais la radio, mon cerveau ne supportait déjà plus les chants qui se répétaient sans cesse depuis le début du mois. L'école de Lise ne se situait plus qu'à quelques mètres. Je me garais dans la première place à ma disposition pour finir les derniers pas à pied. À l'instar de sa mère, ma fille adorait marcher et jouer dans la neige. Je remettais rapidement mon bonnet sur ma tête, cachant par la même occasion les mèches châtains que je n'avais pas réussi à discipliner dans ma tresse en me préparant.

    L'étape de l'école était un passage obligatoire dans la journée, que je redoutais depuis septembre. Une mère célibataire n'était pas bien vue dans cet établissement privé, mais mes parents avaient tenu à ce que Lise puisse bénéficier du meilleur. Ils avaient insisté pour lui payer sa scolarité dans cet endroit hors de prix, passant ainsi toutes leurs économies. Je sortais ma fille de son siège auto, prenant bien soin de la protéger du froid. Mes escarpins noirs glissaient sur le sol gelé à mesure que nous nous rapprochions des majestueuses grilles de l'école maternelle. Je tentais de calmer mes pulsions de stress et serrais la main de Lise dans la mienne.

    La cour d'entrée se remplissait petit à petit d'enfants en uniforme, d'âges différents accompagnés de leurs parents. Je montais les marches du perron, contemplant comme à chaque fois l'imposant édifice où ma fille allait passer le plus clair de son temps pour les prochaines années. Il avait de l'âge et contrastait avec les bâtiments tous plus modernes les uns que les autres qui trônaient autour. Il était beau, fait de briques rouges, d'immenses fenêtres et d'une toiture d'ardoises noires. Les locaux étaient entretenus à la perfection et les salles de classe qui défilaient bénéficiaient toutes de matériel pédagogique divers et varié. L'école disposait aussi d'une pièce de musique, d'une bibliothèque et d'un grand parc privé commun aux différents niveaux scolaires de maternelle et de primaire. Tout représentait un le lieu de rêve pour apprendre lorsque l'on en avait les moyens. Et je ne pouvais m'empêcher de ressentir une mince pointe de honte à l'idée de la dépense que mes parents octroyaient à cet endroit.

Reine  [ Terminée ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant