chapitre 15

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10 Mars 2025
14 h

Après un bon repas avec Joy, je m'étais réinstallée sur mon plan de travail. J'avais comme d'habitude attaché mes longs cheveux noirs en chignon, enfilé mes petites lunettes rondes et retiré mes baskets mauves. Je tapotais avec nervosité, ma tablette graphique de mon stylet en relisant mes notes de la réunion de quinzaines du matin. J'avais de plus en plus de faciliter à gérée mon équipe. Nous avancions remarquablement sur la robe de marié de la collection prochaine. J'avais réussi à me faire écouter et à monter une organisation qui fonctionnait à merveille. Cela permettait à chacune de présenter ses points forts. Charles Rochelart, très content de notre groupe, m'avait félicité sur ma conduite de poste pour cette tenue hautement importante.

La luminosité de ma tablette baissait et je tapotais avec mon stylet pour la rallumer et regardais le dessin numérique du créateur. La robe était d'un blanc immaculé et je n'aurais jamais cru possible de trouver un tissu aussi pur. Le bustier raffiné se remplissait de dentelle argentée qui représentait des papillons. Ils étaient brodés un à un et à la main par l'un des membres de mon équipe. C'était un travail de patience qui demandait une grande dextérité. Je me souvenais encore des heures que nous avions passé, à les épingler, tour à tour sur l'étoffe, les déplaçant à l'infinie pour créer une harmonie dans la couture. La jupe cercle était très bouffante et reposait sur un important jupon de tulles. Un voile de soie, également brodé de papillons, et long de presque deux mètres, terminait le tout. Cette réalisation aussi belle, moderne et voyante ne représentait en rien l'idée que je possédais de ma propre robe de marié.

Je soupirai, ne parvenant pas à me concentrer sur ma tâche. Je divaguais trop en repensant à l'autre création que je devais confectionner : celle de la princesse Séréna. Je sortais mon croquis de ma pochette à dessin et le posais devant moi. Cette robe rouge serait un véritable petit bijou si nous arrivions à la finir. Monsieur Rochelart était venu me voir à la fin de notre réunion et m'avait prévenue de ne pas me soutenir dans ce projet. Qu'il me prendrait du temps, et qu'il serait trop dur pour une seule personne. Mais, la dauphine avait eu raison de sa patience, et il ne me mettrait aucun bâton dans les roues. Il avait ajouté d'accepter de ne rien dire à la reine douairière. En échange, je gardais ma rigueur au sein de l'entreprise, et je n'entachais pas son nom avec une création à demi finie pour Séréna. Je me devais de tenir et d'exceller sur tous les fronts si je ne voulais pas avoir de problème et voir ma carrière ruinée avant même d'avoir vraiment commencé.

Toute cette pression devenait difficile à gérer d'autant plus que je n'avais toujours pas démarré ma propre robe, et que le défilé fut avancé, passant de juillet à début juin. C'était une demande expresse d'Arthur qui avait de son côté décidé de précipiter les élections de son nouveau gouvernement. Je ne savais pas qu'un roi détenait le pouvoir d'une telle décision, et pourquoi il la prenait, mais mon angoisse monta en flèche après cette nouvelle. Mes deadlines perdaient un mois. Trente jours de moins pour finir trois projets et trente jours pour une couturière, c'était énorme. J'allais devoir travailler dur et tard si je voulais réussir et mettre de côté ma petite Lise et mes parents chez qui je vivais depuis mon accident.

J'en faisais encore des cauchemars et je continuais de regarder derrière moi quand je marchais dans la rue. J'eus également beaucoup de mal à me rendre de nouveau chez Séréna quelques jours après. J'avais fait la rencontre de George, le garde du corps attiré à ma famille. C'était un homme à peine plus vieux qu'Arthur, grand, les cheveux rasés très courts, la mâchoire carrée et les yeux aussi bleus que l'océan. Le roi me l'avait promis, il me laissa lui parler en personne. Le matin de sa prise de fonction, j'étais venue lui apporter un café bien chaud et des cookies jusque dans sa voiture, lieu où il avait élu domicile pour les prochaines semaines. J'avais eu tout le loisir de discuter et lui avais fait garantir de ne jamais traiter de la petite fille aux belles boucles blondes polaire qu'il retrouverait Arthur. En échange de son silence, je lui offrais café et gourmandise presque tous les jours et mes parents l'invitaient régulièrement à entrer pour prendre une douche ou un bon repas lorsque Lise s'absentait. Il savait qu'il allait au-devant de grand risque en taisant une partie de ce qu'il voyait. Mais mes supplications un peu trop surjouées, et les conditions améliorées de sa surveillance de fortune avaient eu raison de lui.

Reine  [ Terminée ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant