Lorsque Dolorès tomba dans la faille spacio-temporel ouverte par Cinq, elle s'attendait à tomber à ses côtés dans la cour du manoir de Sir Reginald Hargreeves. Mais ce ne fut pas le cas. Le spectre flotta quelques temps avant de se retrouver aspirer pour terminer à cinq kilomètres de là, dans son ancienne maison.
La demeure était typiquement anglaise. Un pavillon insipide qui ne sortait pas de l'ordinaire. La jeune femme resta à flotter devant avant de voler à l'intérieur. Le bas de la maison était sommaire. Elle a toujours eu la grosse tapisserie avec de grosses fleurs roses en horreur. Un choix de sa mère qui devait dormir à l'étage d'un sommeil paisible, sans se douter un seul instant de l'Apocalypse. Elle flâna un moment avant d'aller dans la cuisine. Un sourire orna ses lèvres car elle avait oublié que le frigo était tapissé de photos de sa petite sœur et elle. Ella. Qui était morte comme elle en 2019 comme toute sa famille. Décimée. En cendres. Il ne restait plus personne. Pas même un corps à enterrer. Les larmes aux yeux, elle caressa la photo où deux jeunes filles rousses, aux yeux aussi bleus que l'océan fixaient l'objectif avec de grands sourires.
Ella.
Son double de six ans de moins.
Elle ferait tout pour la sauver.Un gémissement attira son attention et Dolorès s'éleva vers le plafond pour le traverser et atterrir à l'étage. Sa sœur dormait calmement, ses petits poings serrés contre son visage arrondi. Bobo, le clown grotesque qu'elle tirait partout derrière elle était dans le fond alors qu'il tapissait tous les murs. Dodo n'avait jamais compris d'où lui venait cette passion pour les clowns. Reculant, elle constata l'ordinateur dans un coin de la pièce, un vieux modèle qu'elles avaient ramassé et retapées. Le fantôme tendit la main vers sa sœur mais ne put caresser ses cheveux. Alors elle fila pour traverser le mur qui séparait la chambre de sa petite sœur de celle de ses parents. Comme à son habitude, sa mère fixait le plafond et cogitait.
Anne McDougall a toujours été du genre insomniaque. Il n'était pas rare de la croiser en train d'astiquer la cuisine à quatre heures du matin. Dolorès pouvait voir aux mains de sa mère qui ne cessaient de s'agiter que cette dernière cherchait un moyen de rester couchée. Ses lèvres tressautaient à mesure que les ronflements de Bill la faisait tressauter. Dieu qu'elle avait toujours haï dormir à ses côtés. Mais ils étaient mariés, parents de deux filles. Elle ne pouvait pas s'en aller en plein milieu de la nuit.
Sur le papier, le portrait de la famille McDougall est idéal. Et alors qu'à des lieux de là, Cinq Hargreeves explique à ses frères et sœurs son parcours d'un ton acerbe, Dolorès se familiarisait de nouveau avec l'environnement qui l'avait entouré pendant seize années. La mère de famille infidèle qui ne cessait de coucher avec un homme de Terminale. Celui qui venait donner des cours à Dodo pour les mathématiques. Et sur qui elle avait eu un béguin secret avant de tomber Cinq Hargreeves. Le père, écœuré par sa femme, ayant une deuxième vie avec sa secrétaire et père d'un bébé de quelques mois. La petite sœur, qui était dans un monde peuplé de licornes et de paillettes. Et enfin Dolorès. L'anomalie. La fille qui ne parlait que très peu, gigantesque pour son âge. Timide et gauche. Qui ne cessait de se dire qu'elle avait eu être adoptée.
