Sasha
La brise chaude de l'été vient souffler dans ma chevelure rutilante tandis que quelques mèches caressent ma
nuque. Je me précipite dans le premier taxi qui accepte de me prendre et lui indique l'adresse de l'endroit où je vais séjourner. C'est une modeste maison gérée par une dame âgée de quatre-vingt-deux ans, originaire de Lille. Une Française, comme moi.
Je claque la portière, remercie le conducteur et prends quelques secondes pour admirer le cottage irlandais en pierres grises avec sa petite porte rouge parfaitement centrée. À l'étage, un charmant balcon en fer blanc s'étend sur le côté de la maison, offrant une vue pittoresque sur les environs. On peut imaginer passer des heures à s'y prélasser, en sirotant une tasse de thé ou en admirant le coucher de soleil sur les collines verdoyantes.
Je pousse le portillon du jardin et salue l'octogénaire en tirant ma valise à roulettes sur les pavés. Elle est assise sur une chaise métallique de couleur rouge et boit un café limpide qui ressemble, de près, à du jus de chaussette. Elle récupère sa canne, se lève difficilement pour embrasser ma joue, puis m'adresse un large sourire, jauni par le temps. C'est une femme au dos courbé, aux cheveux blancs, au nez proéminent et aux yeux malicieux. Madame McDou m'a confié, avec un grand sourire, qu'elle accueillait souvent des jeunes pour ne pas rester seule. Elle refuse catégoriquement de vivre dans une maison de retraite. Pour elle, cela reviendrait à séjourner dans un zoo pour vieux. Elle a même ajouté en riant : « Et par-dessus le marché, je déteste les cacahuètes ! ».
Elle m'indique où se trouve ma chambre pour le mois à venir et m'informe qu'elle ne peut malheureusement pas monter les escaliers. C'est donc seule que je vais découvrir la pièce qui sera mon chez-moi temporaire. Une fois à l'étage, j'entre dans ma chambre, fais la connaissance de mon nid douillet qui semble avoir été figé dans le temps et qui sent le renfermé.
Je fais rouler ma valise sur la moquette brune, puis je la dépose sur le lit en ferraille. Je me place face à une armoire pourvue d'un vieux miroir défraîchi, recouvert de petites taches jaunes et grises, puis fais coulisser la porte pour y ranger mes vêtements. Je ne dirais pas que l'endroit est insalubre, mais plutôt ancien. Sûrement autant que sa propriétaire.
Une nuit fraîche sur un matelas trop dur et un réveil matinal plus tard, nous voilà en plein petit-déjeuner.
Jocelyne a beau être une hôtesse très sympathique, elle ne supporte pas que l'on fasse la grasse matinée. Elle râle, disant que c'est une perte de temps et que nous aurons tout le loisir de dormir quand nous serons morts.
Je n'ai donc pas échappé au réveil de six heures. Après un délicieux café et une tartine de confiture maison, l'ancienne enfile son imperméable jaune vif et saisit sa canne. D'un geste de la main, elle m'invite à la suivre sous les trombes d'eau pour rejoindre le marché animé du centre ville.
La pluie s'évanouit soudain et laisse place à un soleil timide et discret, juste après nos emplettes, ce qui nous permet de continuer notre route en direction du petit restaurant de son petit-fils. C'est ici que j'ai convenu de travailler quelques soirs en échange de la gratuité de mon logement.
La devanture bleue du restaurant « Bon français » – qui fait face à une charmante rue piétonne – se marie parfaite‐ ment avec le crépi légèrement plus sombre qui la borde. C'est juste au-dessus que Josh, le petit-fils de Jocelyne, a élu domicile. À vingt-huit ans, ce jeune homme grand et mince arbore une chevelure blonde agrémentée de quelques mèches bleues. Sa tenue décalée, assortie d'un chapeau noir à plumes, lui vaut les remarques taquines de sa grand-mère, qui le qualifie de « punk gay et superficiel ». Elle ne mâche pas ses mots, mais Josh les prend à la rigolade.

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La Meute Blanche [HEA EDITION]
WerewolfSORTIE LIBRAIRIE 15 OCTOBRE 2024. DERRIÈRE LES PLUS LOURDS SECRETS, SE CACHE PARFOIS UNE DESTINÉE... À l'aube de ses vingt ans, Sasha s'envole pour l'Irlande, résolue à percer les secrets qui l'entourent dont celui, douloureux, de la disparition de...