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Sasha

Un petit rituel matinal est né depuis mon arrivée sur les terres irlandaises. Vu qu'il m'est impossible de dormir après huit heures – merci, madame McDou –, je pars explorer les paysages avec mon appareil photo. Puis, après le petit déjeuner, je m'attèle à une quête plus intime et personnelle : celle de retracer le parcours de ma défunte mère. Les recherches sont plus ardues que je ne l'aurais imaginé.

Le nom de « Doyle », inscrit sur les nombreux courriers trouvés dans le bureau de ma mère, est très répandu dans la région. J'ai du mal à savoir par où commencer, quelles pistes suivre, et surtout, je ne trouve personne qui peut me renseigner à son sujet. Les archives et les registres ne m'offrent rien de plus que ce que je sais déjà.

Alors, chaque matin, malgré la fatigue et l'incertitude, je me lève avec la volonté de ne jamais abandonner.

Au bout d'une heure de marche dans l'herbe humide, un cromlech se dresse devant moi.

Le vent fait virevolter mes mèches rousses, les nuages cachent les rayons du soleil et je profite de ce moment de plénitude. Le cercle de pierres se trouve à proximité d'une grande falaise et tandis que l'océan joue sa propre musique avec ses clapotis, le vent siffle une belle mélodie. Quant aux oiseaux, ils chantent leurs perpétuelles louanges à Mère Nature.

Maman, as-tu foulé ce sol ?

Je m'allonge et caresse l'herbe en imaginant ma mère danser pieds nus, sourire aux lèvres. Elle crie et rigole comme nous aimions le faire autrefois dans notre jardin. Je parviens encore à entendre son rire, celui que je souhaite ne jamais oublier, car il m'a aidée à surmonter bien des moments de solitude.

La lumière s'éclipse derrière un gros nuage noir menaçant. L'obscurité s'installe, oppressante, et avec elle, cette sensation dérangeante d'être observée, comme si cette présence invisible ne m'avait jamais quittée.

Un parfum agréable est porté par la brise : une senteur de musc brun. Je reconnais cette essence et ça m'angoisse. Je n'ai pas oublié l'altercation de l'autre soir, derrière le restaurant, la scène très étrange qui s'est produite entre l'inconnu et moi et toutes les sensations qui m'ont submergée. Mais j'ai refusé d'espérer ou de redouter notre prochaine rencontre. Il avait pourtant dit qu'on allait se revoir, mais je pensais que c'était impossible. D'un côté, il y a cette attraction puissante que j'ai perçue en sa présence, cette connexion aussi inexpliquée que troublante. De l'autre, je ne peux occulter la peur qui m'a envahie ainsi que sa promesse : me sanctionner.

Je me lève face à la plus grande pierre, le cœur battant une chamade douloureuse. Derrière moi, une présence, une ombre. J'inspire, prends mon courage à deux mains et saisis l'occasion de confronter l'homme. Je dois essayer de garder mon calme ainsi que le contrôle de mon esprit.

—Vous me suivez ?

—J'ai suivi ton odeur.

Impossible.

Je me retourne pour lui faire face.

C'est lui, celui qui m'a déboussolée et m'a fait perdre mes moyens. Mais cette fois, la luminosité de la matinée me permet de le détailler. Ses yeux, d'un vert foncé comparable à une forêt sans lumière, sont piquetés de bleu et de quelques pépites dorées. Ses cheveux sont mi-longs, blond cendré et parsemés de fils blancs et argentés. Une barbe brune de quelques jours recouvre sa mâchoire anguleuse.

Je suis incapable de lui donner un âge tant il paraît à la fois jeune et expérimenté. Me voilà de nouveau subjuguée par ce mâle aux contradictions saisissantes.

La Meute Blanche [HEA EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant