Chapitre 17

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8 Avril 2025
21 h

        Le défilé était prévu pour le vendredi six juin au soir, cela ne me laissait plus que deux mois ou exactement cinquante-neuf jours pour terminer deux projets. Assise par terre dans la chambre d'ami d'Arthur, transformée en atelier pour l'occasion, je contemplai mes deux tenues, chacune sur leurs mannequins respectives. Celle de Séréna paraissait bien entamée. Toute la robe en elle-même était achevée et elle se parait petit à petit de millions de cristaux rouges que je me devais d'assembler un à un sur le tissu. La surjupe était finie aussi et brillait déjà de mille feux accrochés par un portemanteau de fortune au mur. Je ne savais même pas comment j'avais pu réussir à un tel exploit. La tache s'avérait démesurée pour moi, mais heureusement je pouvais compter sur le soutien de Séréna qui avait allégé tout son emploi du temps de princesse pour m'aider. J'avais passé presque tout un après-midi pour lui apprendre la technique de couture à la main pour qu'elle puisse progresser dès qu'elle en avait la possibilité. Comme aujourd'hui, où elle enfilait les dernières pierres de son bustier. Elle n'avançait pas bien vite et rarement seule, mais au moins, elle me faisait gagner un peu de temps. Plus que deux mois. La deadline était gravée à l'encre indélébile dans mon cerveau et j'étais de plus en plus effrayée. Surtout lorsque je regardais la progression de ma propre robe qui n'en était encore qu'à la toile d'essai. Cette technique consistait dans un premier assemblage du vêtement, souvent dans un tissu non teint et peu coûteux et permettait de voir chaque étape de montage avant d'attaquer le projet dans le matériau définitif. Méthode très pratique pour observer le tombé des matières, et être sur de bien modelé correctement chaque pièce, mais aujourd'hui cela me posait problème puisque je n'aimais pas du tout le rendu du futur corset à baleine. Je soupirai et regardais mon croquis accroché au-dessus de mon bureau, désespéré et prêt à abandonner ce projet pour un autre beaucoup moins long, moins difficile et peut-être plus à ma portée.

— Je ne vais jamais réussir à la coudre, disais-je en essayant de rajuster le tissu.

— Bien sûr que si ! répondait Séréna. Ne te décourage pas, tu as encore du temps !

— J'ai peur qu'elle soit beaucoup trop compliquée pour moi

— Tu veux rire? Tu as vu ma robe ? Elle est splendide ! Et si tu as été capable de m'apprendre à piquer de minuscules cristaux à la main, tu vas achever la tienne.

— Ne crie pas victoire trop vite, Séréna... On est loin d'avoir fini la tienne, mais heureusement que j'aie gardé tes mesures et commencé ta toile d'essai avant que l'on s'accorde sur les tissus... ça nous a fait gagner un temps précieux. Enfin, j'espère.

— Et bien, au pire, réfléchis à quelque chose de moins technique pour toi ?

    La porte de la chambre s'entrouvrit et je sursautais. J'en lâchais ma boîte à épingle qui se déversa à mes pieds. Je jurais en me penchant pour les ramasser et poussais gentiment Bastet qui était rentrée dans la pièce. La tête d'Arthur apparut dans l'embrasure et dans une exclamation stridente, Séréna referma sur son frère qui a eu juste le temps de se dégager avant de finir décapité.

— TU N'AS PAS LE DROIT DE VENIR ICI, ARTHUR ! cria Séréna.

— Et toi tu n'es pas censé me couper la tête, répondit-il à sa sœur.

— Tu pouvais frapper avant d'entrer ? Et qu'est-ce que tu veux ?

— Vous proposez de faire une pause parce que vous travaillez depuis déjà trois heures

— Non, pas la peine pour moi, répliquai-je, on va encore perdre du temps...

    Je me piquais sur une de mes épingles et je pestais encore une fois de ma maladresse. Je mis mon doigt à la bouche pour rattraper la goutte de sang qui menaçait de tomber sur ma toile. Je savais que la fatigue n'était pas mon amie dans la couture, mais je ne parvenais pas à lâcher prise.

Reine  [ Terminée ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant