Nous étions en septembre. Je crois. En tout cas, c'était la rentrée. J'étais un jeune homme qui venait tout juste de commencer le lycée. Et la première chose que je me suis dite en arrivant, c'était : "Ça y est, me voilà dans la cour des grands".
Et grand, c'était le mot. Je n'avais jamais mis les pieds dans un établissement aussi immense ! Dès que je franchissais les portes, j'avais l'impression de me faire engloutir tout entier, au point de devoir me fier à un plan pour m'y retrouver. Et mine de rien, passer d'un collège de 600 élèves à un lycée où s'entassent 1100 individus, ce n'était pas la même impression.
Il y avait trois bâtiments en tout, dont deux de quatre étages reliés entre eux. On pouvait donc passer du bâtiment A au bâtiment B aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur. Les classes de sciences se trouvaient à l'étage inférieur du bâtiment B ; il fallait passer par la cour pour y accéder. Le dernier bâtiment était plus éloigné, près de la cantine et du foyer. C'était là qu'on retrouvait les classes d'arts et de musique. Non loin de là se trouvait le CDI et la maison des lycéens, où les étudiants se retrouvaient pour boire un café, travailler, ou jouer au baby-foot.
J'avais beaucoup de mal à m'y retrouver au début. Heureusement, je n'étais pas seul : une amie que je connaissais depuis la classe de CM2 venait également d'arriver. Elle ne connaissait pas les lieux non plus, mais au moins, on était perdus à deux. En vérité, le mot "amie" n'était déjà plus d'actualité. Cela faisait bien longtemps qu'on n'avait plus rien en commun, elle et moi. Appelons-la Fourchette.
Fourchette était une bonne élève. Studieuse, elle passait son temps à faire ses devoirs en avance ou à réviser dans la cour. Quand elle avait du temps libre, elle écrivait des fanfictions sur Inazuma Eleven ou Fairy tail, des animés japonais.
Moi, mon truc, c'était plutôt les grosses licenses comme les films Marvel ou Pirates des Caraïbes. Contrairement à Fourchette, mes moyennes oscillaient entre 10 et 11. Il faut dire que j'étais tout sauf assidu en classe. J'avais quelques difficultés de concentration et passais mon temps à dessiner durant les cours. Ce qui ne m'a pas empêché d'avoir mon brevet avec mention bien !Concernant les fanfictions, je n'ai jamais été très fan. À l'époque, je considérais même ça comme quelque chose de trop "gamin". Les rares fois où j'en ai entendu parler, ça ne m'a jamais vendu du rêve. En fait, c'était toujours la même chose :
L'héroïne subit des moqueries parce que "le foot ou les combats c'est pas pour les filles", alors elle se déguise en garçon, pouve qu'elle est plus forte qu'eux et, toujours sous couvert d'une perruque ou d'une casquette pour cacher ses longs cheveux , gonfle les joues et frappe en criant "baka" les membres de son équipe quand ils critiquent les femmes ou font des blagues misogynes. Et comme à chaque fois, elle finit par tomber amoureuse du capitaine, elle qui d'habitude déteste les hommes parce que ce sont tous "des machos sans cervelle". Mais évidement, ce dernier est une exception. Malgré quelques remarques maladroites envers les filles -qui sont plus dû à de l'ignorance que de la méchanceté- , il est le petit-ami parfait. Il est beau, gentil, attentionné, il aide les plus faibles et croit au pouvoir de l'amitié.
Le jour de la finale, après avoir fait gagner son équipe ou avoir remporté le combat, elle révèle son identité. Les gens sont choqués, révoltés, mais un petit discours suffit à leur rappeler qu'elle a gagné il y a même pas deux minutes. Parce que tu as beau être une championne olympique, la meilleure des guerrières, surpasser tes collègues masculins en tous points et même sauver le monde, dès l'instant où tu révèles être une femme, on remet en doute tes compétences. Mais vu qu'on est dans une fanfic, tous finissent par reconnaître que c'est stupide et l'acclament pour sa bravoure. Et pour une bonne happy end, monsieur parfait avoue qu'il aime notre héroïne, même s'il pensait jusque-là qu'elle un homme, ce qui est un peu hétéro-curieux quand on y pense. Ils se mettent en couple, et la fille fait des trucs gênants comme s'asseoir sur ses genoux devant tout le monde en riant pendant que lui rougit.
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Un Journal Intime Pas Très Intime
NonfiksiL'autobiographie d'un petit gars en galère pas si petit que ça. Queer, et autiste, j'ai réuni tous les carnets anecdotiques que j'ai écrit durant mes années de lycée afin de rédiger cette autobiographie. Plusieurs thèmes abordés : multiplicité, dép...