Oui le tableau était loin d'être idéal. Mais l'Ecossaise devait sauver Ella et retrouver Cinq. Donc elle n'avait pas de temps à perdre avec ses regrets.Atterrissant dans sa chambre, elle se remémora toute la décoration qui la peuplait. Les figurines de Pop de Star Wars, les posters de diverses séries, son journal intime. Avant que ses yeux ne se reposent sur elle. Ne risquait-elle pas de créer un paradoxe en entrant en contact avec son soi vivant ? A vrai dire, elle n'en avait aucune idée. Fermant les yeux, elle plongea.
L'intérieur de sa tête ne la surprit guère. C'était comme un clip des années 80 mais qui passait mal. La Dolorès vivante -qu elle appellera DV- se tenait au centre avec son portable et le fixait en attente d'un message qui ne viendrait jamais. Puis le fantôme s'approcha alors que DV releva la tête.
- T'es qui toi ? Lança l'adolescente d'un ton haineux
- Je suis toi. Enfin ce qui adviendra de toi dans quelques jours.
Dolorès devait d'amadouer elle-même et la chose n'était pas facile. Car elle se connaissait et elle était méfiante. DV fit un pas sur le côté, l'autre dans l'opposé. C'était comme se regarder dans un miroir et c'était perturbant. Les deux jeunes femmes se jaugeaient et Dolorès sut qu'elle devait agir.
- J'ai besoin de récupérer mon corps. Je dois retrouver Cinq. Je dois sauver Ella.
- Les sauver de quoi ? Putain je suis en train de rêver ou quoi ? Je n'ai pourtant pas pris de marijuana.
Effectivement. La consommation de drogues était proscrite chez les McDougall et DV voulait être la fille parfaite pour faire le bonheur de ses parents. Trop aveugle pour voir que ceux-ci ne se souciaient guère de la vie de leur foyer.
- Putain mais écoute-moi la fin des temps approche. Je dois récupérer mon corps.
- Va crever.
Toi d'abord, pensa-t-elle.
Sans se soucier du temps qui passe. Pendant que son époux était aux prises de la commission elle se mit à courir vers elle-même. La collision fut étrange pour les deux. Dolores ressentit une douleur à son avant-bras avant de voir la peau se désagréger. Et la même chose sur DV.
Elles étaient en train de s'annihiler toutes les deux. Il fallait donc être rapide.
La rouquine ferma les yeux et tenta de se rappeler un combat que Cinq avait disputé il n'y a pas si longtemps. Lui aussi était en désavantage. Pourtant, il avait gagné. Les deux femmes vinrent atterrir au sol et une partie de leur visage s'envola.
- Laisse-moi prendre le contrôle ou l'on va disparaître toutes les deux.
Les yeux révulsés, DV prit un trophée et le fracassa sur le sommet du crâne de son double. Le fantôme se recule et tituba alors qu'un liquide chaud s'écoula de son crâne. Elle vint se saisir du trophée pour tirer dessus et faire une clé de bras à DV qui plia sous son poids.
- S'il te plaît. Pourquoi tu me fais ça ? L'implora l'adolescente.
- Parce que je suis toi.
Puis elle vint tâtonner sur la coiffeuse à sa gauche alors que sa main droite était refermée autour du cou de DV.
- Je suis désolée.
Elle attrapa la lime à ongles et la planta dans le cou d'elle-même avant de se reculer. Les liens. Il y avait des liens au sol qui reliaient DV au corps. Cette dernière convulsait sous le choc et le sang s'écoulait à flot. Dolores entreprit de couper tous les liens avec une paire de ciseaux à ongles avant de les raccrocher à ses pieds.
Alors que le dernier lien se tressa autour de son pied gauche, une douleur fulgurante vint la saisir alors qu'elle vit DV se désagréger sous ses yeux.
Et qu'un flash blanc l'aveugla.
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From death to life {Five/Dolores}
FanfictionElle a été à ses côtés pendant trente années. Lui ne le voyait que sous la forme d'un mannequin de supermarché alors que la réalité était tout autre Elle était réelle. Dolorès MacDougall était bien vivante avant que l'Apocalypse ne la fauche le 1...